CE, 10e et 9e ch. réunies, 28 juillet 2017, n° 398632
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
Mme Gautier-Melleray
Rapporteur public :
M. Crépey
Avocat :
SCP Zribi et Texier
Vu la procédure suivante :
M. B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2008. Par un jugement n° 1301293 du 6 mars 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 14NT01242 du 4 février 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. B...contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril et 8 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du commerce ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. B...;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.B..., qui exerçait une activité agricole dans le cadre d'un groupement foncier agricole dont il était le gérant et l'unique associé, a été placé en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de grande instance de Chartres du 4 mai 2004 jusqu'au 21 septembre 2010 date à laquelle le même tribunal a constaté l'extinction du passif. L'administration fiscale lui a adressé, le 15 septembre 2009, une mise en demeure de déposer sa déclaration de revenu pour l'année 2008 et, le 27 septembre 2010, une mise en demeure de déposer sa déclaration de revenus agricoles pour la même année. En l'absence de déclaration, elle a évalué d'office ses bénéfices agricoles, lui a notifié le 20 décembre 2011 une proposition de rectification portant sur ces derniers et une proposition de rectification relative à l'impôt sur le revenu et a mis en recouvrement, le 28 février 2013, une imposition supplémentaire de 27 764 euros en droits et 14 438 euros de pénalités. M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 février 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel contre le jugement du 6 mars 2014 du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa requête tendant à ce que soit prononcé la décharge, en droit et pénalités, de la cotisation d'impôt à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2008.
2. Aux termes de l'article 170 du code général des impôts, « En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices... ». Aux termes de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales, « La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure... ».
3. Aux termes du I de l'article L. 641-9 du code de commerce, « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. (...) Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné ».
4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que les droits et actions du débiteur qu'elles visent incluent ceux qui se rapportent, le cas échéant, aux dettes fiscales de celui-ci, et, par suite, aux actes de la procédure d'imposition le concernant, tels que les propositions de rectification qui sont susceptibles d'avoir une incidence sur son patrimoine. Il en va de même dans le cas de la liquidation judiciaire d'une personne physique exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à laquelle ces dispositions sont également applicables. En revanche, dès lors que l'obligation de déclarer ses revenus est une obligation personnelle incombant au seul titulaire de ces revenus dont la méconnaissance est passible de poursuites pénales, le contribuable placé en liquidation judiciaire demeure tenu de procéder lui-même à cette déclaration. Dans ces conditions, la mise en demeure de l'administration fiscale de déposer une déclaration de revenus doit être adressée au contribuable lui-même et non, le cas échéant, au liquidateur désigné dans le cadre de la procédure collective. Il en va autrement de la déclaration de revenus catégoriels se rattachant à l'activité objet de la liquidation judiciaire qui doit être remplie par le liquidateur et pour laquelle la mise en demeure de l'administration fiscale doit par conséquent être adressée au liquidateur.
5. Par suite, la cour administrative d'appel de Nantes a pu, sans erreur de droit, juger que l'administration avait régulièrement adressé à M.B..., alors placé en situation de liquidation judiciaire, et non au liquidateur, la mise en demeure de produire une déclaration de revenus relative à l'année 2008. Elle n'a pas plus commis d'erreur de droit en regardant comme régulière la mise en demeure adressée au contribuable de déposer une déclaration de revenus catégoriels portant sur des activités concernées par la liquidation, dès lors qu'à la date de notification de cette mise en demeure, la procédure de liquidation dont M. B...faisait l'objet avait été clôturée.
6. Pour évaluer d'office les bénéfices agricoles réalisés par M. B...pour l'année 2008, l'administration fiscale a déterminé son chiffre d'affaires à partir de la taxe sur la valeur ajoutée payée au cours de la période correspondante et a retenu la proportion de charges rapportées au chiffre d'affaires telle que calculée pour l'année 2007. En écartant, pour juger que M. B...n'apportait pas la preuve qui lui incombait du caractère exagéré de l'imposition, son argumentation tirée de ce que le chiffre d'affaires réalisé en 2007 et évalué d'office aurait été sans commune mesure avec les chiffres d'affaires des années précédentes et de ce que les charges auraient dû être calculées par référence à la moyenne des charges des trois années antérieures, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a ni dénaturé les pièces du dossier, ni commis d'erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué. Ses conclusions, présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.