Cass. 1re civ., 3 février 2016, n° 14-25.695
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
Mme Verdun
Avocat général :
M. Sudre
Avocats :
SCP Foussard et Froger, SCP Lévis
Joint les pourvois n° U 14-25. 695 et K 14-25. 733, en raison de leur connexité ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 23 février 2012, pourvoi n° 10-19. 136), qu'en vertu d'un acte notarié du 9 avril 2001, la société Banque populaire de Lorraine Champagne, exerçant désormais sous la dénomination de Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque), a consenti à la société Le Bal'asko (la société), ayant pour dirigeante et unique associée Mme X..., un prêt destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce, dont le remboursement devait être garanti par une assurance couvrant les risques « décès, perte totale et irréversible d'autonomie et arrêt de travail » sur la tête de Mme X... ; que celle-ci, qui avait sollicité son admission à l'assurance de groupe souscrite par la banque, a demandé, au mois de février 2002, la prise en charge des échéances de remboursement du prêt, au titre d'un arrêt de travail pour maladie ; que, s'étant vu opposer une exception de non-assurance, prise de ce qu'elle n'avait pas accepté, dans les délais impartis, la proposition d'assurance que l'assureur de groupe lui avait adressée pour accord, Mme X... a, conjointement avec la société, assigné en responsabilité la banque et le notaire rédacteur de l'acte de prêt ; qu'après qu'elles eurent été successivement mises en liquidation judiciaire, leur liquidateur commun, la SCP Noël, Nodée et Lanzetta, a repris l'instance, pour demander, d'une part, l'allocation d'une indemnité réparatrice égale à l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la société, d'autre part, l'indemnisation des préjudices personnels subis par Mme X..., en tant que dirigeante de la société et caution solidaire de ses engagements envers la banque ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° K 14-25. 733 formé par le liquidateur judiciaire de Mme X..., et sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses huit premières et quatre dernières branches, du pourvoi n° U 14-25. 733 formé par la banque, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur la neuvième branche du second moyen du pourvoi de la banque :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble l'article L. 622-20 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, applicable en la cause ;
Attendu que l'arrêt condamne la banque à payer au liquidateur à la liquidation judiciaire de Mme X... les sommes de 45 000 euros, en réparation des pertes de rémunérations consécutives au redressement puis à la liquidation judiciaires de la société que celle-ci dirigeait, et celle de 258 500 euros, en compensation de la dépréciation du fonds de commerce appartenant à la société dont elle était l'unique associée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, si la perte pour l'avenir des rémunérations que Mme X... aurait pu percevoir en tant que dirigeant social était à l'origine d'un préjudice distinct qui lui était personnel, la dépréciation du fonds de commerce consécutive à la mise en liquidation judiciaire de la société n'était qu'une fraction du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers du fait de l'amoindrissement ou de la disparition du patrimoine social, de sorte que seul le liquidateur à la liquidation judiciaire de la société avait qualité pour en demander réparation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne à payer à la SCP Noël, Nodée et Lanzetta, prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Mme X..., la somme de 253 500 euros en réparation de la dépréciation de fonds de commerce, l'arrêt rendu le 16 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.