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Décisions

Cass. com., 14 mars 2018, n° 16-21.785

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP François-Henri Briard, SCP Marc Lévis

Poitiers, du 31 mai 2016

31 mai 2016

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société La Grange aux Pains II (la débitrice), qui exploitait un fonds de commerce dans des locaux donnés à bail, par acte notarié, par la société Beligon (le bailleur), a été mise en redressement judiciaire le 11 février 2014 ; que la procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 29 juillet 2014 ; que le 23 septembre 2014, la société Sogelease France (le crédit-bailleur) a revendiqué des matériels qu'elle avait donnés en crédit-bail à la débitrice ; que, par une ordonnance du 16 décembre 2014, le juge-commissaire a rejeté cette demande, au motif que le contrat de crédit-bail n'avait pas été publié et que la demande n'avait pas été présentée dans le délai légal ; que le crédit-bailleur a formé un recours contre cette ordonnance ; que, par une ordonnance du 5 mars 2015, le juge-commissaire a autorisé la vente aux enchères publiques de l'ensemble des matériels présents dans les locaux ; que, par une ordonnance du 24 mars 2015, le juge-commissaire a autorisé le liquidateur à conclure un protocole d'accord avec le crédit-bailleur, aux termes duquel le liquidateur reconnaissait le droit de propriété de ce dernier et renonçait à s'opposer à sa demande de revendication/restitution pendante devant le tribunal de commerce et qu'en contrepartie, le crédit-bailleur donnait son accord à la vente par le liquidateur des matériels lui appartenant avec les autres biens dépendant de la procédure collective, les parties s'accordant pour répartir le prix de vente à concurrence de 30% pour la procédure collective et 70% pour le crédit-bailleur ; que ce protocole a été signé par les parties le 27 mars 2015 ; que la vente aux enchères publiques a eu lieu le 30 mars 2015 ; que le même jour, le bailleur a fait pratiquer, sur le fondement du bail notarié, une saisie conservatoire de la créance du prix de cette vente entre les mains du commissaire-priseur pour le recouvrement des loyers impayés depuis la date du jugement d'ouverture ; que le 21 avril 2015, la saisie conservatoire ayant été convertie en saisie-attribution dénoncée au liquidateur le 24 avril 2015, ce dernier a assigné le bailleur en annulation de cette saisie-attribution et, à titre subsidiaire, a demandé son cantonnement à proportion de 30 % ; que le crédit-bailleur est intervenu volontairement à l'instance pour demander le paiement, en exécution du protocole d'accord, d'une somme correspondant à 70 % du prix de vente ;

Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu qu'il n'y pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen relevé d'office en application de l'article 620, alinéa 2, du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article L. 641-13, I du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014, ensemble l'article R. 313-10 du code monétaire et financier ;

Attendu que pour ordonner la mainlevée de la saisie-attribution à hauteur de 70 % du prix de vente, l'arrêt retient que l'ordonnance du 24 mars 2015, exécutoire de plein droit, autorisant le liquidateur à conclure une transaction reconnaissant le droit de propriété du crédit-bailleur sur les biens revendiqués s'est substituée à l'ordonnance du 16 décembre 2014 qui avait rejeté la requête en revendication et que, compte tenu de ce protocole, opposable au bailleur, ce dernier ne peut pas revendiquer la totalité de la créance du prix de vente des matériels ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la reconnaissance par le liquidateur du droit de propriété du crédit-bailleur sur des biens détenus par la débitrice aux termes du protocole d'accord du 27 mars 2015, ce dernier eût-il été autorisé par le juge-commissaire, n'avait pas pour effet de rendre ce droit opposable au bailleur, dont il n'était pas contesté que sa créance répondait aux critères fixés à l'article L. 641-13, I du code de commerce, l'opposabilité du droit de propriété du crédit-bailleur au bailleur, titulaire d'un droit de poursuite individuelle, étant subordonnée à l'accomplissement des mesures de publicité prescrites aux articles R. 313-4 à R. 313-6 du code monétaire et financier ou à la preuve de la connaissance de son droit de propriété par le créancier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en qu'il déclare irrecevables les conclusions déposées par la société Béligon le 9 mars 2016, l'arrêt rendu le 31 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.