Décisions
CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 27 octobre 2017, n° 13/15762
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Biogaran (SAS)
Défendeur :
Directeur de l'INPI, Daiichi Sankyo Company Ltd (sté), Teva Santé (SAS), Laboratoires Eurogenerics (SAS), Sandoz (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mme Renard, Mme Jeanjaquet
Avocats :
Me Olivier, Me Casalonga, Me Taze Bernard, Me Veron, Me Metier, Me Grappotte Benetreau , Me Heitzmann, Me Habibi, Me Desrousseaux, Me Bouffier, Me Hardouin, Me Bloret Pucci, Me Teytaud, Me Bertholet
FAITS ET PROCEDURE
La société de droit japonais Daiichi Sankyo Company Limited (ci après Daiichi) était titulaire du brevet FR 2483 912 déposé le 5 juin 1981 portant sur un médicament anti cholestérol dont le principe actif est la pravastatine.
Le 19 mai 1992, par l'intermédiaire du cabinet de conseils en propriété industrielle Lavoix, elle a déposé une demande de certificat complémentaire de protection (ci après CCP) rattaché au brevet sous le numéro 92 C0224, qui a été délivré le 2 août 1992 et qui venait à expiration le 10 août 2006.
Le 26 janvier 2005, le directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) a rendu une décision constatant la déchéance de la société Daiichi sur le CCP 92 CO 224 pour non paiement de la quatrième annuité.
Cette décision a été notifiée au cabinet Lavoix par lettre recommandée avec AR reçue le 27 janvier 2005 et publiée au BOPI le 25 mars 2005.
Le 28 juin 2006, soit plus d'un an après la décision constatant la déchéance, la société Daiichi a formé un recours gracieux auprès de l'INPI.
Par décision du 3 juillet 2006, le directeur de l'INPI a rejeté ce recours au motif qu'il n'avait pas été présenté dans les délais.
Le 18 juillet 2006, la société Daiichi a formé un recours devant la cour d'appel de Paris, procédure à laquelle est intervenue la société Teva Santé(ci après Teva) ; par arrêt du 14 mars 2007 la cour d'appel a annulé les décisions rendues les 26 janvier 2005 et 3 juillet 2006 par le directeur de l'INPI. et, par arrêt du 14 mars 2007, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par ce dernier.
La société Daiichi a assigné le 14 avril 2009 la société Biogaran en contrefaçon du CCP n°92 CO 224 et concurrence déloyale, lui reprochant d'avoir commercialisé sa pravastatine sous fomer d'un générique avant que le CCP ne tombe dans le domaine public, soit avant le 10 août 2006.
La société Biogaran a alors introduit un recours en tierce opposition devant la Cour d'appel de Paris.
La société EG Labo Laboratoire Eurogenerics (ci après EG Labo), autre fabricant de génériques, également accusé de contrefaçon par la société Daiichi a, par assignation du 20 octobre 2010, formé tierce opposition ; par arrêt du 29 février 2012, elle a été déboutée et elle n'a pas formé de pourvoi.
La société Teva Santé, qui a commercialisé la spécialité générique P. Teva, a été assignée le 14 avril 2009 en contrefaçon par la société Daiichi et le 12 juin 2013 par la société Sanofi Aventis France, distributeur en France de la pravastatine sous la marque Vasten, en concurrence déloyale et parasitisme.
La société Sandoz, société pharmaceutique appartenant au groupe Novartis, qui a lancé son générique, la pravastatine Sandoz, a fait l'objet d'une assignation en contrefaçon par acte du 14 avril 2009 et a également été assignée en concurrence déloyale par la société Sanofi.
Par exploits en date des 13 et 23 septembre 2010, la société Sandoz a saisi la Cour d'appel de Paris en rétractation de l'arrêt rendu le 14 mars 2007 et a appelé dans la cause la société Teva Santé et le directeur de l'INPI.
Par trois arrêts du même jour, soit le 29 février 2012, la cour d'appel de Paris a reçu les tierces oppositions des sociétés Biogaran, EG Labo et Sandoz recevables mais les a dites mal fondées.
La société Sandoz a formé un pourvoi en cassation qui a été rejeté par arrêt du 25 juin 2013.
