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Décisions

Cass. com., 13 octobre 1998, n° 96-10.621

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grimaldi

Paris, 15e ch. sect. a, du 17 oct. 1995

17 octobre 1995

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'appel formé par la banque à l'encontre du liquidateur de la société, alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile, les juges du fond sont liés par les conclusions prises devant eux et ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; qu'au cas présent, par conclusions signifiées le 17 mars 1995 et réitérées le 9 août 1995, M. Y... avait justifié de la signification du jugement à sa requête et à celle de M. Z..., à l'époque commissaire à l'exécution du plan de la société, par acte du 15 juin 1993, le liquidateur reprenant à son compte par conclusions du 13 juin 1995, les écritures de M. Y... ; qu'ainsi, en affirmant qu'aucune signification du jugement n'avait été faite à la banque par M. Z... ou M. X..., ès qualités, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des parties et modifié les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que M. Y..., recherché en qualité de donneur d'aval d'un billet à ordre, est sans intérêt à la cassation du chef de la décision qui a déclaré recevable l'appel de la banque contre le liquidateur judiciaire de la société ; que le moyen est irrecevable ; Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. Y... fait aussi grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la banque une somme de 1 200 000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 1992, en tant que donneur d'aval d'un billet à ordre du même montant consenti à la banque le 15 juillet 1992, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte des articles 107 et 110 de la loi du 25 janvier 1985 que l'action en nullité d'un acte passé au cours de la période suspecte peut entraîner la remise en cause de la décision prise par le juge-commissaire quant à l'admission de la créance, objet de cet acte ; qu'au cas présent, la nullité pour fraude du billet à ordre que la banque a fait souscrire et avaliser en connaissance de cause pendant la période suspecte a été reconnue par les premiers juges le 27 mai 1993 ; qu'ainsi ne pouvait faire obstacle à l'action en nullité d'ordre public, devenue d'ailleurs définitive à l'égard de M. X..., la décision d'admission de créance rendue par le juge-commissaire le 6 mai 1994 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 107 et 110 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait affirmer que M. Y... n'avait pas qualité pour exercer l'action en nullité visée par l'article 110 de la loi du 25 janvier 1985 dès lors que ce dernier n'a jamais intenté directement d'action en nullité du billet à ordre, mais demandait que la nullité de l'aval qu'il avait donné soit prononcée en conséquence de la nullité du billet à ordre, réclamée depuis le début de l'instance par l'administrateur puis le mandataire-liquidateur de la société ; qu'ainsi en se prononçant comme elle a fait, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et dénaturé les conclusions de M. Y... signifiées les 12 septembre 1994 et 17 mars 1995, violant l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que les dispositions de l'article 110 de la loi du 25 janvier 1985 qui énumère les personnes ayant qualité pour exercer les actions en nullité ne sont pas exclusives de la règle selon laquelle la fraude qui donne naissance à une nullité absolue et d'ordre public peut être invoquée par tout intéressé ; qu'au cas présent, M. Y... avait qualité pour agir en nullité d'ordre public d'un acte profitant à la banque qu'il avait garanti et qui avait été souscrit en fraude de ses droits ; qu'en refusant à M. Y... toute qualité pour agir, la cour d'appel a violé l'article susvisé par fausse application ;

Mais attendu que la nullité relative des actes faits par le débiteur depuis la cessation des paiements, telle que prévue par l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985, ne peut être prononcée qu'à l'initiative d'une des personnes visées à l'article 110 de ladite loi et qu'elle n'est pas susceptible de remettre en cause une décision d'admission de créance arrêtée par le juge-commissaire, dès lors que l'autorité de la chose jugée attachée à une telle décision, dont le caractère irrévocable n'est pas contesté, est générale ;

Attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que la créance de la banque à l'encontre de la société, comprenant le solde débiteur du compte enregistrant le montant d'un billet à ordre de 1 200 000 francs impayé, représentatif d'un crédit de trésorerie, avait été admise par décision du juge-commissaire notifiée le 6 mai 1994 et que cette admission n'avait pas fait l'objet de contestation, l'arrêt retient que l'autorité de la chose jugée qui s'y attache prive M. Y..., aval tenu solidairement avec le souscripteur du billet, de la possibilité de discuter la validité de ce dernier matérialisant la créance admise ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la décision attaquée échappe aux critiques des première et troisième branches ;

Attendu, en second lieu, que, dès lors que M. Y... avait soutenu, en réponse au moyen tiré par la banque de l'article 130, alinéa 8, du Code de commerce, "qu'il convenait de se reporter à l'article 107, alinéa 4, de la loi du 25 janvier 1985 qui rappelle que sont nuls lorsqu'ils ont été faits par le débiteur depuis la date de cessation des paiements, tous paiements et que l'aval, moyen de paiement pour la banque, devait être considéré comme nul puisque donné par le débiteur depuis la date de cessation des paiements", la cour d'appel, tenue de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui étaient applicables, n'a pas méconnu l'objet du litige en considérant que "M. Y... n'avait pas qualité, en tant que donneur d'aval, pour invoquer les dispositions des articles 107 et suivants de la loi du 25 janvier 1985" ;

D'où il suit que le moyen est mal fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.