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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 18 août 1999, n° 9687/96

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Thierry Cottard (SARL)

Défendeur :

Gan Foncier (sté), 47 Villiers ( SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Assié

Conseillers :

Mme Laporte, Mme Maron

Avocats :

Me Binoche, Me Baragan, SCP Keime et Guttin, Me Lipman

TGI Nanterre, 7e ch. sect. 1, du 18 oct.…

18 octobre 1996

 

FAITS ET PROCEDURE

La société Thierry Cottard a pour activité, notamment :

- la création, l’achat, la vente, la commercialisation sous toutes ses formes de tous produits et matériels d’équipements destinés à la pratique du sport, notamment le golf et le tennis sans que cette énumération soit limitative ;

- I’enseignement, l’éducation et le divertissement de sport, notamment le golf et le tennis sans que cette énumération soit limitative" (pièces n° 21, 50)                                                 

Elle a passé contrat avec le GAN, pour pouvoir disposer de locaux situés  48 bis boulevard Victor Hugo à 92200 NEUILLY SUR SEINE, constitués de deux courts de tennis, ainsi que d’un local à usage de vestiaires et d’un bureau.

Par lettre en date du 9 avril 1987, faisant suite à divers entretiens, le GAN a confirmé qu’il mettait à la disposition de la société THIERRY COTTARD lesdits locaux à compter du 1er mai 1987 et ce, jusqu’au 31 décembre 1987. Pour cette première année, le prix a été fixe à la somme annuelle de 42.833,04 francs hors taxes.

Par une nouvelle lettre en date du 20 novembre 1987, le GAN a poursuivi cette mise à la disposition de la société THIERRY COTTARD, à compter du 1er janvier 1988 et ce, pour une durée d’une année moyennant une redevance annuelle, en principal, de 45.000 francs hors taxes payable d’avance. En outre, en sus du prix, la concluante a remboursés au propriétaire les charges d’eau, de chauffage, d’électricité et d’entretien.

Par la suite, par une lettre en date du 13 janvier 1989, puis du 23 janvier 1990, et enfin du 17 janvier 1991 (chacune de ces lettres se référant à la précédente lettre du 20 novembre 1987), le GAN a renouvelé le contrat pour les années 1989, 1990 et 1991.

Puis, par lettre du 5 mars 1992, le GAN a prolonge la mise à disposition pour l’année 1992 et prévu la possibilité d’une reconduction tacite du contrat à partir du 1er janvier 1993.

Tel a effectivement été le cas d’abord pour l’année 1993 puis pour l’année 1994.

Par lettre en date du 28 septembre 1994, le GAN a informé la société THIERRY COTTARD de ce qu’elle ne pourrait "prolonger au-delà du 31 décembre, la mise à disposition des cours de tennis A et B suivant les horaires prévus dans (le) courrier du 20 novembre 1987" (...) et lui a demandé de "prendre toutes dispositions utiles afin de rendre disponibles les courts dès le lundi 2 janvier 1995".

Par lettre en date du 24 novembre 1994, la société THIERRY COTTARD a contesté formellement la possibilité pour le GAN de mettre un terme au bail qui lui avait été consenti et l’a, en conséquence, informé de ce qu’elle ne restituerait pas les lieux à la date indiquée.

Le GAN a, alors assigne en r6fere la société THIERRY COTTARD devant le tribunal d’instance de NEUILLY SUR SEINE, aux fins de la voir dire occupante sans droit, ni litre, depuis le 1er janvier 1995, et devoir ordonner son expulsion.

Par une ordonnance en date du 24 mai 1995, le président du tribunal d’instance de NEUILLY SUR SEINE a d6boute le GAN de l’ensemble de ses demandes au motif qu’il n’entrait pas "dans la compétence du juge d’instance statuant en référé de se prononcer sur l’assiette d’un contrat de bail, ni de qualifier un bail qu’une partie prétend civil et que l’autre juge commercial".

C’est dans ces conditions que le GAN a assigne la société THIERRY COTTARD devant le tribunal de grande instance de NANTERRE aux fins de la voir dire occupante sans droit ni litre, depuis le 1er janvier 1995, et de voir ordonner son expulsion au motif que la location de terrain nu n’entrerait pas dans le champ d’application du décret du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleur et locataire, en ce qui concerne le renouvellement des baux a loyer d’immeuble de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal et que la society THIERRY COTTARD n’exercerait pas sur ce terrain une activité d’enseignement et qu’en conséquence, en application des dispositions de l’article 1736 du code civil, il pouvait faire cesser ladite convention pour le 31 décembre 1994 avec un délai de prévenance de plus de trois mois.

