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Décisions

Cass. com., 8 janvier 2002, n° 98-23.181

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Cahart

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Delaporte et Briard

Versailles, 13e ch., du 8 oct. 1998

8 octobre 1998

Attendu, selon l'arrêt déféré, qu'après avoir livré à la société Les Armateurs des matériels et logiciels informatiques permettant notamment de réaliser des dessins animés, la société 2001 a été mise en redressement judiciaire ; que la société Les Armateurs, se plaignant de dysfonctionnements des équipements livrés, a déclaré à la procédure collective une créance qui a été contestée ;

Sur le second moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que la société Les Armateurs reproche à l'arrêt d'avoir accordé des dommages-intérêts à la société 2001, alors, selon le moyen :

1°) que la procédure de vérification des créances ne peut avoir pour objet que de déterminer l'existence, le montant ou la nature de la créance déclarée ; qu'en condamnant le créancier déclarant à payer des dommages et intérêts au débiteur en redressement judiciaire pour déclaration abusive, la cour d'appel a violé l'article 101 de la loi du 25 janvier 1985 ;

2°) que constitue une prétention nouvelle devant la cour d'appel la demande tendant à voir condamner le demandeur à l'action à réparer les conséquences non pas de son appel, mais de l'acte introductif d'instance prétendument abusif ; qu'en l'espèce, la société faisait valoir, dans ses conclusions d'appel signifiées le 20 juillet 1998 (p.2), que les demandes en paiement présentées pour la première fois devant la cour d'appel par les intimés étaient nouvelles et devaient, à ce titre, être déclarées irrecevables en application de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile ; que la cour d'appel constate elle-même que la demande de la SA 2001 en réparation des conséquences de la déclaration de créance effectuée par la société Les Armateurs est "nouvelle" ; qu'en condamnant néanmoins cette dernière à réparer le préjudice causé par sa déclaration de créance, la cour d'appel a violé l'article 564 précité ;

3°) que l'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute susceptible d'entraîner condamnation à des dommages et intérêts que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il est le résultat d'une erreur grossière équipollente au dol ; que l'arrêt attaqué, qui ne relève pas de faute caractérisée à l'encontre de la société Les Armateurs, est dépourvu de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

4°) qu'en retenant que la société Les Armateurs savait que, à supposer que la SA 2001 se montrât défaillante, elle pourrait trouver, auprès d'autres sociétés, la possibilité de réparer le matériel et de procéder à la maintenance du logiciel, sans rechercher si la protection entourant ce logiciel n'interdisait pas à d'autres sociétés que la société 2001 d'intervenir pour en assurer la maintenance, en sorte que la société Les Armateurs était légitimement fondée à supposer, au moment où elle a déclaré sa créance, que la cessation éventuelle d'activité de la société 2001 aurait pour corollaire la cessation de la maintenance du logiciel, indispensable à son fonctionnement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

5°) qu'il n'existe aucun lien de causalité direct entre la faute prétendue de la société Les Armateurs et les émoluments dus par la société 2001 au représentant des créanciers, qui ont pour cause l'ouverture de la procédure collective et non la déclaration de créance ;

que l'arrêt attaqué est ainsi dépourvu de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a retenu à bon droit que l'appréciation du caractère abusif d'une déclaration de créance ressortit à la procédure de vérification des créances ; qu'elle a souverainement relevé que la société Les Armateurs avait déclaré une créance sans commune mesure avec l'étendue possible de son préjudice, et que cette faute avait augmenté inutilement les émoluments du représentant des créanciers ; qu'elle a effectué la recherche demandée au sujet de la maintenance du logiciel, en retenant que cette maintenance avait été effectuée par une autre société ;

Et attendu, en second lieu, que les parties, selon les termes de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour opposer compensation ;

D'où il résulte que, la cour d'appel ayant légalement justifié sa décision, le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt se borne à soutenir que la société Les Armateurs ne rapporte pas la preuve de l'interruption du contrat de maintenance ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions qui soutenaient que la société 2001, venderesse du logiciel Tic Tac Toon utilisé pour la première fois par un studio français, n'avait pas remis à cet utilisateur le manuel d'utilisation, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce de Nanterre, l'arrêt rendu le 8 octobre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.