La société Biogaran a également formé un pourvoi en cassation ; par arrêt du 25 juin 2013, la Cour de cassation a retenu le moyen soulevé et a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 février 2012.
L'instance a été reprise par la société Biogaran, la société EG Labo, la société Sandoz et la société Teva intervenant volontairement dans l'instance en tierce opposition.
Par dernières conclusions en date du 4 mai 2017, la société Biogaran demande à la cour de :
- la dire recevable et bien fondée à former tierce opposition contre l'arrêt rendu le 14 mars 2007 par la cour d'appel de Paris
- dire et juger que la décision de constatation de déchéance du 26 janvier 2005 a été régulièrement notifiée
- déclarer irrecevable le moyen nouveau introduit pour la première fois devant la Cour par la société Daiichi et visant l'irrégularité de la notification de la décision de constatation de déchéance du 26 janvier 2005 ainsi que toutes pièces s'y rapportant en conséquence
- prononcer la rétractation de l'arrêt rendu le 14 mars 2007
- le déclarer inopposable à son endroit avec toutes conséquences de fait et de droit que cela emporte
- débouter la société Daiichi de toutes ses demandes, fins et conclusions
- la condamner lui verser la somme de 20 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens à recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions signifiées le 12 avril 2017 la société EG Labo Laboratoires Eurogenerics demande à la cour de :
- la dire et juger recevable et bien fondée en son intervention volontaire
- dire et juger la société Biogaran recevable et bien fondée en sa tierce opposition
- rétracter et annuler l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 14 mars 2007
- dire que la retractation aura pour effet de confirmer définitivement la validité de la décision de déchéance du directeur général de l'INPI du 26 janvier 2005, laquelle, créatrice de droits, produit effet 'erga omnes'
- condamner la société Daiichi au paiement d'une somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions signifiées le 17 mai 2017, la société Teva Santé demande à la cour de :
- la dire recevable et bien fondée en sa tierce opposition
- dire que la rétractation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 mars 2007 produira effet à l'égard de toutes les parties à l'instance compte tenu de l'indivisibilité en présence
- dire que la rétractation aura pour effet de restaurer la décision du directeur de L'INPI du 26 janvier 2005 à l'égard de tous, cette décision, créatrice de droits, produisant effet erga omnes
- condamner la société Daiichi à lui payer la somme de 20 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens à recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions signifiées le 18 mai 2017 la société Sandoz demande à la cour de :
- juger qu'elle est recevable et bien fondée à intervenir volontairement dans la procédure en tierce opposition formée par la société Biogaran
- juger que la société Biogaran est recevable et bien fondée en sa tierce opposition
- dire que la rétractation de l'arrêt du 14 mars 2007 aura pour effet de restaurer la décision du directeur de l'INPI du 26 janvier 2005, laquelle, créatrice de droits, produit effet erga omnes
- dire en tout état de cause qu'en raison de l'indivisibilité, l'arrêt à intervenir produira effet à l'égard de toutes les parties à l'instance
- statuer ce que de droit sur les dépens
Par dernières conclusions signifiées le 5 mai 2017 la société Daiichi demande à la cour de la recevoir en ses demandes et les déclarer bien fondées et de:
A titre principal
- dire et juger que la tierce opposition formée par la société Biogara, à l'encontre de l'arrêt du 14 mars 2007 est irrecevable
- constater que l'INPI était informé que le cabinet Weinstein agissait comme mandataire de la société Daiichi à titre subsidiaire
- dire et juger que la tierce opposition formée par la société Biogaran est mal fondée
en conséquence
- débouter la société Biogaran de l'intégralité de ses demandes et confirmer l'arrêt attaqué en toutes ses dispositions en tout état de cause
- condamner la société Biogaran au paiement de la somme de 150 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens à recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile
Sur l'intervention volontaire des sociétés EG Labo et Sandoz
- la déclarer irrecevable à titre subsidiaire
- dire et juger que leur intervention volontaire ne peut qu'être accessoire
en conséquence
- les débouter de leurs prétentions et notamment de celles portant sur l'effet erga omnes de la décision à intervenir en tout état de cause
- eu égard au caractère abusif de cette intervention, les condamner chacune à lui verser la somme de 20 000€ à titre de dommages et intérêts
- les condamner chacune à lui verser la somme de 30 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Sur les demande de a société Teva Santé et du directeur général de l'INPI
- dire et juger que la société Teva Santé est tant irrecevable que mal fondée
en conséquence
- la débouter de l'intégralité de ses demandes
- la condamner à lui verser la somme de 30 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- dire que le directeur de l'INPI ne peut pas former de demande dès lors qu'il n'est pas partie à la procédure et en conséquence rejeter l'intégralité de ses demandes
Par dernières conclusions signifiées le 23 mai 2017, le directeur de l'INPI demande à la cour de:
- lui donner acte de ses observations
- dire la société Biogaran recevable et bien fondée en sa tierce opposition à l'arrêt de la cour d'appel du 14 mars 2007
- rétracter l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 mars 2007
- dire que l'arrêt à intervenir produira effet à l'égard de toutes les parties à l'instance
- statuer ce que de droit sur les dépens.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
La Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 février 2012 statuant sur la tierce opposition formée par la société Biogaran à l'encontre de l'arrêt rendu le 14 mars 2007 par la même cour statuant sur le recours de la société Daiichi à l'encontre des décisions du directeur de l'INPI.
