CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 30 septembre 2016, n° 14/14983
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Praxa (sté)
Défendeur :
Établissement L. Cordier (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bartholin
Conseillers :
Mme Gallen, Mme Chokron
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte en date du 7 février 2001, la société du Louvre-Groupe du Louvre, aux droits de laquelle vient la société Praxa, a donné à bail à la société L. Cordier divers locaux à usage commercial dépendant de l'immeuble situé [...], pour une durée de douze ans à compter du 1er avril 2001.
Par exploit en date du 19 novembre 2012, la société Praxa a donné congé à la société L. Cordier avec offre de renouvellement du bail au 1er juillet 2013, aux clauses et conditions du bail expiré et notamment, pour une durée mentionnée sur le congé de douze ans, moyennant un loyer annuel de 120.000 euros H.C/H.T par an.
Les parties étant en désaccord sur le montant du loyer, la Société Praxa par un mémoire en demande signifié le 23 juillet 2013 a sollicité la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2013 à la valeur locative, eu égard à la durée contractuelle du bail expiré, soit la somme de 98.425,27 euros par an en principal.
Par acte du 23 septembre 2013, la Société Praxa a fait assigner la société L. Cordier
devant le juge des loyers commerciaux aux fins de voir notamment constater que par l'effet de l'accord des parties, le bail s'est renouvelé à compter du 1er juillet 2013 pour une durée de douze ans.
Par jugement en date du 12 mai 2014, le juge des loyers du tribunal de grande instance de Paris a :
- constaté que par l'effet du congé avec offre de renouvellement délivré le 1er novembre 2012 par la société Praxa, le bail s'est renouvelé à compter du 1er juillet 2013 pour une durée de neuf ans, en l'absence d'accord exprès des parties pour une durée plus longue,
- dit que le loyer du bail renouvelé n'est pas soumis aux règles du plafonnement,
- pour le surplus, désigné en qualité d'expert Mme M.-G. avec mission de notamment rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er juillet 2013,
- dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe de la l8ème chambre un an plus lard le 15 avril 2015,
- fixé à la somme de 2.800 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, laquelle devra être consignée par la société Praxa à la régie du tribunal de grande instance de Paris avant le 15 juillet 2014 inclus,
- dit que faute de consignation de la provision dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet,
- désigné le juge des loyers commerciaux pour assurer le suivi et le contrôle des opérations
d'expertise,
- dit que l'affaire sera rappelée à l'audience du juge des loyers commerciaux du lundi 8
septembre 2014 pour vérification du versement de la consignation,
- fixé le loyer provisionnel pour la durée de l'instance a la somme de 67.000 euros par an en principal,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
La société Praxa a relevé appel de ce jugement le 15 juillet 2014. Par ses dernières
conclusions signifiées le 3 novembre 2014 au visa des articles les articles 1134 du Code
civil et L 145-12 alinéa 1 du Code de Commerce, elle demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris du chef de la durée du bail renouvelé le 1er juillet 2013,
- constater que l'accord des parties intervenu à l'occasion du renouvellement en cause pour
convenir d'un bail d'une durée de douze ans est conforme à l'article L. 145- 12 du code de
commerce,
- dire et juger que par l'effet des termes du congé du 19 novembre 2012 de la société Praxa et de ceux de la réponse de la société L. Cordier du 7 février 2013, le bail entre ces deux
parties s'est renouvelé le 1e juillet 2013, pour une durée de douze ans,
- déclarer la société L. Cordier irrecevable et mal fondée en toutes demandes contraires, - condamner la société L. Cordier à lui verser une somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'articles 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la présente
instance
Par ses dernières conclusions signifiées le 3 décembre 2014 au visa des articles L.145-12 du code de commerce et 1156 du code civil, la société L. Cordier demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de grande Instance de Paris (sic) pour dire
que le bail de la Société Praxa s'est renouvelé pour une durée de neuf ans par application de l'article L 145- 12 du code de commerce,
- rejeter purement et simplement toutes les demandes de l'appelante,
- juger l'appel abusif et mal fondé en l'absence d'accord exprès des parties et condamner la société Praxa à payer une somme de 5 000 euros à la société L. Cordier,
- condamner la société Praxa à payer à la Société L. Cordier la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
SUR CE,
L'appel ne porte que sur la disposition du jugement relative à la durée du bail renouvelé par l'effet du congé avec offre de renouvellement délivré par la bailleresse la société Praxa.
Les parties ont échangé devant le juge des loyers des mémoires au terme desquels la société bailleresse a de son côté demandé qu'il soit constaté que le bail s'est renouvelé à compter du 1° juillet 2013 pour une durée de douze ans, et subsidiairement de renvoyer la question de la durée du bail renouvelé à l'appréciation du tribunal de grande instance tandis que la société L. Cordier dans son mémoire en réponse complémentaire a demandé qu'il soit constaté qu'en application de l'article L 145-12 du code de commerce, le bail s'est renouvelé pour une durée de neuf ans et en cas de doute que la question soit soumise au tribunal de grande instance.
