Cass. com., 3 juillet 2012, n° 11-20.425
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Guillou
Avocat général :
Mme Bonhomme
Avocats :
Me Foussard, SCP Gaschignard
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Delta machines (la société Delta) a vendu le 20 octobre 2006 avec clause de réserve de propriété une machine à la société Serop Concept (la société Serop), la vente étant conclue sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt pour son financement avant le 31 mai 2007 ; que la condition suspensive n'étant pas réalisée à cette date, cependant que la machine, qui avait été livrée le 30 octobre 2006, avait été laissée dans les locaux de la société Serop, un accord a été conclu entre les parties le 20 septembre 2007 comportant une clause de réserve de propriété ; que la société Serop ayant été placée sous sauvegarde le 16 mars 2009, et M. X... désigné administrateur judiciaire, la société Delta a revendiqué la machine ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société Delta fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son opposition et confirmé l'ordonnance du juge-commissaire, alors, selon le moyen, que les parties peuvent toujours renoncer au bénéfice d'une condition suspensive ; qu'en jugeant que la vente du 20 octobre 2006, assortie de la condition suspensive d'obtention d'un prêt par la société Serop, était devenue caduque de plein droit dès lors que la condition n'avait pas été réalisée, sans rechercher si, comme le soutenait la société Delta, les parties à l'acte, les sociétés Delta et Serop n'avaient pas renoncé à la condition litigieuse puisque l'une et l'autre avaient accepté que la vente fût financée non plus par un emprunt mais au moyen d'une chaîne de traites, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1181 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la vente du 20 octobre 2006 s'était trouvée caduque de plein droit le 31 mai 2007 faute d'obtention du prêt à cette date, l'arrêt retient que le nouvel accord du 20 septembre 2007, qui était parfaitement clair et ne nécessitait aucune interprétation, constituait une nouvelle vente, comportant également une clause de réserve de propriété, et que dans le courrier adressé à l'administrateur le 27 mars 2009, la société Delta avait fait exclusivement référence à la clause de réserve de propriété insérée dans ce dernier acte, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel, procédant ainsi à la recherche prétendument omise, a retenu que les sociétés Delta et Serop étaient liées par la vente du 20 septembre 2007 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte qu'elle a implicitement mais nécessairement procédé à la recherche prétendument omise, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 624-16 du code de commerce, ensemble l'article 1606 du code civil ;
Attendu que la délivrance d'un meuble s'opère par le seul consentement des parties, si l'acheteur l'avait déjà en son pouvoir à un autre titre ; qu'en ce cas la clause de réserve de propriété affectant ce bien doit, pour être opposable aux tiers, avoir été convenue dans le contrat de vente ;
Attendu que pour rejeter l'opposition formée par la société Delta et confirmer l'ordonnance du juge-commissaire, l'arrêt retient que la société Delta se devait de reprendre son matériel qu'elle a choisi de laisser de son plein gré dans les locaux de la société Serop, avant de conclure le 20 septembre 2007 une nouvelle vente avec réserve de propriété et que celle-ci n'a pas été conclue dans les conditions exigées par l'article L. 624-16 du code de commerce, la machine n'ayant pas quitté les locaux de la société Serop depuis le 30 octobre 2006 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que l'acheteur détenait le matériel au titre d'une précédente vente devenue caduque par suite de la défaillance de la condition suspensive, de sorte que la délivrance s'était opérée lors de la vente du 20 septembre 2007, par le seul consentement des parties, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.