Cass. com., 14 juin 2016, n° 14-25.442
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats généraux :
SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Piwnica et Molinié
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Adresse mailing promotion (la société AMP), entreprise de routage, a conclu avec la société La Poste (La Poste) un contrat dit "Postimpact" et un contrat dit de "machine à affranchir" ; que La Poste, invoquant un défaut de règlement, a mis fin aux délais de paiement puis mis en demeure, le 20 janvier 1999, la société AMP de lui payer une certaine somme ; que la société AMP et d'autres sociétés appartenant au groupe AMP Markinvest ayant été mises en liquidation judiciaire le 10 février 1999, la société Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias, liquidateur judiciaire (le liquidateur), a assigné La Poste en responsabilité pour soutien abusif de la société AMP et rupture brutale des relations contractuelles avec celle-ci ; qu'un jugement du 6 février 2001 a condamné La Poste, à ce titre, à payer une certaine somme aux sociétés du groupe AMP ; que, par un arrêt du 11 septembre 2003, la cour d'appel de Versailles, après avoir annulé ce jugement, a retenu la responsabilité de La Poste pour soutien abusif aux sociétés du groupe AMP et rupture brutale des relations contractuelles, et a ordonné avant dire droit une expertise pour déterminer l'étendue du préjudice ; qu'un arrêt du 13 mars 2007 (pourvoi n° F 05-19.345) a cassé cette décision, sauf en ce qu'elle avait annulé le jugement du 6 février 2001, et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris ; que, par un arrêt du 9 juin 2011, devenu irrévocable, cette cour d'appel a admis la responsabilité de La Poste pour soutien abusif de la société AMP ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1351 du code civil, ensemble l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu qu'après avoir constaté que, par un arrêt du 13 mars 2007, la Cour de cassation avait cassé et annulé, sauf en ce qu'il avait annulé le jugement du 6 février 2001 et rejeté la demande de sursis à statuer, l'arrêt rendu le 11 septembre 2003 par la cour d'appel de Versailles, la cour d'appel a infirmé ce jugement, sauf en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait infirmer un jugement qui avait déjà été annulé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que l'établissement de crédit qui a fautivement retardé l'ouverture de la procédure collective de son client n'est tenu de réparer que l'aggravation de l'insuffisance d'actif qu'il a ainsi contribué à créer ; que le montant de l'aggravation de l'insuffisance d'actif est égal à la différence entre le montant de l'insuffisance d'actif à la date à laquelle le juge statue et le montant de l'insuffisance d'actif au jour de l'octroi du soutien abusif ;
Attendu qu'ayant constaté que le montant des créances impayées admises au passif ayant pris naissance entre les 1er juillet et 31 décembre 1998, soit durant la période de soutien abusif de La Poste aux sociétés du groupe AMP, est de 1 396 842 euros, hors créance de La Poste, l'arrêt en déduit que l'aggravation de l'insuffisance d'actif imputable à celle-ci s'élève à ce montant et la condamne, en conséquence, à payer cette somme au liquidateur ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.