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Décisions

Cass. 3e civ., 2 juin 1999, n° 97-17.356

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

Mme Fossaert-Sabatier

Avocat général :

M. Baechlin

Avocats :

SCP Célice, Blancpain et Soltner, Me Parmentier

Colmar, 3e ch. civ. A, du 21 mai 1997

21 mai 1997

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 21 mai 1997) que la société LIDL, exploitant un supermarché, a donné à bail aux époux X..., par acte du 12 juillet 1993 à effet du premier septembre suivant, un local à usage de vente de fruits et légumes, dans la galerie marchande de ce supermarché ; que, se plaignant de ce que la bailleresse avait, début septembre 1993, considérablement développé son rayon de fruits et légumes, les époux X... l'ont assignée en annulation du bail et dommages et intérêts ;

Attendu que la société LIDL fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen,

"1°) que l'article 8 du contrat de sous-location prévoyait expressément que "le preneur ne pourra exiger aucune exclusivité, ni réciprocité de la part du bailleur en ce qui concerne les autres locataires ou occupants de l'immeuble", de sorte que la cour d'appel qui estime que M. et Mme Denise n'auraient pas contracté s'ils avaient eu connaissance d'une activité concurrente dans le même périmètre d'exploitation, bien que le bailleur se fût réservé cette faculté au profit d'autres locataires ou occupants, ce qui impliquait qu'il pût également, sans manquer à la bonne foi pré-contractuelle, décider de développer son propre rayon de fruits et légumes, a violé les articles 1110, 1116 et 1134 du Code civil,

2°) qu'en énonçant que les époux Denise "ne pouvaient envisager que dès le 1er septembre 1993", soit peu de temps après la conclusion du bail, "la société LIDL étendrait très largement son rayon de primeurs" tout en constatant qu'une clause du bail, que les locataires avaient accepté en connaissance de cause, conférait au bailleur la faculté d'autoriser à tout moment d'autres commerçants, y compris lui-même, à exercer une activité susceptible de concurrencer celle des époux Denise, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés ;

3°) que le principe de la liberté du commerce confère à tout commerçant la faculté de développer son fonds, en sorte que viole les textes susvisés et les lois des 2 et 17 mars 1791 la cour d'appel qui constate, d'une part, qu'un rayon fruits et légumes existait déjà à l'intérieur du supermarché avant la conclusion du bail, et, d'autre part, que ce bail stipulait expressément qu'il ne garantissait aucunement le locataire d'un risque de concurrence pouvant être le fait même du bailleur, retient que ce dernier avait manqué à ses obligations en développant son rayon "fruits et légumes" peu après la conclusion du bail consenti aux époux Denise ;

4°) qu'en énonçant que la décision d'étendre et de développer le rayon fruits et légumes du supermarché avait été "nécessairement" prise avant la conclusion du bail, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation et privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les possibilités d'exploitation d'un commerce traditionnel de fruits et légumes avaient un caractère substantiel pour les preneurs, que la bailleresse en avait connaissance et que la décision d'extension du rayon primeur, résultant d'une modification de la politique de vente prise à l'échelle de toutes les surfaces de vente, était nécessairement connue dès juillet 1993 pour entrer en application dès le mois de septembre 1993, la cour d'appel a pu retenir que la dissimulation de cette décision aux époux X... constituait un dol par réticence, justifiant l'annulation du bail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.