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Décisions

Cass. com., 18 mai 2017, n° 15-23.788

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Reims, du 15 juin 2015

15 juin 2015

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 15 juin 2015), que la Société ardennaise d'essieux (la SAE) ayant été mise en redressement judiciaire par un jugement du 6 décembre 2012, publié le 6 janvier 2013, la société Canavera & Audi a revendiqué auprès de l'administrateur des marchandises vendues à la SAE avec réserve de propriété, puis, par requête du 18 mars 2013, a saisi le juge-commissaire ;

Attendu que la société Canavera & Audi fait grief à l ‘ arrêt de déclarer irrecevable son action en revendication alors, selon le moyen :

1°/ que seule une demande en revendication régulière et efficace peut faire courir les délais de l'article R. 624-13 du code de commerce ; que celle-ci ne remplit cette condition qu'autant qu'elle fournit à l'administrateur toutes les précisions utiles lui permettant d'identifier les biens revendiqués et de s'assurer du droit de propriété du revendiquant ; que se fondant sur ces règles, la société Canavera & Audi faisait pertinemment observer que sa première demande en revendication du 11 septembre 2012 ne pouvait être jugée efficace et régulière, ce à la différence de sa seconde demande du 28 janvier 2013, dès lors que c'était seulement à cette dernière date qu'elle avait été en mesure d'identifier avec précision les biens revendiqués, au vu de l'inventaire qui avait entre-temps été réalisé, ainsi qu'il résultait des pièces annexées à ce courrier ; qu'en décidant néanmoins, pour déclarer tardive la saisine du juge-commissaire, de faire courir les délais de l'article R. 624-13 dès la lettre recommandée du 11 décembre 2012, sans s'être assurée que cette lettre contenait tous les éléments utiles à l'administrateur judiciaire pour lui permettre d'identifier les biens revendiqués, ainsi que cela le lui était demandé, la cour prive sa décision de base légale au regard de l'article R. 624-13 du code de commerce ;

2°/ que, d'autre part, aucune règle ni aucun principe n'interdit au revendiquant confronté à un défaut d'acquiescement de l'administrateur judiciaire de réitérer sa demande tant que n'est pas expiré le délai de trois mois, prévu par l'article L. 624-9 du code de commerce, qui court à compter de la publication du jugement d'ouverture ; qu'en ce cas, la saisine du juge-commissaire n'est tardive que si celui-ci n'a pas été saisi dans le mois suivant le délai de réponse ouvert à l'administrateur judiciaire par l'ultime demande tendant à la revendication des biens en cause ; que dès lors, en s'abstenant de justifier son refus de prendre en considération, comme elle y était pourtant invitée, la lettre recommandée du 28 janvier 2013 par laquelle la société Canavera & Audi avait réitéré sa demande en revendication, étant observé que cette nouvelle demande avait été régulièrement formée dans les trois mois suivant la publication du jugement d'ouverture, qui n'est intervenue que le 6 janvier 2013 et qu'au regard de cette nouvelle demande, la saisine du juge-commissaire, intervenue à la date du 18 mars 2013, ne pouvait être regardée comme tardive, la cour prive derechef son arrêt de base légale au regard de l'article R. 624-13 du code de commerce, ensemble au regard de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à ladite Convention ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à l'administrateur le 11 décembre 2012 manifestait sans ambiguïté la volonté de la société Canavera & Audi d'exercer l'action en revendication, de récupérer la propriété des pièces livrées et non montées dans les lieux de stockage de la SAE, ainsi que les pièces montées qui pouvaient être retirées des essieux sans dommages, et de percevoir la partie du prix de vente correspondant aux pièces montées sur les essieux vendus pendant la période ayant couru entre la date du jugement d'ouverture et l'inventaire des pièces qui serait effectué et que ces termes traduisaient de manière précise la volonté de la société Canavera & Audi d'obtenir la restitution des pièces et invitaient l'administrateur à prendre position sur cette demande ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, déduire que la lettre du 11 décembre 2012 constituait une demande en revendication de biens faisant courir les délais prévus par l'article R. 624-13 du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.