Cass. com., 17 novembre 2015, n° 14-16.012
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Schmidt
Avocat général :
M. Le Mesle
Avocats :
SCP Odent et Poulet, SCP Sevaux et Mathonnet
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 20 février 2014), que le 2 novembre 1998, M. et Mme X...ont conclu avec la société Prodim, aux droits de laquelle vient la société Carrefour proximité France (la société CPF), un contrat de franchise ; que par un acte du 4 novembre 2008 comportant une clause compromissoire, les parties sont convenues de la résiliation du contrat de franchise sans indemnité de part et d'autre ; que le 6 mars 2009, M. X...a été mis en liquidation judiciaire ; que la date de cessation des paiements ayant été fixée au 30 juin 2008, le liquidateur a assigné la société CPF devant le tribunal de la procédure collective en nullité de la convention de résiliation sur le fondement de l'article L. 632-1, I, 2° du code de commerce, estimant qu'il s'agissait d'un contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excédaient notablement celles de la société CPF ; que celle-ci, se prévalant de la clause compromissoire, a soulevé l'incompétence du tribunal de la procédure collective au profit du tribunal arbitral ; que cette exception ayant été rejetée, elle a formé un contredit ;
Attendu que la société CPF fait grief à l'arrêt de rejeter le contredit alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient à l'arbitre et à lui seul de se prononcer par priorité, sous le contrôle seulement a posteriori du juge de l'annulation ou de l'exequatur, sur sa propre compétence, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la convention d'arbitrage ; que l'application de la convention d'arbitrage peut être revendiquée contre des tiers au contrat dans lequel elle est insérée, ou bien confrontée à des règles de compétence internes d'ordre public, en particulier contre le liquidateur se substituant au débiteur dessaisi pour agir en son nom, dans le cadre d'une action en nullité et en allocation de dommages-intérêts ; qu'en l'espèce, pour rejeter les exceptions d'incompétence soulevées par la société CPF au profit du tribunal arbitral et retenir la compétence du juge de la faillite, la cour s'est bornée à retenir que la convention contestée de résiliation était intervenue pendant la période suspecte ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'inapplicabilité ou la nullité manifeste de la clause compromissoire, seule susceptible de faire échec au principe de « compétence-compétence », la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 1466 et 1458 du code de procédure civile, ensemble du principe de « compétence-compétence » ;
2°/ que l'action du liquidateur en indemnisation des conséquences de l'annulation d'un contrat, prétendument déséquilibré et signé pendant la période suspecte, relève de la compétence des tribunaux de droit commun ; qu'à défaut de tout constat d'inapplicabilité ou de nullité manifeste de la clause compromissoire, il appartenait au seul tribunal arbitral de se prononcer sur l'étendue de sa propre compétence ; qu'en se soustrayant à cette compétence, la cour a excédé ses pouvoirs et violé les articles 1466 et 1458 du code de procédure civile, ensemble le principe de « compétence-compétence » ;
3°/ que le liquidateur avait fait découler sa demande de nullité de la période suspecte de celle sollicitée, par ailleurs, au titre d'un déséquilibre significatif prétendu, sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce ; qu'en ne recherchant dès lors pas, comme elle y était explicitement invitée par la société CPF, si elle ne devait pas se déclarer incompétente du chef de la demande de nullité pour déséquilibre significatif au profit du tribunal arbitral, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 1466 et 1458 du code de procédure civile, ensemble de l'article L. 442-6 du code de commerce ;
Mais attendu que le liquidateur qui demande, à titre principal, la nullité d'un acte sur le fondement des dispositions de l'article L. 632-1, I, 2° du code de commerce ne se substitue pas au débiteur dessaisi pour agir en son nom mais exerce une action au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers de sorte qu'une clause compromissoire stipulée à l'acte litigieux est manifestement inapplicable au litige ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux justement critiqués, après avertissement délivré aux parties, la décision se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.