Cass. com., 20 septembre 2017, n° 16-15.363
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocat :
SCP Zribi et Texier
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, et les productions, que par un acte du 7 octobre 2009, M. X... a donné un immeuble à "bail précaire à usage professionnel" à la société Bio Data Logic (la société Bio Data) ; que cette société a été mise en redressement judiciaire le 17 janvier 2013 ; que par lettre recommandée reçue le 9 janvier 2014 par M. X..., la SCP Chavaux Lavoir, administrateur judiciaire de la société Bio Data, a fait savoir qu'elle résiliait le bail ; que par un jugement du 17 mars 2014, le tribunal de commerce, constatant qu'avaient été versés des fonds permettant d'apurer la totalité du passif, a mis fin à la procédure de redressement judiciaire ; que M. X... a vendu l'immeuble, objet du bail, à la SCI Audin, selon acte authentique du 31 juillet 2014 ; que le 21 avril 2015, cette dernière a demandé au juge des référés de constater la résiliation du bail, d'ordonner l'expulsion de la société Bio Data et de la condamner au paiement provisionnel de loyers et d'indemnités d'occupation ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Attendu que la société Bio Data fait grief à l'arrêt de constater la résiliation du bail à effet du 9 janvier 2014 et de dire la société Bio Data occupante sans droit ni titre des lieux loués depuis cette date alors, selon le moyen :
1°) que, suivant l'article L. 622-14, 1° du code de commerce, applicable à la procédure de sauvegarde, la résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient au jour où le bailleur est informé de la décision de l'administrateur de ne pas continuer le bail ; que, suivant l'article L. 631-14 du même code, l'article L. 622-14, 1° est applicable à la procédure de redressement judiciaire, sous réserve que l'administrateur ait une mission de représentation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas du jugement ayant prononcé le redressement judiciaire de la société Bio Data Logic que l'administrateur désigné avait seulement reçu une mission d'assistance de la société Bio Data Logic, de sorte qu'il ne pouvait prendre la décision de ne pas continuer le bail dont elle était titulaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 622-14, L. 631-14 du code de commerce, ensemble l'article 808 du code de procédure civile ;
2°) que, conformément à l'article R. 622-13, alinéa 2 du code de commerce énonce, le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus au III de l'article L. 622-13 et à l'article L. 622-14, ainsi que la date de cette résiliation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans relever que le juge-commissaire aurait constaté la résiliation du bail litigieux, la cour d'appel a violé l'article R. 622-13 du code de commerce ensemble l'article 808 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'il résulte des articles L. 622-14 et L. 631-14 du code de commerce qu'en cas de désignation d'un administrateur dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, la décision de ne pas continuer le bail de l'immeuble, utilisé pour l'activité de l'entreprise en redressement, n'appartient qu'à lui, quelle que soit la nature de la mission qui lui a été confiée, de sorte qu'en constatant la résiliation du bail à la date de la réception par le bailleur de la lettre de l'administrateur mettant fin au contrat, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche inopérante invoquée par la première branche relative au type de mission confiée à la SCP Chavaux Lavoir, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, d'autre part, qu'en l'absence de toute contestation sur la réception et la portée de la lettre de l'administrateur résiliant le bail en application de l'article L. 622-14, 1° du code de commerce, il entrait dans les pouvoirs du juge des référés, saisi après la clôture du redressement judiciaire prononcée par un jugement du 17 mars 2014 qui avait mis fin aux fonctions du juge-commissaire, de constater la résiliation du bail à la date de la réception par le bailleur de la lettre précitée ; qu'en conséquence, l'arrêt retient exactement que l'absence de saisine préalable du juge-commissaire ne faisait pas obstacle à la prise d'effet de la décision de l'administrateur et au constat de la résiliation du bail par le juge des référés ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 1382, devenu 1240, du code civil et 809 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner la société Bio Data à payer une provision de 3 004,68 euros au titre des loyers et charges impayés au 31 mars 2015, l'arrêt retient que la demande de provision n'apparaît pas sérieusement contestable pour la période postérieure au 1er août 2014 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune créance de loyers contractuels n'avait pu naître après le 9 janvier 2014, date à laquelle elle avait constaté la résiliation du bail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Bio Data Logic à payer à la SCI Audin une provision de 3 004,68 euros au titre des loyers et charges échus et impayés au 31 mars 2015, l'arrêt rendu le 23 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.