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Décisions

Cass. com., 24 mars 2015, n° 14-11.591

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

Me Balat, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Odent et Poulet, SCP Yves et Blaise Capron

Bordeaux, du 27 nov. 2013

27 novembre 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir été mise en redressement judiciaire le 1er septembre 2005, la société Boutin (la société) a bénéficié d'un plan de redressement par voie de continuation, M. Y... étant désigné en qualité de commissaire à son exécution ; que postérieurement à son arrêté et estimant que la procédure collective avait son origine dans l'interruption brutale et concomitante des concours bancaires dont elle bénéficiait ainsi que dans la perception indue d'intérêts en raison de la nullité ou des erreurs affectant les taux effectifs globaux (TEG) portés à sa connaissance, la société et son président, M. X..., ont assigné les sociétés Crédit industriel de l'Ouest, Société générale, CRCAM Charente Périgord et Banque commerciale pour le marché de l'entreprise, devenue la société Arkea banque entreprises et institutionnels (les banques) en responsabilité, annulation de la stipulation d'intérêts et remboursement du trop-perçu sur agios ; que le commissaire à l'exécution du plan est intervenu volontairement à l'instance ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à la réparation des préjudices qu'elle a subis par suite du retrait brutal et concerté des concours financiers que les banques lui avaient consentis alors, selon le moyen, qu'engage sa responsabilité l'établissement bancaire qui rompt un concours bancaire à durée indéterminée, alors que la situation de l'entreprise cliente n'était pas irrémédiablement compromise ; qu'en jugeant que les quatre banques n'avaient pas commis de faute, en rompant au même moment leurs concours bancaires à durée indéterminée, sans rechercher si la situation de la société était alors irrémédiablement compromise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 312-12 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause, qu'un établissement de crédit peut, en respectant le délai de préavis fixé lors de son octroi, réduire ou interrompre unilatéralement un concours, autre qu'occasionnel, consenti pour une durée indéterminée à une entreprise dont la situation n'est pas irrémédiablement compromise, sauf à engager sa responsabilité en cas d'abus ; qu'ayant relevé que les banques avaient respecté le délai de préavis contractuel, avaient adressé des mises en garde à la société, lui avaient dispensé des informations et lui avaient accordé des aménagements pour lui permettre de régulariser sa situation, la cour d'appel, qui en a déduit que les concours bancaires n'avaient pas été rompus de manière brutale et abusive et qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante visée par le moyen, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 621-68, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action de la société en ce qui concerne la stipulation d'intérêt, l'arrêt retient qu'« au cas où il serait supérieur au TEG devant être pratiqué selon les dispositions légales, il fait partie du passif social, concerne la collectivité des créanciers et doit être débattu dans le cadre de la procédure collective » ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société, redevenue maîtresse de ses biens par l'adoption de son plan et que le commissaire à l'exécution de celui-ci ne représente pas, était seule recevable à agir en annulation de la clause contractuelle relative aux intérêts qu'elle avait conclue avec les établissements de crédit, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen :

Vu l'article L. 621-68, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'intervention du commissaire à l'exécution du plan, l'arrêt retient que le préjudice invoqué par la société étant un préjudice personnel, le commissaire à l'exécution du plan, qui ne représente pas la société, n'a pas qualité à agir ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par un motif général, sans distinguer s'il s'agissait d'une action en responsabilité contre un cocontractant du débiteur, que le commissaire à l'exécution du plan ne représente pas, ou d'une action en responsabilité délictuelle contre un tiers visant à réparer le préjudice collectif des créanciers résultant d'une diminution ou d'une aggravation du passif, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de la société Boutin tendant à la réparation des préjudices causés par la dénonciation des concours consentis par les banques, l'arrêt rendu le 27 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.