Cass. 3e civ., 28 mai 2020, n° 19-15.001
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
Mme Corbel
Avocat général :
Mme Valdès Boulouque
Avocats :
SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Colin-Stoclet
Faits et procédure
1°) Selon l'arrêt attaqué (Pau, 7 février 2019), le 9 mai 2008, M. R... et Mme H... ont donné à bail à la société anonyme Open sud gestion (la société), pour une durée de neuf années entières, une villa meublée avec terrain, terrasse et piscine, destinée à une activité d'exploitation hôtelière et/ou para-hôtelière consistant en la sous-location meublée de locaux situés dans le même ensemble immobilier avec mise à disposition de services ou prestations para-hôtelière à la clientèle.
2°) Le 3 novembre 2016, M. R... et Mme H... ont délivré à la société un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction pour le 27 mai 2017.
3°) Puis, déniant à la locataire le droit à indemnité d'éviction pour défaut d'immatriculation régulière au registre du commerce et des sociétés à l'adresse du bien loué, ils l'ont assignée en validation du congé et en expulsion.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
4°) En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation .
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5°) La société fait grief à l'arrêt de juger qu'elle ne bénéficie pas du droit au renouvellement du bail, en conséquence, de rejeter sa demande d'indemnité d'éviction, d'ordonner son expulsion et de la condamner à verser à M. R... et à Mme H... une certaine somme au titre d'une indemnité d'occupation, alors « que le juge ne peut pas dénaturer les termes clairs et précis des contrats ; qu'en l'espèce, l'acte en date du 9 mai 2008 signé entre la société Open sud gestion et les consorts R... H... stipule à son article 2 que « les soussignés affirment et déclarent leur intention expresse de soumettre la présente convention au statut des baux commerciaux, tel qu'il résulte des articles L. 145-1 du code de commerce et des textes subséquents ; et ce même si toutes les conditions d'application de ce statut ne sont pas remplies ou ne le sont que pour partie, en sorte qu'il y aura éventuellement extension conventionnelle du champ d'application dudit statut » ; qu'en affirmant, pour refuser le droit à une indemnité d'éviction du preneur, qu'il n'est pas stipulé au contrat de bail que le bailleur accepte de façon non équivoque de dispenser le preneur « du défaut d'immatriculation » (sic) au RCS, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 2 de l'acte du 9 mai 2008 et a violé l'article 1134, devenu 1192, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
6°) Pour rejeter la demande de la société en paiement d'une indemnité d'éviction, l'arrêt retient qu'il n'est pas stipulé au bail que le bailleur accepte de façon non équivoque de dispenser le preneur « du défaut d'immatriculation » au registre du commerce et des sociétés, de sorte que cette condition était requise à la date du congé.
7°) En statuant ainsi, alors que le bail stipulait que les parties déclaraient « leur intention expresse de soumettre la présente convention au statut des baux commerciaux, tel qu'il résulte des articles L. 145-1 du code de commerce et des textes subséquents, et ce même si toutes les conditions d'application de ce statut ne sont pas remplies ou ne le sont que pour partie, en sorte qu'il y aura éventuellement extension conventionnelle du champ d'application de ce statut », la cour d'appel, qui a dénaturé cette convention claire et précise, dont il résulte que le bailleur avait renoncé à se prévaloir de la condition d'immatriculation, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il valide le congé, l'arrêt rendu le 7 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.