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Décisions

Cass. com., 4 mai 2017, n° 15-16.524

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Thouin-Palat et Boucard

Grenoble, du 5 févr. 2015

5 février 2015

Donne acte à la Selarl Alliance MJ de ce qu'elle reprend l'instance, en lieu et place de M. X..., en qualité de liquidateur de la société Postic Rhône-Alpes ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Lixxbail a consenti à la société Chéreau un crédit-bail portant sur un véhicule semi-remorque frigorifique et un hayon élévateur, ce contrat ayant été publié au greffe du tribunal de commerce de Coutances, dans le ressort duquel se trouve le siège social du crédit-preneur ; que ce dernier a sous-loué ce matériel à la société Clergue transports frigorifiques (la société Clergue), laquelle l'a elle-même mis à la disposition de la société Postic Rhône-Alpes (la société Postic) ; que celle-ci a été mise en liquidation judiciaire le 7 février 2012, par un jugement publié le 23 février 2012, M. X... étant désigné liquidateur ; que, par un jugement du 31 mai 2012, le tribunal de commerce de Vienne a rejeté la demande de revendication présentée par la société Clergue, au motif que celle-ci n'était pas propriétaire du matériel ; que, par une requête du 29 mai 2012, la société Lixxbail avait demandé la restitution du même matériel ; que le liquidateur s'y est opposé, en arguant de ce que la demande avait été formée après l'expiration du délai de trois mois à compter de la publication du jugement d'ouverture ; que dans le cadre de cette instance, la société Lixxbail a formé tierce opposition au jugement du 31 mai 2012 ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Lixxbail fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa tierce opposition incidente alors, selon le moyen :

1°/ qu'en l'absence de notification d'une décision rendue en matière de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire aux personnes dont les droits et obligations sont concernés par cette décision, le délai pour former opposition ou tierce opposition contre cette décision ne court pas ; qu'en considérant que la tierce opposition incidente de la société Lixxbail au jugement du 31 mai 2012 aurait été irrecevable comme étant hors délai, quand il résulte de ses constatations d'une part, que le litige soumis au tribunal de commerce de Vienne et le jugement de ce tribunal avaient pour objet la propriété du semi-remorque et du hayon élévateur dont la société Lixxbail était propriétaire, d'autre part, que ce jugement ne lui avait pas été notifié, la cour d'appel a violé l'article R. 621-21 du code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que l'expiration du délai d'action en revendication s'apprécie au jour de la saisine de la juridiction, non au jour du prononcé de la décision ; qu'en retenant, pour considérer que la tierce opposition incidente de la société Lixxbail au jugement du 31 mai 2012 aurait été irrecevable comme étant hors délai, qu'à la date du prononcé de la décision le délai de trois mois pour agir en revendication aurait été expiré, la cour d'appel a violé l'article L. 624-9 du code de commerce ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 583 du code de procédure civile qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, ce qui suppose qu'un chef du jugement attaqué soit préjudiciable au tiers opposant ; que le jugement du 31 mai 2012, contre lequel la société Lixxbail a formé tierce opposition, s'étant borné à rejeter la demande en revendication du bien objet du crédit-bail formée par la société Clergue, au motif que celle-ci n'en était pas propriétaire, la société Lixxbail était sans intérêt à faire rétracter ou réformer ce jugement qui ne lui portait pas préjudice, de sorte qu'elle n'était pas recevable à former tierce opposition incidente audit jugement ; que, par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à ceux critiqués, la décision se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches :

Vu les articles L. 624-10 et R. 624-15, alinéa 1er, du code de commerce et les articles R. 313-3 et R. 313-5 du code monétaire et financier ;

Attendu qu'il résulte des deux premiers textes que le propriétaire d'un bien meuble est dispensé de le revendiquer dans les trois mois de la publication du jugement d'ouverture à la condition que le contrat portant sur ce bien ait été publié, avant le jugement d'ouverture, selon les modalités qui lui sont applicables ; qu'en vertu des deux derniers textes, en matière de crédit-bail, ces formalités consistent en une publication régulière, permettant l'identification du bien et des parties, et effectuée au greffe du tribunal dans le ressort duquel est immatriculé le crédit-preneur ou situé son établissement ; qu'il s'ensuit que, lorsque le crédit-bail a fait l'objet d'une publicité régulière avant le jugement ouvrant la procédure collective du tiers détenteur du bien concerné, le droit de propriété du crédit-bailleur est opposable à ce tiers, sauf la faculté pour ce dernier de se prévaloir de l'application, à son profit, de l'article 2276 du code civil, s'il n'est ni créancier ni ayant cause à titre onéreux du crédit-preneur ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de restitution formée par la société Lixxbail, l'arrêt retient, d'un côté, que la publicité imposée en matière de crédit-bail mobilier, qui a pour objet d'informer les tiers sur le fait que les biens constituant l'actif apparent du débiteur ne sont pas sa propriété, n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers ou des ayants cause du cocontractant du propriétaire et, de l'autre, que cette publicité n'a pas pour effet de rendre le droit de propriété du crédit-bailleur opposable à tous, en quelque main que se trouve le bien, de sorte que les créanciers du détenteur précaire dont le titre de détention n'a pas été publié ne peuvent se voir opposer une publicité effectuée du seul chef du contrat de crédit-bail et des parties à ce contrat, dans un registre autre que celui du lieu d'immatriculation principale du débiteur en procédure collective ; que l'arrêt en déduit que la seule publicité effectuée au greffe du tribunal dans le ressort duquel est établi le siège social du crédit-preneur ne pouvait dispenser la société Lixxbail de faire reconnaître son droit de propriété dans le cadre de la procédure collective de la société Postic, au moyen d'une demande en revendication exercée dans les formes et délais prévus aux articles L. 624-9 et R. 624-13 du code de commerce ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des conclusions des parties que la régularité de la mesure de publicité du crédit-bail effectuée du chef du crédit-preneur n'était pas remise en cause et que le tiers détenteur ne demandait pas le bénéfice des dispositions de l'article 2276 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable la tierce opposition incidente formée par la société Lixxbail au jugement du 31 mai 2012 rendu par le tribunal de commerce de Vienne, l'arrêt rendu le 5 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.