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Décisions

Cass. com., 27 septembre 2017, n° 16-19.394

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Avocats :

SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Riom, du 10 févr. 2016

10 février 2016

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que, le 19 octobre 2010, la société Holding du Crozatier (la société HDC) a été mise en redressement judiciaire ; que M. Y..., associé, a déclaré une créance de 350 000 euros en principal et 15 764 euros correspondant aux intérêts d'un compte courant bloqué pour sept ans et afférents aux années 2009 et 2010 ; que cette créance a été admise au passif ; qu'au cours de la période d'observation, le 12 mars 2012, l'assemblée générale de la société HDC a adopté une résolution n° 5 entérinant la rémunération du compte courant de M. Y... au taux légal pour l'exercice écoulé, représentant, au 30 septembre 2011, une créance d'intérêts de 10 794 euros ; que par un jugement du 17 avril 2012, le tribunal de commerce a arrêté le plan de redressement de la société HDC sur dix ans, en décidant que la créance de M. Y... serait apurée à concurrence de 25 % dans les trois mois suivant l'homologation du plan, les 75 % restants étant abandonnés ; qu'après avoir reçu le paiement du dividende prévu par le plan, M. Y... a assigné la société HDC en paiement d'une facture de 10 794 euros correspondant aux intérêts de sa créance en compte courant relatifs à l'année 2011, tels que calculés dans la résolution n° 5 du 12 mars 2012 ; que par un jugement du 4 novembre 2014, le tribunal de commerce d'Aurillac a annulé cette résolution et rejeté l'ensemble des demandes de M. Y... ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 561 et 564 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour infirmer le jugement du 12 mars 2012 et condamner la société HDC à payer à M. Y... la somme de 10 794 euros, outre les intérêts, au titre de la rémunération de son compte courant d'associé, l'arrêt retient qu'aucune des parties ne lui en ayant fait la demande, c'est en s'affranchissant des termes de sa saisine que le tribunal a prononcé, d'office, l'annulation de la résolution n° 5 votée par l'assemblée générale du 12 mars 2012 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la société HDC demandait la confirmation du jugement, notamment en ce qu'il avait prononcé l'annulation de cette résolution, ce qui valait reprise de cette demande en appel, et que cette demande nouvelle, tendant à faire écarter les prétentions adverses, était recevable devant elle, la cour d'appel, qui, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, était saisie et donc tenue de statuer sur cette demande, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 622-7 du code de commerce ;

Attendu que, pour statuer comme il fait, l'arrêt, après avoir énoncé que la dérogation à la règle de l'arrêt du cours des intérêts prévue par l'article L. 622-28 du code de commerce a vocation à s'appliquer à la mise à disposition de fonds dans le cadre d'un compte courant s'il est spécifié que le remboursement desdits fonds est différé dans un délai supérieur à un an, retient qu'un avenant du 15 juillet 2008 a obligé M. Y... à immobiliser son apport en compte courant pour une durée de sept ans ; qu'il relève encore que, si M. Y... a reçu le paiement du dividende prévu au plan de redressement, ce règlement n'a eu pour effet que d'éteindre la créance soumise au plan, et non la créance résultant des intérêts échus au cours de la période d'observation ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la créance d'intérêts invoquée par M. Y... était relative à une créance en compte courant antérieure au jugement d'ouverture, de sorte qu'elle avait elle-même, par voie d'accessoire, la nature de créance antérieure, peu important qu'il s'agisse d'intérêts dont le cours n'avait pas été arrêté postérieurement au jugement d'ouverture, et que son règlement se heurtait à la règle de l'interdiction des paiements, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles L. 622-26, alinéa 2, L. 626-10, alinéa 1, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, et R. 622-23, 2°, du code de commerce ;

Attendu que, pour statuer comme il fait, l'arrêt, après avoir énoncé que la dérogation à la règle de l'arrêt du cours des intérêts prévue par l'article L. 622-28 du code de commerce a vocation à s'appliquer à la mise à disposition de fonds dans le cadre d'un compte courant s'il est spécifié que le remboursement desdits fonds est différé dans le délai supérieur à un an, retient qu'un avenant du 15 juillet 2008 a obligé M. Y... à immobiliser son apport en compte courant pour une durée de sept ans ; qu'il relève encore que, si M. Y... a reçu le paiement du dividende prévu au plan de redressement, ce règlement n'a eu pour effet que d'éteindre la créance soumise au plan, et non la créance résultant des intérêts échus au cours de la période d'observation ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé, d'abord, que la créance invoquée par M. Y... correspondait aux intérêts échus en 2011 sur sa créance en compte, et que la créance déclarée par celui-ci et admise au passif n'incluait que le principal et les intérêts afférents aux années 2009 et 2010, de sorte que la créance d'intérêts litigieuse n'avait pas été admise au passif, ensuite, que la société HDC avait exécuté ses engagements prévus par le plan à l'égard de M. Y..., alors que les intérêts dont le cours n'est pas arrêté relatifs à une créance antérieure au jugement d'ouverture sont soumis à l'obligation de déclaration et que les créances non déclarées régulièrement sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.