La Cour de cassation a retenu que :
'pour dire que la notification de la décision du 26 janvier 2005 adressée au cabinet Lavoix était irrégulière, l'arrêt retient que le mandat confié à ce cabinet était limité à la seule procédure de dépôt d'une demande de CCP et que la quatrième redevance ainsi que les redevances postérieures ont été payées par un autre cabinet ;
Qu'en statuant ainsi sans constater que la société de droit japonais Daiichi avait informé l'INPI de ce qu'elle constituait comme mandataire le cabinet Weinstein pour recevoir toute notification, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale'.
La société Daiichi soutient que la société Biogaran et à fortiori les sociétés intervenantes ne sont pas recevables et en tout état de cause pas fondées en leur tierce opposition.
Sur la recevabilité de la tierce opposition de la société Biogaran
1°) La société Daiichi soutient que l'arrêt du 14 mars 2008 est revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée et qu'il a été rendu en application d'une procédure spéciale, de sorte qu'il n'est pas susceptible de tierce opposition.
La société Biogaran fait valoir que la Cour de cassation n'a pas soulevé d'office l'irrecevabilité de sa tierce opposition et en déduit qu'elle est recevable.
En toute hypothèse la cassation ayant été totale, il appartient à la cour de céans d'examiner à nouveau l'affaire en droit et en fait et dès lors de se prononcer sur la question de la recevabilité soulevée par la société Daiichi tant à l'égard de la partie tierce opposante que des parties intervenantes.
L'arrêt du 14 mars 2007, objet de la procédure de tierce opposition de la société Biogaran, a statué sur le recours de la société Daiichi à l'encontre de deux décisions du directeur de l'INPI, recours auquel sont applicables les règles du code de procédure civile.
L'article 583 du Code de procédure civile dispose que 'Est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt à la condition qu'elle n'ait été ni partie, ni représentée au jugement qu'elle attaque'.
2°) L'article 585 du Code de procédure civile dispose que 'Tout jugement est susceptible de tierce opposition si la loi n'en dispose pas autrement'.
En conséquence la voie de la tierce opposition est ouverte à défaut d'avoir été exclue de la procédure de recours à l'encontre des décisions du directeur de l'INPI.
La société Biogaran n'était ni partie, ni représentée dans la procédure ayant abouti à l'arrêt du 14 mars 2007 ; nul ne plaidant par procureur, la présence tant du directeur de l'INPI que du ministère public ne saurait valoir représentation ni de la société Biogaran, ni des autres génériqueurs.
Si la société Biogaran, comme les autres génériqueurs, pouvaient intervenir devant la cour dans le cadre du recours formé par la société Daiichi, pour autant il ne s'agit que d'une faculté et à défaut de le faire, elle ne saurait être privée du droit de former tierce opposition pour n'avoir pas fait usage de ce droit.
