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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 10 avril 2009, n° 08/13047

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Etabl. Soyer et Cie (SA)

Défendeur :

Sté Olivier Thevenon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

SCP Arnaudy - Baechlin, SCP Menard - Scelle-Millet

T. com. d'Auxerre, du 16 avr. 2007

16 avril 2007

SUR CE, LA COUR :

Sur la contrefaçon du modèle déposé le 17 septembre 1999 et sur le droit d'auteur

Considérant que l'appelante soutient que le dessin "magnolia" qui lui est opposé est dénué de toute activité créatrice ; qu'il ne fait que reproduire la nature ; que l'argument selon lequel le dessin présenterait une originalité par la représentation de lianes n'est, selon elle, pas davantage pertinent, les ramifications en cause faisant plutôt penser à des branches ;

Qu'elle fait en outre observer qu'elle-même exploite un tissu qu'elle a acquis auprès de la société REIG MARTI, cette dernière ayant fabriqué le tissu à partir d'un dessin créé par la société RAMIRO GRABADO TEXTIL, vendu en décembre 1992 et que le dessin figurant sur le tissu incriminé présente de nombreuses différences avec celui opposé, dans l'aspect du tissu, le dessin des fleurs, des feuilles et des branches et dans les couleurs ;

Considérant, cela exposé, qu'il doit être au préalable relevé que la société appelante invoque de manière erronée un dessin qui aurait été acquis en 1992, le document mis aux débats relatif à la transmission de droits à la société portant la date du 16 décembre 2002 ; qu'il n'est produit aucun document qui serait de nature à démontrer que le dessin qu'elle commercialise aurait été créé antérieurement à la date du dépôt du modèle ;

Considérant que, par ailleurs, une représentation d'un élément de la nature n'exclut nullement la protection du Livre 1 du Code de la propriété intellectuelle, dès lors qu'elle révèle l'activité créatrice de l'auteur ;

Qu'en l'espèce, le dessin en cause se caractérise par une disposition le long d'une liane de fleurs de magnolias en boutons ou plus ouvertes, et de feuilles ; que cette liane ne peut être assimilée à une ramification de branches de magnolias de la nature ; qu'ainsi, le dessin révèle tant l'empreinte de l'effort créatif de l'auteur qui confère une originalité relevant de la protection des droits d'auteur que la physionomie propre et nouvelle au sens de l'ancien article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle, alors applicable compte tenu de la date du dépôt;

Considérant que la société appelante insiste sur les différences existant entre les deux dessins ; que toutefois, dès lors que sont repris les éléments caractéristiques de l'oeuvre protégée (même disposition des fleurs et feuilles de magnolias autour d'une liane), la contrefaçon est constituée sur le fondement du droit d'auteur ; qu'elle l'est pareillement au titre des dessins et modèles, les dessins en cause donnant une même impression visuelle d'ensemble ; que le jugement sera confirmé sur ces chefs de demande ;

Sur la concurrence déloyale

Considérant que 1 ' appelante expose qu’il ne peut lui être reproché des actes de concurrence déloyale dès lors qu'elle se fournit régulièrement auprès de la société REIG MARTI qui a fabriqué le tissu référencé "Ridox", sur la base d'un dessin élaboré par la société RAMIRO GRABADO TEXTIL, en toute légalité ;

Mais considérant que les conditions d'acquisition du tissu en cause sont indifférentes, dès lors que ces sociétés sont en situation de concurrence et que la commercialisation de dessins protégés apposés sur des tissus pareillement destinés à l'ameublement et proposés dans des magasins identiques, engendre un risque de confusion sur les produits ; qu'il convient de dire bien fondée la demande en concurrence déloyale ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant que pour démontrer son préjudice, la société THEVENON se réfère à sa marge bénéficiaire de 30,56 % par rapport aux sommes facturées et au fait que la société BOUCHARA a cessé de commercialiser le modèle alors qu'elle en avait acquis 6800 mètres (le prix de vente au mètre étant de 26 euros) ; qu'elle estime que de ce fait le tribunal lui a, ajuste titre, alloué la somme de 150 000 euros ; qu'elle soutient avoir, en outre, subi un préjudice moral en raison des contrefaçons dans la mesure où la société SOYER a porté atteinte au droit de paternité sur le dessin "POEME", qu'elle a perdu de sa crédibilité auprès de ses clients et du public en raison de la banalisation du modèle et réclame à ces titres une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Considérant qu'il n'est pas démontré que la cessation de commande de la société BOUCHARA serait liée à la vente par la société SOYER du tissu contrefaisant ; qu'en conséquence, le préjudice subi par la société THEVENON ne saurait avoir l'ampleur alléguée, ce d'autant plus qu'il résulte des documents produits qu'en 2004, la vente par la société THEVENON relative au tissu reproduisant ce modèle n'avait pas subi une importante diminution ; que la société SOYER produit par ailleurs une attestation du commissaire au compte accompagnée d'un relevé des ventes effectuées par elle en 2003 et 2004 qui révèlent un chiffre d'affaires de 4 243,77 euros hors taxes ;

Considérant que les premiers juges n'ont pas fait de distinction sur les différents chefs de préjudice, et ont rejeté la demande au titre du préjudice moral (en réalité préjudice résultant des atteintes portées au titre de la contrefaçon) ; qu'il convient de distinguer ces deux préjudices et d'allouer à la société THEVENON pour réparer le préjudice porté à son "image" du fait de la banalisation de la création la somme de 5 000 euros et pour réparer le préjudice commercial lié aux actes de concurrence déloyale celle de 15 000 euros ; que la décision sera infirmée de ces chefs ;

Considérant que le jugement sera confirmé en ses autres mesures d'interdiction et de publication;

Considérant que des raisons d'équité commandent d'allouer à la société THEVENON la somme de 3000 euros au titre des frais d'appel non compris dans les dépens ;

 

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement sauf sur le montant des dommages et intérêts et le préjudice lié à la contrefaçon ;

Infirmant de ces chefs, statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la société SOYER à payer à la société OLIVIER THEVENON SELECTION, à titre de dommages et intérêts la somme de 15 000 euros au titre des actes de concurrence déloyale et celle de 5 000 euros au titre des actes de contrefaçon ;

Condamne la société SOYER à payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes ;

La condamne aux entiers dépens ;

Autorise la SCP MENARD & SCELLE-MILLET, avoué, à recouvrer les dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.