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Décisions

Cass. com., 20 septembre 2017, n° 16-14.065

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Amiens, du 4 févr. 2016

4 février 2016

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 février 2016), que le 15 octobre 2008, la société CNH Financial Services (la société CNH) a donné un broyeur en crédit-bail à la société Recyclage transport valorisation service (la société RTVS 1) pour une durée de cinq ans ; que la société RTVS 1 ayant été mise en redressement judiciaire le 8 février 2011, son administrateur judiciaire, M. A..., mis en demeure d'opter sur la poursuite du crédit-bail, a répondu qu'il entendait le continuer ; que, par lettre du 5 mai 2011, la société CNH a mis en demeure la société RTVS 1 de payer les échéances de mars et avril 2011, s'est prévalue de la clause de déchéance du terme et a indiqué qu'elle ferait constater la résiliation en justice à défaut de paiement sous huitaine, ce qu'elle n'a pas fait ; que le plan de cession totale de la société RTVS 1 au profit de la société Ecosys, ou de toute société substituée, a été arrêté par un jugement du 10 mai 2011, qui a notamment donné acte à la société Ecosys de ce qu'elle s'engageait à reprendre tous les contrats de crédit-bail et à s'acquitter de toutes les sommes dues au titre de ces contrats avant l'ouverture de la procédure et pendant la période d'observation ; que la société Ecosys s'est substitué la société Recyclage traitement valorisation service (la société RTVS 2) ; que, par lettre du 7 juin 2011, la société CNH a envoyé à la société Ecosys les documents relatifs au transfert à son profit du contrat de crédit-bail ; que la société Ecosys, soutenant que le tribunal n'avait pas ordonné la cession du contrat, a souhaité en négocier les termes ; que la société CNH a refusé toute modification du contrat et a fait signifier, le 4 juillet 2011, à la société Ecosys une sommation de payer et de restituer le matériel puis a assigné les sociétés Ecosys et RTVS 2 en paiement des loyers impayés et de l'indemnité de résiliation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Ecosys et RTVS 2 font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à la société CNH la somme de 325 355,99 euros outre les intérêts alors, selon le moyen :

1°/ que l'article R. 622-13 du code de commerce, qui offre à tout intéressé la faculté de saisir le juge-commissaire pour constater la résiliation de plein droit d'un contrat en cours, par application des articles L. 622-13, III ou L. 622-14, IV de commerce, ne s'applique qu'aux résiliations fondées sur ces dispositions ; que, pour soutenir qu'elle n'était pas tenue de reprendre le contrat de crédit-bail initialement conclu entre la société RTVS 1 et la société CNH, la société Ecosys, repreneur de la société RTVS 1, rappelait précisément que si le jugement arrêtant le plan de cession avait constaté son engagement de reprendre tous les contrats de crédit-bail dont bénéficiait la société RTVS 1, la société CNH avait annoncé la résiliation de plein droit du contrat de crédit-bail qui la liait avec la société RTVS 1 avant le prononcé du jugement arrêtant le plan, en sorte que ce contrat ne pouvait, par hypothèse, faire partie du périmètre des contrats qu'elle devait reprendre en exécution dudit jugement ; qu'en refusant de faire droit à ce moyen au motif que cette résiliation de plein droit n'avait produit aucun effet puisqu'elle n'avait pas été constatée par le juge-commissaire dans les conditions visées à l'article R. 622-13, alinéa 2, du code de commerce, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la résiliation de plein droit du contrat conclu avec la société CNH avant le jugement arrêtant le plan de cession ne résultait pas de la seule application du contrat de crédit-bail, qui, en son article 9, autorisait la résiliation de plein droit du contrat en cas d'inexécution, de telle sorte que l'article R. 622-13 du code de commerce était inapplicable à cette résiliation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil, ensemble l'article R. 622-13 du code de commerce ;

2°/ que la résiliation de plein droit prononcée par une partie à un contrat continué produit pleinement ses effets sans qu'il soit besoin que cette résiliation soit constatée par le juge-commissaire ; que la possibilité, évoquée par l'article R. 622-13 du code de commerce, de saisir le juge commissaire pour qu'il constate la résiliation de plein droit d'un contrat continué n'est qu'une simple faculté, offerte à tout intéressé, qui est sans incidence sur les effets de cette résiliation ; qu'en écartant le moyen des sociétés Ecosys et RTVS 2 tiré de ce que le contrat conclu avec la société CNH avait été résilié avant le prononcé du jugement arrêtant le plan au motif que cette résiliation de plein droit n'avait produit aucun effet puisqu'elle n'avait pas été constatée par le juge-commissaire dans les conditions prévues à l'article R. 622-13, alinéa 2, du code de commerce, cependant que cette saisine ne présentait qu'un caractère facultatif et qu'elle n'était pas de nature à priver d'effet la résiliation de plein droit annoncée par la société CNH, la cour d'appel a violé cette disposition, ensemble l'article L. 622-13 du même code ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 622-13, III, 2°, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, applicable en la cause, et de l'article R. 622-13 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 12 février 2009, que lorsque ne sont pas payées à leur échéance, au cours de la période d'observation, des sommes dues en vertu d'un contrat de crédit-bail que l'administrateur a décidé de continuer, et à défaut d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles, la résiliation de plein droit de ce contrat doit, à la demande de tout intéressé, et peu important l'existence d'une clause résolutoire, être constatée par le juge-commissaire qui en fixe la date ; qu'ayant relevé que le cessionnaire, qui soutenait que le contrat de crédit-bail avait été résilié de plein droit, n'avait pas saisi le juge-commissaire d'une demande tendant à voir constater cette résiliation, la cour d'appel en a exactement déduit que le contrat litigieux était toujours en cours à la date de la décision arrêtant le plan de cession ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu les sociétés Ecosys et RTVS 2 font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°) qu'un contrat n'oblige que ceux qui y sont parties, en sorte que la société Ecosys et la société RTVS 2 ne pouvaient se voir appliquer l'ensemble des stipulations du contrat conclu avec la société CNH, en ce compris les clauses pénales et de résiliation qu'il renfermait, qu'à la condition d'être devenues parties audit contrat ; que le jugement du tribunal de commerce de Beauvais du 10 mai 2011 arrêtant le plan de cession de la société RTVS 1 n'ordonnait pas la cession judiciaire à ces sociétés du contrat conclu entre cette dernière et la société CNH, mais avait seulement pris acte de l'engagement de la société Ecosys de "faire son affaire personnelle" des contrats de crédit-bail, ce qui constituait, tout au plus, une promesse de contracter ; qu'en décidant cependant que la société Ecosys et la société RTVS 2 étaient, par l'effet de ce jugement, devenues parties audit contrat pour leur appliquer l'ensemble de ces stipulations, la cour d'appel a dénaturé le jugement du tribunal de commerce de Beauvais du 10 mai 2011 et violé l'article 1134 du code civil ;

