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Décisions

Cass. 3e civ., 13 mai 2015, n° 13-23.321

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Terrier

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Poitiers, du 21 mai 2013

21 mai 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 21 mai 2013), que par acte du 13 octobre 2000, la société Les Viviers Charentais a donné en location à M. X... un terrain destiné à l'exploitation d'un commerce de fabrication et de vente de poteries pour l'année 2001 ; que par acte du 29 novembre 2010, M. X... a assigné la société Les Viviers Charentais aux fins de se voir reconnaître le bénéfice d'un bail soumis au statut ; que le bailleur a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action ;

Sur le premier moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que la société Les Viviers Charentais fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir, alors, selon le moyen :

1°) que le délai de prescription d'une action tendant à la requalification d'un contrat de location en bail commercial court à compter de la formation de ce contrat, peu important qu'il ait été tacitement reconduit ; que l'action engagée par M. X... tendait à la requalification, en bail commercial, du contrat de location conclu le 13 octobre 2000, à effet au 1er janvier 2001 jusqu'au 31 décembre 2001, qui, selon lui, aurait constitué une « location continue » dès lors que son exécution se serait poursuivie jusqu'en 2010 ; qu'en retenant que, la location initialement conclue pour l'année 2001 ayant été tacitement renouvelée d'année en année, le délai de prescription de cette action avait commencé à courir à la date d'effet du contrat de location tacitement renouvelé pour l'année 2010, au plus tôt le 1er janvier 2010, la cour d'appel a violé l'article L. 145-60 du code de commerce ;

2°) que le juge ne peut méconnaître l'objet du litige ; que M. X... ne prétendait pas bénéficier d'un bail commercial ayant pris effet le 1er janvier 2010 mais, ayant assigné la société Les Viviers Charentais pour solliciter la requalification du bail conclu le 13 octobre 2000 en bail commercial, demandait la confirmation du jugement en ce qu'il avait dit que le bail conclu le 13 octobre 2000 relevait du statut des baux commerciaux ; que la société Les Viviers Charentais contestait, pour sa part, l'existence de tout bail commercial ; qu'en retenant, pour dire que l'action engagée par M. X... n'était pas prescrite, qu'il bénéficiait d'un bail commercial qui avait pris effet le 1er janvier 2010, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la demande tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut né du fait du maintien en possession du preneur à l'issue d'un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l'article L. 145-5 du code de commerce, n'est pas soumise à la prescription biennale ; que la cour d'appel ayant retenu que le contrat conclu le 13 octobre 2000 était un contrat de location à l'année avec exploitation saisonnière entrant dans le champ d'application des articles L. 145-1 et L. 145-5 du code de commerce et que M. X... avait été laissé en possession du local loué à l'expiration du contrat, l'arrêt est, par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, légalement justifié ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article L. 145-5 du code de commerce, dans sa version antérieure à la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

Attendu que les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du chapitre V du titre IV du Livre 1er du code de commerce à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans ; que si, à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre ;

Attendu que pour dire que le bail soumis au statut liant M. X... à la société Les Viviers Charentais a pris effet le 1er janvier 2010, l'arrêt retient que, de la commune intention des parties, la location initialement conclue pour l'année 2001 a été tacitement renouvelée d'année en année, que le contrat de location tacitement renouvelé pour l'année 2010 a pris effet au plus tôt le 1er janvier 2010, qu'à l'issue de la location annale de l'année 2009, M. X... est resté ou a été laissé en possession du terrain donné à bail de sorte qu'il en a acquis la propriété commerciale à compter du 1er janvier 2010 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le bail soumis au statut, né du fait du maintien en possession du preneur à l'issue d'un bail dérogatoire, prend naissance à l'expiration de ce bail de courte durée, la cour d'appel, qui a retenu que le bail conclu le 13 octobre 2000 pour l'année 2001 était un contrat de location à l'année avec exploitation saisonnière soumis aux premiers alinéas de l'article L. 145-5 du code de commerce, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le texte sus-visé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le troisième moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le bail consenti à M. X... afférent au terrain sis 114 avenue de la Grande Côte à Saint-Palais-sur mer (17), régi par les articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, a pris effet le 1er janvier 2010, et avant dire droit sur la fixation du loyer du nouveau bail du bien précité, ordonné une mesure d'expertise, l'arrêt rendu le 21 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.