Cass. com., 26 juin 2001, n° 98-16.849
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Besançon
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Boullez, Me Garaud
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 29 mai 1998), que la société Apegelec (la société) a été mise en redressement judiciaire le 21 janvier 1994 sans avoir payé des factures, d'un montant total de 415 497,33 francs, de fournitures de marchandises qui lui avaient été livrées par la société Lutze ; que cette dernière, invoquant une clause de réserve de propriété, a revendiqué le prix de ces marchandises ;
Sur le premier et le deuxième moyens, pris en leurs diverses branches, réunis :
Attendu que le commissaire à l'exécution du plan et le représentant des créanciers de la société reprochent à l'arrêt d'avoir accueilli l'action en revendication de la société Lutze à concurrence de 200 000 francs contre la procédure collective de la société, alors, selon le moyen :
1°) que la cour d'appel qui réserve aux mandataires de justice de la société la possibilité de rapporter la preuve contraire, et négative, de l'existence en nature des biens vendus par la société Lutze sous réserve de propriété, sans que la réalité de cette dernière circonstance ne soit positivement démontrée, se prononce par un motif inopérant dès lors qu'il appartient d'abord au revendiquant de démontrer de manière positive et non par extrapolation ou vraisemblance, que les marchandises qu'il a livrées sous réserve de propriété se retrouvent en nature au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire dans le patrimoine de l'acquéreur, qu'ainsi, la cour d'appel prive sa decision de base légale au regard de l'alinéa 2 de l'article 121 de la loi du 25 Janvier 1985, ensemble pris l'article 1315, alinéa 1 du Code civil ;
2°) que la cour d'appel, qui juge que la revendication des biens intentée par la société Lutze est fondée sans constater en quoi les marchandises existaient réellement en nature au jour de l'ouverture du redressement judiciaire de la société, viole par fausse application l'article 122 de la loi du 25 janvier 1985 ;
3°) que la cour d'appel, qui juge qu'existaient en nature des marchandises vendues sous réserve de propriété au moyen d'un raisonnement mathématique abstrait, et que ce n'est, selon les termes même des juges, "qu'en poussant le raisonnement" qu'il serait possible, mais non certain, de conclure à l'existence d'un certain nombre de marchandises Lutze au jour de l'ouverture de la procédure collective, se prononce par un motif hypothétique dès lors qu'à la lecture des motifs de l'arrêt il est impossible de savoir s'il existait réellement des marchandises vendues sous réserve de propriété encore en nature dans le patrimoine de la Société en redressement judiciaire, qu'ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 121 et 122 de la loi du 25 Janvier 1985 ;
4°) que la cour d'appel, qui constate expressément que "en toute hypothèse les marchandises Lutze ne se trouvent plus en nature chez Apegelec depuis fort longtemps" et que "la production de Lutze comprend des factures à compter du 12 août 1993 assurément représentatives pour les factures les plus anciennes de pièces qui avaient dû être utilisées plusieurs mois avant l'ouverture de la procédure collective" tout en déclarant recevable l'action en revendication intentée par la société Lutze, ne tire pas les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résulte que les marchandises vendues n'existaient pas en nature depuis une date indéterminée, au moins largement antérieure à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société, et sans constater que les sous-acquéreurs n'avaient pas payé ces marchandises, de sorte que les conditions de validité de la revendication ne sont pas remplies, qu'ainsi, la cour d'appel a, là encore, privé sa décision de base légale au regard des articles 121 et 122 de la loi du 25 Janvier 1985 ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la société Apegelec s'était opposée à ce que la société Lutze fasse pratiquer, pour éviter toute contestation, un inventaire du stock de la marchandise vendue par la seconde avec réserve de propriété et encore détenue par la première juste après le jugement d'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel, qui a retenu qu'il avait été fait obstacle à cette mesure adaptée à l'établissement de la preuve de l'existence en nature chez la société débitrice, au jour du jugement d'ouverture, des biens affectés à la réserve de propriété, a souverainement estimé que la société Lutze faisait la preuve qui lui incombait en produisant les éléments de détermination de la consommation journalière, par la société Apegelec, des pièces fournies par la société Lutze ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que le commissaire à l'exécution du plan et le représentant des créanciers font encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, que la cour d'appel qui juge que la société Lutze peut revendiquer le prix de revente des marchandises aux sous-acquéreurs, sans constater, non seulement l'existence en nature desdites marchandises, mais encore le moment du paiement par les sous-acquéreurs, de sorte qu'il est impossible de savoir si lesdits sous-acquéreurs ont ou n'ont pas procédé au règlement antérieurement à la procédure collective, prive ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 122 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que la revendication n'était pas faite à l'égard du sous-acquéreur ; que la créance du prix des marchandises vendues avec réserve de propriété qui font l'objet d'une revendication entre les mains de l'acquéreur est née régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure collective de cet acquéreur, du fait de leur revente à un tiers et entre dans les prévisions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 621-32 du Code de commerce ; que par ce motifs de pur droit, l'arrêt qui constate la vente des marchandises après le jugement d'ouverture se trouve justifié ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.