3°) La société Daiichi ne peut soutenir que la société Biogaran n'aurait aucun intérêt propre à former tierce opposition à l'encontre de l'arrêt du 14 mars 2007, alors que c'est sur la base de cet arrêt ;, dans la mesure où elle a été accueillie en son recours, qu'elle a engagé l'encontre des laboratoires ayant commercialisé ses génériques de la pravastatine, une action en contrefaçon et, son licencié une action en concurrence déloyale ; cette incrimination, sans préjuger de la suite qui y sera donnée, constitue un préjudice ; en conséquence la société Biogaran est recevable à former opposition à une décision accueillant le recours de la société Daiichi et ayant annulé les décisions du directeur de l'INPI.
En conséquence de l'ensemble de ces éléments la société Biogaran doit être accueillie en sa tierce opposition.
Sur la recevabilité des sociétés EG Labo, Sandoz
La société Daiichi conclut à l'irrecevabilité de ces deux sociétés, parties intervenantes qui, d'une part, demandent à la cour de déclarer la société Biogaran bien fondée, d'autre part, de dire que la rétractation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 mars 2007 produira effet à l'égard de toutes les parties et qu'elle aura pour effet de restaurer la décision du directeur général de l'INPI du 28 janvier 2005 à l'égard de tous, cette décision, créatrice de droits, produisant effet erga omnes.
La société EG Labo avait, par assignation du 20 octobre 2010, formé tierce opposition contre l'arrêt du 14 mars 2007.
4°) Par exploits en date des 13 et 23 septembre 2010, la société Sandoz avait également saisi la Cour d'appel de Paris en rétractation de l'arrêt rendu le 14 mars 2007 et appelé dans la cause la société Teva Santé et le directeur de l'INPI.
Par trois arrêts du même jour, soit le 29 février 2012, la Cour d'appel de Paris a reçu les tierces oppositions des sociétés Biogaran, EG Labo et Sandoz, les a dites recevables mais les a dites mal fondées.
La société Sandoz a formé un pourvoi en cassation qui a été rejeté par arrêt du 25 juin 2013 ; la société EG Labo n'a pas formé de pourvoi.
La société Daiichi fait valoir que l'intervention volonaire de la société Sandoz n'est pas possible dans le cadre d'une procédure de tierce opposition dès lors que ses intérêts ont été représentés à l'occasion de sa propre procédure de tierce opposition et qu'elle ne peut pas se prévaloir d'un intérêt à agir.
L'article 66 dispose que 'Constitue une intervention la demande dont l'objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires'.
Aucun texte n'interdit l'intervention volontaire dans le cadre d'une procédure de tierce opposition au motif que la partie intervenante a échoué dans une procédure de tierce opposition, fùt ce à l'encontre de la même décision, dès lors que l'intervention est au soutien du tiers opposant.
L'article 330 du Code de procédure civile dispose 'L'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie'.
L'article 554 du Code de procédure civile précise que 'Peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont un intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité'.
Ni la société Sandoz, ni la société EG Labo n'étaient parties à la procédure en tierce opposition engagée par la société Biogaran à l'encontre de l'arrêt rendu le 29 février 2012 et elles étaient également tiers à la procédure initiale ayant donné lieu à l'arrêt du 14 mars 2007 à laquelle étaient parties la société Daiichi, le directeur de l'INPI et la société Teva, intervenue volontairement ; ni la présence du directeur de l'inpi, ni celle du ministère public à l'occasion de cette procédure ne sauraient valoir acte de représentation quand bien même ils auraient soutenu le point de vue des génériqueurs.
5°) Ces deux sociétés sont, comme la société Biogaran, des laboratoires qui ont mis sur le marché des génériques de la pravastatine et qui ont été attraites pour des faits de contrefaçon par la société Daiichi dès lors qu'elle avait été rétablie dans ses droits ; elles ont donc intérêt comme la société Biogaran à faire constater qu'elles ont commercialisé les génériques en raison d'une situation qui leur ouvrait le marché et à démontrer que la société Daiichi ne pouvait leur en faire grief dès lors qu'elle avait été avisée par le directeur de l'INPI de la déchéance de son CCP.
Si ces deux sociétés ont engagé une action en tierce opposition définitivement jugée, il n'en demeure pas moins qu'elles ont intérêt à se prévaloir de la situation juridique nouvelle résultant de l'arrêt de cassation dont a bénéficié la société Biogaran.
En conséquence de ces éléments, la cour dira recevables les sociétés Sandoz et EG Labo.
