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Décisions

Cass. com., 6 juin 1984, n° 82-16.783

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jonquères

Rapporteur :

M. Jonquères

Avocat général :

M. Cochard

Avocat :

Me Barbey

Paris, 4e ch. A, du 11 oct. 1982

11 octobre 1982

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que, selon l'arrêt attaqué, M. X... a déposé à l'INPI le 25 septembre 1975 une demande de brevet n° 75.29410 concernant un "clip pour la pose de lambris en lattes, panneaux et dalles et ses procédés de poses" ; que M. X... a requis que soit différé à deux ans l'établissement de l'avis documentaire ; que le 5 janvier 1977, M. X... a adressé à l'INPI, par simple lettre, une requête tendant à l'établissement dudit avis accompagnée d'un chèque en règlement de la taxe exigée pour sa délivrance ; que, le 25 novembre 1977, le directeur de l'INPI n'ayant reçu aucun de ces documents, a prononcé d'office la transformation de la demande de brevet en demande de certificat d'utilité, lequel sera délivré le 12 mai 1980 ; que la protestation de M. X... contre cette décision a été rejetée par le directeur de l'INPI le 6 janvier 1978 ; que le recours formé par M. X... devant la Cour d'appel de Paris a également été rejeté par arrêt du 31 mai 1978, devenu irrévocable, au motif que M. X... n'apportait pas la preuve qu'il avait accompli ces formalités avant l'expiration du délai fixé par l'article 19 de la loi du 2 janvier 1968 ; que, cependant, ladite enquête et le chèque ont été retrouvés par l'agent comptable de l'INPI ; que, saisi d'une requête par laquelle M. X... lui demandait, au vu de ce fait nouveau, de réviser sa décision du 25 novembre 1977, le directeur de l'INPI a procédé au retrait de sa décision le 11 mars 1981, qu'après que la procédure d'avis documentaire ait été diligentée, l'invention de M. X... a été protégée par un brevet et non plus par un certificat d'utilité ; que la société Behrens, invoquant l'autorité de la chose jugée, a saisi la Cour d'appel de Paris en annulation de la décision du 11 mars 1981 du directeur de l'INPI ; que M. X... est intervenu en la cause ;

Attendu que le pourvoi reproche à la Cour d'appel d'avoir accueilli cette demande, alors qu'en déclarant le recours de la société Behrens recevable aux seuls motifs que "conformément au droit commun, le recours contre les décisions du directeur de l'INPI peut être exercé par toute personne à qui la décision préjudicie", sans fournir aucune précision quant au préjudice qui pouvait résulter pour la société Behrens de la décision attaquée, la Cour d'appel a mis la Cour suprême dans l'impossibilité d'exercer son contrôle sur l'intérêt de cette société à agir, en violation des articles 31 et 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'à la requête de la société Behrens, M. X... n'a jamais opposé son défaut d'intérêt à agir, que ce grief ne peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de Cassation ; que le moyen, en sa première branche, est irrecevable ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1er de la loi du 2 janvier 1968 ;

Attendu que pour prononcer l'annulation de la décision de retrait du directeur de l'INPI du 11 mars 1981, la Cour d'appel retient que l'Administration n'avait pas le pouvoir de rétracter une décision erronée ou irrégulièrement prise, car, en l'espèce, le directeur de l'INPI était dessaisi du pouvoir de décision, la loi prévoyant un recours devant la Cour d'appel de Paris, que la sanction de l'erreur de l'INPI ne saurait être trouvée dans une restauration de fait du titulaire dans ses droits de breveté par une décision administrative préjudiciant aux tiers et prise à mépris de la décision de l'autorité judiciaire seule compétente pour la prononcer ;

Attendu qu'en se déterminant par ces motifs, alors qu'un acte administratif individuel, en cas de résiliation d'une erreur, peut être rapporté par l'autorité administrative qui l'a pris dans la mesure où il n'a pas créé de droit au profit d'un tiers, la Cour d'appel, qui n'a pas recherché si la société Behrens pouvait se prévaloir, à la date à laquelle le directeur de l'INPI a révisé sa décision, d'un droit privatif acquis antérieurement sur l'invention revendiquée par M. X... et toujours protégée par le certificat d'utilité délivré le 12 mai 1980, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la deuxième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en son entier, l'arrêt rendu entre les parties le 11 octobre 1982 par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état ou elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit les renvoie devant la Cour d'appel de Paris autrement composée.