Le premier juge a retenu qu'il n'y avait pas de débat sur la durée du bail de sorte qu'il a jugé n'y avoir lieu de renvoyer l'affaire sur ce point.
Aucune partie ne fait plaider l'incompétence du premier juge pour statuer sur la question controversée de la durée du bail renouvelé mais c'est à tort que la société Praxa a retenu que la société L. Cordier n'a jamais contesté devant le premier juge que le bail s'était renouvelé pour douze ans.
La société Praxa fait valoir que conformément l'article L 145-12 alinéa 1 du code de
commerce, les parties sont valablement convenues à l'occasion du renouvellement du bail du 1er juillet 2013 que celui-ci interviendrait pour une durée de douze ans au terme des échanges intervenus entre les deux sociétés. En effet, selon elle, le congé donné le 19 novembre 2012 mentionnait expressément une durée de douze ans et l'offre de renouvellement a été acceptée le 7 février 2013 en tous points sauf l'augmentation du loyer.
La société L. Cordier réplique qu'elle n'a pas renoncé à son droit au renouvellement du bail pour une durée de neuf ans en acceptant le principe du renouvellement à défaut d'accord exprès, conformément à ce qui résulte des divers échanges entre les parties, les dispositions de l'article L.145-12 du code de commerce étant d'ordre public.
Le congé avec offre de renouvellement délivré par la société bailleresse le 19 novembre 2012 contient l'indication que le congé est notifié avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2013 aux clauses et conditions du bail expiré 'et notamment pour une durée de douze ans'.
La société Praxa y a rappelé que le déplafonnement se trouvait acquis en raison de la durée contractuelle du bail venant à expiration, et qu'elle entendait voir porter le loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 120 000€ hors charges et hors taxes.
La société L. Cordier faisait connaître sa réponse le 7 février 2013 en ces termes : 'vous nous faites une offre de renouvellement du bail dans les mêmes conditions que le bail mis avec un changement de loyer à 120 000 euros hors charges ce qui revient à tripler le loyer actuel. Nous acceptons le renouvellement du bail mais refusons la considérable augmentation du loyer incompatible avec une bonne exploitation dans un contexte des plus difficiles' avant de proposer un nouveau loyer au prix de 50 000€ par an représentant selon elle une augmentation de plus de 18%.
L'article L 145-12 du code de commerce prévoit que la durée du bail renouvelé est de neuf ans sauf accord des parties pour une durée plus longue.
Si la bailleresse a clairement exprimé dans le congé qu'elle a délivré son intention de voir le bail se renouveler pour une nouvelle durée de douze ans, le fait pour la locataire d'avoir pris acte dans son propre courrier que l'offre de renouvellement du bail était 'aux mêmes conditions' mais avec un changement de loyer et d'avoir répondu : ' Nous acceptons votre offre de renouvellement du bail mais refusons l'augmentation de loyer', sans faire la moindre allusion expresse dans ce courrier à la durée du nouveau bail ne saurait valoir acceptation d'un bail renouvelé pour une durée de douze ans.
En raison des effets qui s'attachent à la fixation d'un loyer pour une durée supérieure à neuf ans, le faisant échapper à la disposition du statut des baux commerciaux relative au plafonnement , l'accord des parties pour une durée plus longue que celle prévue a minima légalement par la disposition d'ordre public de l'article L 145-12 du code de commerce ne saurait en effet se déduire du silence gardé sur ce point précis par la locataire qui s'est surtout attachée en réponse au congé à justifier sa demande de nouveau loyer.
Du reste et dans son mémoire en réponse dit complémentaire du 10 mars 2014 postérieur à la saisine du juge des loyers, la société L. Cordier a expressément demandé qu'il soit constaté qu'en application de l'article L 145-12 du code de commerce, le bail s'est renouvelé pour une durée de neuf ans.
Il s'ensuit que le juge des loyers a à bon droit estimé que le renouvellement du bail a lieu pour une durée légale de neuf ans à défaut d'accord exprès des parties pour une durée plus longue.
Il n'est aucunement démontré que le droit d'appel de la société Praxa ait dégénéré en abus et la société L. Pradier sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages intérêts pour appel abusif.
La société Praxa sera condamnée aux dépens et paiera à la société L. Cordier une somme de 3000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant dans les limites de l'appel,
CONFIRME le jugement déféré,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE la société Praxa aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et la condamne à payer à la soicété L. Cordier la somme de 3000 euros par application de l'article 700 du même code.