Sur la recevabilité de la société Teva
La société Teva, qui est aussi un génériqueur et qui a aussi été mise en cause par la société Daiichi pour des actes de contrefaçon, est intervenue dès la saisine de la cour sur le recours contentieux formé par la société Daiichi à l'encontre des décisions du directeur de l'INPI ; elle a dès lors un intérêt manifeste à voir prospérer l'action en tierce opposition de la société Biogaran ; elle est dès lors recevable en son intervention.
Sur la demande de rétractation de la société Biogaran
La société Daiichi fait valoir que la tierce opposition de la société Biogaran n'est pas fondée car l'arrêt de cassation a censuré l'arrêt de la cour d'appel en raison de l'absence de toute constatation de fait quant à l'information que l'INPI avait reçue sur le rôle de mandataire du cabinet Weinstein.
La société Biogaran et l'INPI soutiennent que la notification qui a été faite au cabinet Lavoix est régulière de sorte que le recours formé par la société Daiichi était frappé de forclusion et que c'est donc à tort que la cour d'appel l'a rejeté et a annulé la décision du 3 juillet 2006 par laquelle le directeur de l'INPI a constaté la déchéance de la société Daiichi sur son CCP pour défaut de paiement de la quatrième annuité.
L'arrêt de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel en ce que 'pour dire que la notification de la décision du 26 janvier 2005 adressée au cabinet Lavoix était irrégulière, l'arrêt retient que le mandat confié à ce cabinet était limité à la seule procédure de dépôt d'une demande de CCP et que la quatrième redevance ainsi que les redevances postérieures ont été payées par un autre cabinet ;
Qu'en statuant ainsi sans constater que la société de droit japonais Daiichi avait informé l'INPI de ce qu'elle constituait comme mandataire le cabinet Weinstein pour recevoir toute notification, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale'.
La société Daiichi soutient que la Cour de renvoi serait tenue par l'arrêt de cassation et n'aurait qu'à relever les faits lui permettant de constater que l'INPI était informé de la constitution du cabinet Weistein comme étant son mandataire auquel elle devait notifier la décision de déchéance.
A l'appui de son affirmation elle expose que cette constitution résulte des termes du mandat confié au cabinet Lavoix qui portait exclusivement sur les actes de dépôt du brevet et du CCP, du paiement des annuités par le cabinet Weinstein et des reçus établis à cette occasion.
Il convient de relever que l'arrêt précité ayant été cassé en toutes ses dispositions, il appartient à la cour de renvoi d'examiner tous les éléments de fait et de droit sans être tenue par l'appréciation à leur donner.
6°) Les dispositions en vigueur lors du dépôt du brevet par le cabinet Lavoix sont celles du décret du 19 septembre 1979 dont l'application a été étendue aux CCP par décret du 19 novembre 1991, le CCP ayant été déposé le 19 mai 1992 par le cabinet Lavoix qui disposait d'un pouvoir en date du 7 février 1992.
L'article 2 dispose que 'Le dépôt peut être fait par le demandeur personnellement ou par un mandataire ayant son domicile, son siège ou établissement en Ftance.
Les personnes physiques morales n'ayant par leur domicile ou leur siège en France doivent constituer un mandataire satisfaisant aux conditions prévues à l'alinéa précédent dans le délai de deux mois à compter de la date de réceptionde la notification qui leur est adressée à cet effet.
.....
Le mandataire constitué doit justifier d'un pouvoir. Sauf stipulation contraire, ce pouvoir s'étend à tous les actes et à la réception de toutes les notifications prévues au présent décret....'.
Si, aux termes de l'article R612-2 du Code de la propriété intellectuelle, le conseil en propriété intellectuelle qui procède au paiement des annuités, il n'a pas à justifier d'un pouvoir pour y procéder., il ne s'ensuit pas que l'INPI puisse le considérer par ce seul fait comme étant le mandataire du titulaire du CCP.
7°) Il résulte de ces dispositions que le déposant qui n'appartient pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen, ce qui est le cas de la société Daiichi, a toujours eu l'obligation de constituer un mandataire, peu importe que la justification d'un pouvoir par le mandataire, lorsqu'il s'agit d'un conseil en propriété industrielle, ait disparu entre le dépôt du CCP et le paiement des annuités, le cabinet Weinstein pouvant ainsi régler les annuités sans avoir à justifier d'un pouvoir auprès de l'INPI, cette circonstance étant sanS conséquence sur sa qualité de mandataire constitué et identifiable comme tel par l'INPI.