2°) que la promesse de reprendre un contrat faite par un repreneur au tribunal de commerce appelé à statuer sur l'arrêté d'un plan de cession s'analyse en une obligation de faire dont l'inexécution ne peut, du point de vue du tiers cocontractant concerné par cette promesse, se résoudre que par l'octroi de dommages-intérêts ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que la société Ecosys s'était engagée auprès du tribunal à reprendre le contrat de crédit-bail initialement conclu entre la société RTVS 1 et la société CNH ; qu'elle a également constaté que la société Ecosys avait simplement indiqué au juge faire "son affaire personnelle de la reprise de l'ensemble des contrats de crédit-bail en cours" ; qu'il résulte également de ses propres constatations que la société Ecosys n'a jamais mis en oeuvre ce prétendu engagement ; qu'en appliquant à la société Ecosys et à la société RTVS 2 les stipulations du contrat conclu avec la société CNH, cependant qu'elles ne pouvaient être tenues qu'au paiement de dommages-intérêts, faute d'avoir exécuté une promesse de contracter qu'elles avaient prise devant le tribunal de commerce, la cour d'appel a violé l'article 1142 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que l'offre présentée par la société Ecosys stipulait que cette société faisait son affaire personnelle de la reprise de l'ensemble des contrats de crédit-bail en cours et que le jugement arrêtant le plan de cession mentionne que la société Ecosys a précisé à l'audience qu'elle s'engageait à reprendre tous ces contrats et à payer toutes les sommes dues avant l'ouverture du redressement judiciaire et pendant la période d'observation, l'arrêt, par une analyse exempte de dénaturation du jugement ayant arrêté le plan et une appréciation de sa portée au regard de l'offre de reprise, retient, non, comme le prétend le moyen, que la société Ecosys et la société RTVS 2 sont, par l'effet du jugement arrêtant le plan de cession, devenues parties au contrat, mais, conformément aux dispositions de l'article L. 626-10 du code de commerce, que le repreneur est tenu d'exécuter les engagements pris aux termes de son offre et réitérés devant le tribunal ;

Et attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni de leurs conclusions que les sociétés Ecosys et RTVS 2 aient soutenu devant la cour d'appel qu'elles ne pouvaient être tenues qu'au paiement de dommages-intérêts, faute d'avoir exécuté une promesse de contracter ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que les sociétés Ecosys et RTVS 2 font grief à l'arrêt de leur condamnation solidaire à payer à la société CNH la somme de 325 355,99 euros alors, selon le moyen, que l'obligation de garantie qui pèse, en application de l'article L. 642-9 du code de commerce, sur l'auteur d'une offre de reprise qui s'est ultérieurement substitué un tiers dans le bénéfice de la cession ne porte que sur les engagements initialement pris par ce repreneur ; qu'en estimant que la société Ecosys était tenue de "garantir", en application de la disposition susvisée, le paiement de l'ensemble des sommes réclamées par la société CNH, sans rechercher si, parmi ces sommes, ne figuraient pas des loyers ayant couru postérieurement à la clôture de la période d'observation et à la substitution de la société RTVS 2 dans les droits de la société Ecosys, le paiement de ces loyers n'étant pas garanti par la société Ecosys qui avait simplement, comme le constatait la cour d'appel, pris l'engagement de "reprendre tous les contrats de crédits baux" et de régler "toutes les sommes relatives auxdits contrats de crédits-baux dues avant l'ouverture de la procédure et pendant la période d'observation", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 642-9 du code de commerce ;

Mais attendu que si l'auteur de l'offre d'acquisition retenue par le tribunal ne garantit pas, en cas de substitution par un cessionnaire autorisé, la bonne exécution des obligations résultant des contrats cédés en exécution du plan, il est garant de leur poursuite par le cessionnaire substitué et reste tenu de ses propres engagements ; qu'ayant constaté que les sommes mises à la charge solidaire de la société Ecosys, auteur de l'offre de reprise, et de la société RTVS 2, repreneur substitué, représentaient les loyers échus et impayés antérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire de la société RTVS 1 et les loyers impayés de la période d'observation que la société Ecosys s'était expressément engagée à régler, outre les sommes correspondant à l'indemnité de résiliation stipulée au contrat de crédit-bail venue sanctionner le refus de reprendre le contrat manifesté par la société Ecosys elle-même, en contradiction avec ses propres engagements souscrits lors de la préparation du plan, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche inopérante invoquée par le moyen, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.