Cass. com., 17 octobre 2018, n° 17-16.263
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Avocats :
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Richard
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. Y..., que sur le pourvoi incident relevé par la société Allianz IARD ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 28 janvier 2004, la société Daphisand, qui exploitait un complexe de bowling-bar-restaurant dans des locaux situés dans un centre commercial et donnés à bail par la société Rivesaltes immobilier, a été mise en redressement judiciaire ; que, dans la nuit du 14 au 15 juin 2004, un incendie volontaire a ravagé les locaux d'exploitation ; que l'assureur de la société Daphisand a refusé sa garantie au motif que les lieux sinistrés ne faisaient pas l'objet d'une surveillance spécifique au moment du sinistre ; que la procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire le 2 janvier 2005 ; que, reprochant à la société Sud Méditerranée protection un manquement dans l'exécution du contrat de gardiennage la liant à la société Rivesaltes immobilier pour la surveillance du centre commercial, M. Y..., associé gérant et caution de la société Daphisand, a assigné la société Allianz IARD, venant aux droits de la société AGF, assureur de cette société de gardiennage, en réparation notamment du préjudice né de l'exécution de son engagement de caution de la société Daphisand et d'un préjudice moral ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal :
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de M. Y... tendant à la réparation de la perte de chance de ne pas être tenu d'exécuter son engagement de caution, l'arrêt retient que M. Y... est créancier de la procédure collective de la société Daphisand et qu'il n'est pas titulaire d'un dommage personnel distinct de celui causé aux autres créanciers, seul le liquidateur étant habilité à poursuivre l'intérêt collectif des créanciers ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice résultant pour la caution de la mise en oeuvre de sa garantie constitue un préjudice personnel, distinct de celui, collectif, subi par les créanciers, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal :
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de M. Y... tendant à la réparation de son préjudice au titre de la perte de ses revenus, l'arrêt retient qu'en sa qualité d'employé, M. Y... est créancier de la procédure collective et qu'il n'est pas titulaire d'un dommage personnel distinct de celui causé aux autres créanciers ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la perte pour l'avenir des rémunérations que M. Y... aurait pu percevoir en sa qualité d'employé constitue un préjudice personnel distinct de celui subi par la collectivité des créanciers, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi incident :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 1382, devenu 1240, du même code ;
Attendu que pour condamner la société Allianz IARD à réparer la préjudice moral subi par M. Y..., l'arrêt retient qu'au moment du sinistre, que ce soit sur instruction du bailleur qui aurait demandé de déplacer la surveillance ou à l'initiative du gardien falsifiant ses horaires de présence, aucune surveillance n'était effective, bien qu'un canevas contractuel et juridique tout à fait suffisant était en place avec un contrat de gardiennage qui devait être effectif toute la nuit et que l'instruction donnée par le bailleur ne pouvait exonérer la société de gardiennage dans la mesure où cette instruction n'aurait fait que concourir à sa faute et ne faisait pas disparaître la contravention évidente au contrat souscrit par le bailleur, que ce dernier ait concouru ou non à l'absence de gardien ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les parties au contrat de gardiennage n'étaient pas convenues d'affecter le seul gardien de nuit à la surveillance d'autres locaux que ceux exploités par la société Daphisand et si cet accord n'excluait pas, par hypothèse, tout manquement de la société de gardiennage dans l'exécution du contrat la liant à la société Rivesaltes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.