Les conditions de la notification sont celles issues du décret du 25 février 2004 qui dispose que 'Toute notification est réputée régulière si elle est faite:
Soit au dernier propriétaire de la demande de brevet déclaré à l'institut nattional de la propriété industrielle ou, après la publication prévue à l'article R612-39 au dernier propriétaire de la demande de brevet ou du brevet inscrit Registre national des brevets ;
Soit au mandataire si le titulaire n'est pas domicilié dans un Etat membre de la Communauté européenne ou dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la notification est réputée régulière si elle faite au dernier mandataire qu'il a constitué auprès de l'institut'.
8°) Il n'est pas contesté que le cabinet Lavoix avait la qualité de mandataire selon un pouvoir déposé à l'INPI, daté du 7 février 1992, pouvoir qui ne comportait aucune stipulation excluant la réception de toute les notifications.
Dès lors l'intervention d'un second conseil en propriété industrielle, qui n'avait pas à justifier de sa qualité pour les actes qu'il réalisait à savoir le paiement des annuités, n'était pour autant pas de nature à informer l'INPI d'un changement opéré en ce qui concerne le mandataire constitué, d'autant que les récépissés de redevances établis jusqu'en mai 2005 ne font pas mention de la qualité de mandataire du cabinet Weinstein.
Il s'induit de ces éléments que l'INPI n'avait lors de la décision de déchéance connaissance que du cabinet Lavoix comme étant régulièrement constitué ; c'est donc à raison que le directeur de l'INPI a avisé le cabinet Lavoix par lettre du 15 juillet 2004 portant 'avertissement avant constatation de déchéance' en précisant que l'omission pouvait être réparée 'dans un délai de grâce de six mois courant à compter de l'échéance non respectée et que, ce courrier étant resté sans réponcse, il a pu constater le 26 janvier 2005 la déchéance du CCP en relevant le défaut de paiement de la quatrième redevance et a notifié cette décision à ce même cabinet par lettre recommandée avec AR le 27 janvier 2005 ; ni le cabinet Lavoix ni la société Daiichi n'ont réagi alors même qu'un recours en annulation pouvait être formé par cette dernière si elle estimait la mesure irrégulière ou un recours en restauration.
La société Daiichi n'a ainsi utilisé aucun des recours précités pour faire valoir ses droits mais a attendu le 28 juin 2006 pour former un recours gracieux de droit commun demandant au directeur de l'INPI de rapporter la décision entreprise, faisant état du paiement de la quatrième annuité selon récépissé en date du 26 mai 2004 ; par décision du 3 juillet 2006 le directeur de l'institut a rejeté ce recours.
La société Daiichi a formé devant la cour d'appel un recours contentieux contre cette décision, demandant l'annulation de la décision du 3 juillet 2006 mais aussi de celle du 26 janvier 2005 constatant la déchéance de son CCP.
9°) La société Biogaran demande à la cour de déclarer irrecevable le moyen nouveau introduit devant la cour d'appel par la société Daiichi et visant l'irrégularité de la notification de la décision de constatation de déchéance du 26 janvier 2005 ainsi que toutes pièces s'y rapportant dès lors qu'elle n'avait opposé que le moyen tiré du paiement effectif des redevances.
Nonobstant ce moyen tiré de l'absence d'effet dévolutif du recours, force est de constater qu'en toute hypothèse, la notification au cabinet Lavoix était régulière de sorte que le directeur de l'INPI pouvait en tirer toute conséquence et rejeter le recours gracieux formé par la société Daiichi.
Toutefois le directeur de l'INPI a rendu deux décisions, l'une qui prononçait la déchéance des droits de la société Daiichi sur son CCP, l'autre qui rejetait son recours gracieux alors que la société Daiichi n'a formé qu'un seul recours faisant suite au rejet de son recours gracieux et a fondé celui ci sur le seul fait qu'elle avait régulièrement réglé les redevances du CCP sans évoquer l'irrégularité de la notification et la question des délais de recours ; elle a, au demeurant, formé ce recours le 28 juin 2006 alors même que son CCP expirait le 10 août 2006.
