Cass. com., 28 juin 2017, n° 15-23.229
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 mai 2015), que la société Team Partners ayant été mise en redressement judiciaire le 17 janvier 2011, la Société d'exploitation des établissements Blanchet D'Huismes (la société Blanchet) a, le 19 suivant, revendiqué des meubles qu'elle lui avait vendus avec réserve de propriété pour un montant de 32 005,68 euros ; que la société FHB, agissant en qualité d'administrateur judiciaire, ne lui a pas répondu dans le délai d'un mois prévu à l'article R. 624-13 du code de commerce ; que, les 16 et 23 février 2011, le tribunal a arrêté un plan de cession globale des actifs de la société Team Partners incluant les meubles revendiqués ; que le prix des meubles a été consigné à hauteur de 3 000 euros dans l'attente de la décision de l'administrateur judiciaire sur la demande en revendication ; que ce dernier ayant, par une lettre du 10 mars 2011, contesté l'opposabilité de la clause de réserve de propriété, la société Blanchet a saisi le juge-commissaire, lequel, par une ordonnance du 24 juillet 2011, a jugé la clause de réserve de propriété opposable à la procédure collective et ordonné le versement de la somme de 3 000 euros à la société Blanchet ; que cette dernière a assigné la société FHB en responsabilité professionnelle et en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la société FHB fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Blanchet la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°/ que la revendication ne rend pas les marchandises vendues faisant l'objet d'une clause de réserve de propriété indisponibles tandis que l'activité de l'entreprise est poursuivie ; qu'en imputant pourtant à faute à la société FHB d'avoir cédé dans le cadre du plan de cession les marchandises faisant l'objet d'une clause de réserve de propriété vendues par la société Blanchet au motif qu'elles avaient été revendiquées par cette société et sans attendre l'issue de la procédure de revendication, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que l'administrateur qui cède des marchandises revendiquées assure l'indemnisation du revendiquant en consignant leur prix de cession à son profit ; qu'en retenant pourtant la responsabilité de la société FHB pour avoir cédé dans le cadre du plan de cession les marchandises revendiquées par la société Blanchet en ne lui versant que la somme de 3 000 euros correspondant à leur prix de cession dans le cadre du plan, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
3°/ que l'ordonnance du juge-commissaire faisant droit à la revendication fixe de façon définitive le montant des sommes dues au revendiquant et propres à assurer son indemnisation ; qu'en imputant à faute à la société FHB d'avoir cédé les marchandises revendiquées par la société Blanchet en ne lui versant que la somme de 3 000 euros et en retenant que la société Blanchet avait subi un préjudice de ce fait, quand le juge-commissaire avait ordonné la restitution des marchandises pour la somme de 3 000 euros à laquelle l'administrateur judiciaire devait se conformer, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision, en violation de l'article 1351 du code civil ;
4°/ qu'en cas de doute sur la portée de la règle applicable, l'administrateur judiciaire est fondé à retenir la solution la plus conforme aux objectifs de la procédure collective et à l'intérêt de l'ensemble des créanciers ; qu'en imputant à faute à la société FHB de ne pas avoir assuré à la société Blanchet une restitution en nature des marchandises qu'elle avait revendiquées quand, en l'absence de certitude sur le comportement imposé à l'administrateur dans une telle situation, ce dernier était fondé à inclure ces marchandises dans le plan, dès lors que cela apparaissait comme la solution la plus conforme aux objectifs de la procédure collective et à l'intérêt de l'ensemble des créanciers, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que tant que le délai de revendication n'est pas expiré, l'administrateur judiciaire ne peut procéder à la réalisation d'actifs portant sur des biens objets d'une clause de réserve de propriété dont il connaît l'existence, sans l'accord du vendeur à qui il doit payer le solde du prix restant dû sur le matériel ; qu'ayant constaté que la société FHB avait inclus les meubles revendiqués dans la cession globale d'actifs, tandis, d'une part, qu'il résultait des éléments de réponse fournis par la société Team Partners que celle-ci avait déclaré connaître la clause de réserve de propriété figurant sur les conditions générales de vente et les factures et acquiescer à la revendication et, d'autre part, que le commissaire-priseur avait procédé le 4 février précédent à un inventaire en mentionnant la liste des meubles « sous réserve de propriété » de la société Blanchet, la cour d'appel a exactement retenu qu'en procédant à la revente des meubles revendiqués dans ces circonstances rendant impossible leur restitution, sans attendre que le juge-commissaire statue sur la demande de revendication, la société FHB avait commis une faute à l'origine d'un préjudice pour la société Blanchet qui s'était vue ainsi privée d'une chance de vendre les meubles dont elle était propriétaire à un meilleur prix que la valeur de réalisation de 3 000 euros retenue par le juge-commissaire, laquelle ne liait pas le juge de la réparation du préjudice ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.