Cass. com., 12 octobre 1993, n° 91-17.128
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Pasturel
Avocat général :
M. Curti
Avocats :
SCP Lemaitre et Monod, Me Bouthors
Attendu que, dans la procédure de redressement judiciaire de la Société annaysienne d'alimentation, le Tribunal, par jugement du 7 novembre 1986, a arrêté un plan de cession de l'entreprise au profit de la société SNDP et ordonné la cession au repreneur du contrat de prêt, conclu par la Société pour l'équipement et la rénovation du commerce (Socorec) avec la débitrice, antérieurement à l'ouverture de la procédure collective et dont les époux X... s'étaient portés cautions ; qu'après avoir été admise au passif pour 704 948,63 francs, la Socorec a assigné les époux X... en paiement, sur le fondement de leur engagement de caution ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt attaqué (Douai, 25 avril 1991) de les avoir condamnés à verser à la Socorec une somme égale au montant de son admission aux motifs, selon le pourvoi, que les juges ne peuvent contraindre le fidéjusseur à maintenir son cautionnement en faveur du repreneur ; que par l'effet de la cession judiciaire forcée du contrat de prêt au profit du repreneur, le débiteur initial cesse d'être tenu du remboursement du prêt, s'agissant d'un cas de novation judiciaire forcée, qui libère la caution dans les termes de l'article 1281 du Code civil ; que cependant l'engagement de caution reste valable pour la créance déclarée de Socorec, en vertu de l'article 64 de la loi du 25 janvier 1985, selon lequel les cautions solidaires et coobligés ne peuvent se prévaloir des dispositions du jugement arrêtant le plan de cession, ce texte ayant pour objet de restreindre, en faveur du créancier, les conséquences juridiques attachées aux effets de la novation forcée, alors que la cession d'un contrat à un repreneur constituant une novation par changement de débiteur, l'obligation de l'entreprise cédée est donc éteinte par application de l'article 1234 du Code civil ; que la caution de cette obligation est, par suite, libérée en vertu des articles 1281 et 2012 du Code civil ; que l'article 64 de la loi du 25 janvier 1985 ne prétend pas déroger à l'ensemble de ces dispositions ; qu'en décidant que les époux X... restaient tenus de paiement de la dette qu'ils avaient cautionnée, mais qui avait été cédée au repreneur de l'entreprise, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 64 de la loi du 25 janvier 1985 et par refus d'application, les articles 1234, 1281 et 2012 du Code civil ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 86, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, les contrats dont le Tribunal ordonne la cession doivent, nonobstant toute clause contraire, être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture du redressement judiciaire ; qu'il résulte de cette disposition que la cession des contrats intervenant en vertu d'une décision du Tribunal et non de la volonté des parties n'emporte pas extinction de l'obligation préexistante et remplacement de celle-ci par une obligation nouvelle substituée à l'ancienne, aucun effet novatoire n'étant ainsi attaché à l'opération ; que, dès lors, et le contrat dans l'exécution duquel le repreneur succède au débiteur en redressement judiciaire étant celui-là même qui liait le cocontractant cédé au débiteur, il en résulte que ce dernier n'est pas déchargé du passif contractuel afférent à sa propre gestion et que, si la caution n'a pas à garantir les créances nouvelles nées du chef du repreneur depuis la cession, elle demeure tenue au titre des créances nées du chef du débiteur antérieurement à la cession ; que par ces motifs de pur droit, substitués à ceux, erronés, de la cour d'appel, l'arrêt se trouve justifié ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.