Comme il a été développé ci avant la notification au cabinet Lavoix était régulière, de sorte qu'à défaut de recours en restauration et en présence d'un recours gracieux, le directeur de l'INPI était fondé à le considérer comme tardif et à le rejeter.
La société Biogaran en déduit que :
- le directeur de I'INPI pouvait valablement opposer I'expiration des délais légaux de recours dans sa décision du 3 juillet 2006 ;
- le recours en annulation de la décision du 26 janvier 2005, formé par la société Daiichi le 18 juillet 2008 était frappé de forclusion par application de I'article R. 411-20 du Code de la
Propriété Intellectuelle et que c'est donc à tort que la cour d'appel les a annulés.
Comme il a été dit, le recours à l'encontre des décisiions du Directeur Général de I'INPI n'a pas d'effet dévolutif de sorte que la cour ne peut que rejeter le recours ou annuler la décision sur la base des moyens soumis à celui ci ; or, si la régularité de la notification n'a pas été opposée par la société Daiichi à l'appui de son recours, celle ci ayant seulement invoqué le paiement effectif et en temps utile des redevances, point qui n'a jamais été contesté, la cour ne saurait procéder à un examen de la décision du 26 janvier 2005 au regard de la forclusion.
En conséquence il y a lieu de rétracter l'arrêt rendu le 14 mars 2007 par la cour d'appel de Paris en ce qu'il a jugé que 'la décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle en date du 26 janvier 2005 ayant prononcé la déchéance des droits de la société Sankyo sur le CCP N° 92CO224 n'avait pas été valablement notifiée pour rejeter la requête de cette société en raison de l'expiration des délais de contestation ouverts à son encontre de la décision du 26 janvier 2005".
Les sociétés Sandoz, EG Labo et l'INPI font valoir que la décision à intervenir devra nécessairement rétracter l'arrêt du 14 mars 2007 à l'égard de toutes les parties à l'instance en raison de son indivisibilité.
Il est constant qu'une situation administrative ne peut être juridiquement légale pour certains et illégale pour d'autres ; en l'espèce la notification de la décision de déchéance ne peut à la fois être tenue comme régulière, faisant alors courir des délais opposables et comme irrégulière ne faisant courir aucun délai, ce qui, dans une matière où des mesures de publicité interviennent à l'issue des délais de recours, constitue une contrariété irréductible.
En conséquence il y a lieu de faire droit à la tierce opposition de la société Biogaran et de rétracter l'arrêt du 14 mars 2007 à l'égard de toutes les parties en ce qu'il a jugé que la décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle en date du 26 janvier 2005 ayant prononcé la déchéance des droits de la société Sankyo sur le CCP N° 92CO224 n'avait pas été valablement notifiée pour rejeter la requête de cette société en raison de l'expiration des délais de contestation ouverts à son encontre de la décision du 26 janvier 2005.
10°) Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Daiichi à l'encontre des sociétés Sandoz et EG Labo :
La société Daiichi succombant il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
La société Daiichi ayant dû engager des frais non compris dans les dépens, il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
DONNE acte au Directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle de ses observations.
DECLARE les sociétés Sandoz, EG Labo - Laboratoires Eurogenerics et Teva S. recevables en leur intervention.
RECOIT la société Biogaran en son action en tierce opposition à l'encontre de l'arrêt rendu le 14 mars 2007 par la cour d'appel de Paris.
RETRACTE l'arrêt rendu le 14 mars 2007 par la cour d'appel de Paris en ce qu'il a jugé que 'la décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle en date du 26 janvier 2005 ayant prononcé la déchéance des droits de la société Sankyo sur le CCP n° 92CO224 n'avait pas été valablement notifiée pour rejeter la requête de cette société en raison de l'expiration des délais de contestation ouverts à son encontre de la décision du 26 janvier 2005".
DIT que l'arrêt à intervenir aura effet à l'égard de toutes les parties.
CONDAMNE la société Daiichi Sankyo Company Limited à payer la société Biogaran à la somme de 30 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la société Daiichi Sankyo Company Limited à payer aux sociétés EG Labo - Laboratoires Eurogenerics, Sandoz et Teva S., chacune, à la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
REJETTE toute autre demande.
CONDAMNE la société Daiichi Sankyo Company Limited aux dépens aux dépens qui seront
recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.