Cass. com., 4 mars 2003, n° 99-17.508
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 20 mai 1999), que la société Somen a confié en 1989 à la société Etudes maintenances réalisations industrielles (société EMRI), dont le gérant était M. X..., deux barges aux fins de remise en état et de mise en conformité avec les règles de navigation ; que la société EMRI a été mise en redressement judiciaire, le 27 octobre 1992, puis en liquidation judiciaire le 29 mars 1994, M. Y... représentant des créanciers étant désigné comme liquidateur ; que M. Y... a fait procéder à la vente des barges, le 5 juillet 1994, dans le cadre de la cession des actifs de la société EMRI ; qu'estimant que ni le gérant de la société EMRI, ni le liquidateur ne pouvaient poursuivre la vente d'un bien qui n'entrait pas dans le patrimoine de la société en liquidation judiciaire, la société Somen les a assignés en responsabilité ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la société Somen la somme de 700 000 francs plus les intérêts, alors, selon le moyen :
1 / que l'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur ; que ces dispositions s'appliquent également en cas de liquidation judiciaire ; que dès lors, la cour d'appel en décidant que le contrat s'était poursuivi entre les sociétés Somen et EMRI au-delà du prononcé du redressement judiciaire, sans relever aucun élément de nature à caractériser la volonté expresse de M. Y... de poursuivre l'exécution dudit contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1382 du Code civil et 37 de la loi du 25 janvier 1985 ;
2 / que l'administrateur judiciaire a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur; dès lors, la cour d'appel qui n'a pas relevé que M. Y... avait exercé une telle faculté, ni constaté que des factures postérieures au prononcé du redressement judiciaire avaient été émises et contresignées par lui, ni que les travaux sur les barges litigieuses avaient été achevés, ni même que M. Y... avait été mis en demeure de poursuivre l'exécution du contrat litigieux, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 37 de la loi du 25 janvier 1985 et 1382 du Code civil ;
3 / que l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juin 1994, ne permet I'action en revendication que dans le seul délai qu'il fixe, à savoir trois mois à partir du prononcé du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire, sans se référer aux biens faisant l'objet d'un contrat en cours au jour du prononcé dudit jugement ; qu'en conséquence, la cour d'appel, en estimant que la société Somen n'avait pas à revendiquer les biens litigieux à raison de l'existence d'un contrat en cours, a violé l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juin 1994 ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a considéré, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que les organes de la procédure collective connaissaient l'existence du dépôt des deux barges confiées à la société EMRI pour l'exécution de travaux d'autant que le gérant au cours de la période d'observation s'était adressé par écrit à la société Somen pour en continuer l'exécution et que, de ce fait, le contrat de réfection des barges avait été poursuivi après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; qu'il retient encore qu'au cours de la période d'observation, il appartenait à l'administrateur de se prononcer sur la poursuite du contrat, ce dont il résulte que M. Y..., qui n'était pas l'administrateur, ne peut faire grief à la cour d'appel de n'avoir pas recherché s'il avait lui-même exprimé la volonté de poursuivre l'exécution du contrat ; que le moyen est inopérant dans ses deux premières branches ;
Attendu, en second lieu, que, dès lors que le contrat de réfection des barges a été poursuivi au-delà de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la société Somen, propriétaire des barges, n'était pas tenue d'exercer l'action en revendication dans le délai de trois mois, prévu par l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction applicable en la cause ; que, par ce motif de pur droit, la décision se trouve justifiée ; D'où il suit que le moyen, irrecevable pour partie, ne peut être accueilli pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.