CAA Marseille, 6e ch., 13 janvier 2020, n° 18MA03568
MARSEILLE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
International Express Service (Sté)
Défendeur :
Ministre de l'Economie et des Finances
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Zupan
Premier Conseiller :
M. Gautron
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société International Express Service a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur du 24 mars 2016 lui infligeant une amende administrative de 4 300 euros pour manquement aux délais de paiement de ses fournisseurs et prescrivant la publication de cette sanction sous la forme d'un communiqué électronique pour une durée d'un mois. Par un jugement n° 1604357 du 5 juin 2018, le Tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 juillet 2018 et 7 mai 2019, la société International Express Service, représentée en dernier lieu par Me D et Me B, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur du 24 mars 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'autorité administrative s'est fondée à tort sur les dates de débit bancaire pour déterminer la date de paiement des factures litigieuses ;
- certains des règlements adressés à ses fournisseurs ont subi un délai anormalement long d'acheminement et d'encaissement, qui ne lui est pas imputable ;
- au regard des seules factures effectivement réglées avec retard, le montant de la sanction contestée est excessif.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2019, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société International Express Service ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 juin de la même année ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu : - le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A Gautron, rapporteur,
- les conclusions de M. C Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me D, représentant la société International Express Service, et celles de Mme E, représentant le ministre de l'économie et des finances.
Considérant ce qui suit :
1. La société International Express Service, spécialisée dans la distribution d'ingrédients cosmétiques et de parfumerie, a fait l'objet, le 30 juin 2015, d'un contrôle opéré par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur, portant sur ses pratiques en matière de paiement des fournisseurs et des prestataires au cours de l'année 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration a constaté, dans un procès-verbal dressé le 16 décembre 2015, que, sur la période concernée, sept cocontractants sur vingt-neuf avaient été payés avec un retard moyen pondéré de 2,18 jours concernant les fournisseurs avec lesquels des délais de paiement avaient été convenus et de 9,16 jours concernant les prestataires de transport routier de marchandises. Par une décision du 24 mars 2016, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a prononcé à l'encontre de la société International Express Service une amende de 4 300 euros en application des dispositions de l'article L. 465-2 et du VI de l'article L. 441-6 du code de commerce et décidé de la publication de cette sanction sous forme de communiqué, par voie électronique, sur le site internet de sa direction générale, pour une durée d'un mois. La société International Express Service relève appel du jugement du 5 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur la légalité de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur du 24 mars 2016 :
2. Aux termes de l'article L. 441-6 du code de commerce : « I. - () Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. / Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier. En cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts, le délai convenu entre les parties ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d'émission de la facture. / Les professionnels d'un secteur, clients et fournisseurs, peuvent décider conjointement de réduire le délai maximum de paiement fixé à l'alinéa précédent. Ils peuvent également proposer de retenir la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation de services demandée comme point de départ de ce délai. Des accords peuvent être conclus à cet effet par leurs organisations professionnelles. Un décret peut étendre le nouveau délai maximum de paiement à tous les opérateurs du secteur ou, le cas échéant, valider le nouveau mode de computation et l'étendre à ces mêmes opérateurs. / Nonobstant les dispositions précédentes, pour le transport routier de marchandises, pour la location de véhicules avec ou sans conducteur, pour la commission de transport ainsi que pour les activités de transitaire, d'agent maritime et de fret aérien, de courtier de fret et de commissionnaire en douane, les délais de paiement convenus ne peuvent en aucun cas dépasser trente jours à compter de la date d'émission de la facture. (…) VI. - Sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés au neuvième alinéa du I du présent article, ainsi que le fait de ne pas respecter les modalités de computation des délais de paiement convenues entre les parties conformément au neuvième alinéa dudit I. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 465-2. Le montant de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. ».
Selon l'article L. 465-2 du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur : « I. - L'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l'autorité compétente pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements mentionnés au titre IV du présent livre ainsi que l'inexécution des mesures d'injonction prévues à l'article L. 465-1. (…) V. - La décision prononcée par l'autorité administrative peut être publiée (…) ».
3. Pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 441-6 du code de commerce, doit être regardée comme la date de règlement effectif d'une facture, non pas celle à laquelle son règlement a été inscrit en comptabilité par le débiteur, mais celle à laquelle les fonds correspondants ont été mis à la disposition du créancier. A cet égard, ne peut être valablement retenue la date à laquelle la somme due a été effectivement portée sur le compte bancaire du créancier que dans le cas où il n'existe aucune preuve de la réception à une date antérieure, par ce dernier, du règlement. Ainsi, en prenant en compte, pour établir et calculer les retards imputés à la société International Express Service, cette seule date, sans tenir compte d'éventuels retards d'encaissement imputables aux délais d'acheminement postaux, aux délais d'opérations bancaires, voire à l'inertie des créanciers eux-mêmes, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur a entaché sa décision d'une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société International Express Service est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur du 24 mars 2016. Elle est également fondée, par suite, à demander l'annulation de ce jugement et de cette décision.
Sur les frais liés au litige :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme réclamée par la société International Express Service au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens de la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1604357 du 5 juin 2018 et la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur du 24 mars 2016 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la société International Express Service tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme International Express Service et au ministre de l'économie et des finances.