Cass. com., 11 décembre 2001, n° 99-13.476
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Lardennois
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
Me Vuitton, SCP Bachellier et Potier de La Varde
Donne acte à M. X..., liquidateur amiable de la société Vili Beni de ce qu'il a repris l'instance engagée par M. A..., liquidateur amiable de cette société, décédé ;
Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société Promotion réalisation industrie et ventes (la société Priv)a été mise en redressement judiciaire le 25 mai 1987 sans avoir payé le prix de marchandises livrées par la société Vili Beni ; que celle-ci, se fondant sur une clause de réserve de propriété, a présenté une requête en revendication ; que le juge-commissaire a ordonné à M. Z..., administrateur, de restituer les marchandises mais lui a accordé toutefois la faculté de les payer, à charge de garantir le paiement du prix ; que, le 3 septembre 1994, la cour d'appel de Rouen a confirmé le jugement qui avait rejeté le recours de M. Z... ; que, n'ayant pu obtenir la restitution des marchandises, vendues dans le cadre du plan de cession de la société Priv, ou leur paiement, M. Y... et M. A..., respectivement liquidateur judiciaire du concordat préventif et liquidateur amiable de la société Vili Beni, ont demandé la condamnation personnelle de M. Z... à indemniser la société de son préjudice ; que la cour d'appel a condamné M. Z... à leur payer la somme de 2 129 580 francs avec intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 1994 et dit que ces intérêts se capitaliseront annuellement à compter du 24 octobre 1995 et produiront eux-mêmes intérêts au taux légal dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;
Sur les deuxième et troisième moyens, pris en leurs diverses branches, réunis :
Attendu que M. Z... reproche à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1°) que n'est pas constitutif d'une faute de négligence engageant la responsabilité personnelle de l'administrateur judiciaire, le fait pour celui-ci de se dessaisir, au profit du cessionnaire, de marchandises revendiquées, sans détenir en contrepartie les fonds en représentant la valeur dès lors qu'à la date de cession, le bien-fondé de l'action en revendication a été contesté, rendant la créance incertaine et indéterminée quant à son montant, et que l'administrateur pensait légitimement pouvoir disposer de fonds suffisants du fait de la cession ; qu'en estimant, en l'espèce, qu'il appartenait à M. Z... de bloquer les fonds représentant la valeur des marchandises, objet de la requête en revendication, jusqu'à ce qu'il ait été irrévocablement statué sur l'action en revendication, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1382 et 1383 du Code civil et 121 et 122 de la loi du 25 janvier 1985 ;
2°) que le droit du revendiquant à la contre-valeur des marchandises revendiquées incluses dans une cession naît à la date où il a été irrévocablement statué sur l'action en revendication ; qu'en estimant que M. Z... avait commis une faute de négligence engageant sa responsabilité personnelle à défaut d'avoir bloqué les fonds représentant la valeur des marchandises le jour où il avait eu connaissance de la revendication et sachant qu'elle avait été admise par le juge-commissaire, la cour d'appel a derechef violé les articles 1382 du Code civil, 121 et 122 de la loi du 25 janvier 1985 ;
3°) que la responsabilité d'un administrateur ne peut être engagée que s'il est établi qu'il a manqué à l'un de ses devoirs et que cette faute est la cause du préjudice subi par le créancier impayé ; qu'en l'espèce, M. Z... avait soutenu, dans ses conclusions délaissées, à la fois l'absence de toute faute de sa part et l'absence de tout lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice, puisque le non-paiement des marchandises revendiquées avait pour origine la défaillance du cessionnaire qui s'était engagé à payer la cession pour un prix de 14 500 000 francs et qu'ainsi, à la date de cession, M. Z... pouvait légitimement croire qu'il détiendrait les fonds représentant le prix des marchandises revendiquées ; qu'en omettant de répondre à ces chefs des conclusions de M. Z..., la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / que la créance du prix des marchandises, vendues avec réserve de propriété et faisant l'objet d'une revendication, est née régulièrement après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de l'acquéreur du fait de leur revente à un tiers et entre dans les prévisions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en conséquence, la responsabilité personnelle de l'administrateur judiciaire ne peut être engagée qu'à la condition que soit démontrée ou rapportée la preuve de l'absence de règlement de ladite créance dans le cadre de la procédure collective ; qu'en condamnant à titre personnel M. Z... au paiement d'une créance bénéficiant de l'article 40 précité, sans constater son caractère impayé dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire du débiteur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni des conclusions, ni de l'arrêt que M. Z... ait soutenu devant la cour d'appel les prétentions qu'il fait valoir dans la quatrième branche ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir exactement énoncé que, dès lors que les marchandises litigieuses existaient en nature au jour de l'ouverture de la procédure collective mais qu'elles avaient, après la revendication exercée dans le délai légal, été incluses dans le plan de cession des actifs de l'entreprise, l'administrateur ne pouvait, procéder à leur cession sans en payer la valeur et avoir relevé que le juge-commissaire avait accueilli l'action en revendication, l'arrêt retient que M. Z... devait bloquer les fonds représentant la valeur des marchandises jusqu'à ce qu'il ait été irrévocablement statué sur cette action et qu'en se dessaisissant de ces marchandises au profit du cessionnaire sans détenir, en contrepartie, les fonds en représentant la valeur, il avait commis une négligence fautive à l'origine du préjudice subi par la société Vili Beni ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui a répondu, en les écartant, aux conclusions visées à la troisième branche, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable en sa quatrième branche et mal fondé pour le surplus ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 5 et 32 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt confirme le jugement condamnant M. Z... au profit de M. Y..., liquidateur judiciaire du concordat préventif de la société Vili Beni ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la mission de M. Y... avait pris fin par la clôture du concordat et que la société Vili Beni n'était plus représentée que par son liquidateur amiable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement ayant condamné M. Z... au profit de M. Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire du concordat préventif de la société Vili Beni, l'arrêt rendu le 11 décembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.