La société THIERRY COTTARD a, quant à elle, fait valoir qu’elle bénéficiait non pas d’un bail civil mais d’un bail commercial soumis au décret du 30 septembre 1953, les conditions duplication de ce texte 6tant, en l’espèce, réunies puisqu’en effet :

-       l’existence d’un bail commercial soumis au décret du 30 septembre 1953 ne requiert aucune condition de forme ;

-       la location de terrains de tennis, telle que résultant du contrat de location, est conforme à l’article 1er 2nd du décret du 30 septembre 1953 soumettant d ce texte la location de certains terrains nus ;

-       la société THIERRY COTTARD exerce dans les lieux lou6s une activité commerciale et, au surplus, une activité d’enseignement.

Par le jugement déféré, en date du 18 octobre 1996, le tribunal de grande instance de NANTERRE a considéré que la location consentie à la société THIERRY COTTARD était de nature commerciale et qu’entraient dans l’assiette de la location non seulement les terrains de tennis mais également les vestiaires et douches et le cabanon annexes.

Le tribunal a, cependant, écarté (‘application du décret du 30 septembre 1953 au motif d’une part, que les constructions en cause ne répondaient pas aux critères de fixité et de solidité susceptibles de définir une construction, pour ce qui concerne le cabanon utilité comma bureau, et pour ce qui concerne les vestiaires, qu’il s’agissait de constructions qui ne sont pas à usage commercial et qui constituaient des commodités accessoires a la location des courts mais non indispensables à celle-ci

Le tribunal a également écarté l’application du décret du 30 septembre 1953 au motif que la société THIERRY COTTARD ne justifiait pas d’une existence légale autorisée.

Le tribunal a, en conséquence, validé le congé donné par le GAN Foncier le 28 septembre 1994 et a ordonné l’expulsion de la société THIERRY COTTARD des lieux loués.

Au soutien de l’appel qu’elle a interjeté centre cette décision, la société THIERRY COTTARD (S.T.C.) fait valoir en premier lieu que la convention conclue avec le GAN est un contrat de bail commercial -aucun formalisme n’étant requis-.

La location de terrains de tennis rentre dans le champ duplication du décret du 30 septembre 1953.

II existe en effet, sur les lieux loues, des constructions (les bureaux et vestiaires) et il n’importe qu’elles aient ou non un caractère de fixité et de solidité. On ne saurait, comme le tribunal, considère par ailleurs, que les vestiaires ne constitueraient que des commodités accessoires non indispensables à la location des courts.

L’exploitation des constructions sises sur le terrain résulte du consentement exprès du propriétaire et il n’importe, comme le prétend le GAN, que cette autorisation ne constitue qu’une simple tolérance.

Par ailleurs, le fait que la jouissance des lieux ne soit pas permanente ne s’oppose pas non plus à ce que ceux-ci fassent l’objet d’un bail commercial.

La société S.T.C. souligne en outre qu’elle est une SARL et exerce une activité commerciale (location de courts, par une société commerciale, a des particuliers et des comités d’entreprise) et d’enseignement, avec un professeur de tennis à plein temps. Elle dispose de l’ensemble des autorisations administratives pour ce faire.

Se portant demanderesse reconventionnelle, la society S.T.C. demande en outre à la cour de condamner le GAN à lui payer les sommes de 222.000 francs et de 85.800 francs de dommages intérêts, compte-tenu des divers manquements contractuels qu’elle lui impute.

Subsidiairement, la society S.T.C. demande à la cour de débouter le GAN de sa demande en fixation de l’indemnité d’occupation a 15.000 francs H.T. et hors charges, mais a 4.217 francs H.T. et hors charges et de sa demande relative à l’astreinte.

Elle demande enfin condamnation du GAN à lui payer 30.000 francs sur le fondement de {‘article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le GAN et la SCI 47 VILLIERS (cette dernière intervenant volontairement) font valoir que la sous location consentie ne portait que sur un terrain nu, ce qui est exclusif de tout droit au statut des baux commerciaux. La possibilité intermittente d’occupation du bureau et des vestiaires, étrangère à l’assiette du bail, ne saurait valoir titre d’occupation et, moins encore, bail. II est indiffèrent, à cet égard, que fa société S.T.C. ait paye une part des charges afférentes à ces bâtiments. En outre, ces constructions ne sont pas, en ce qui les concerne, à usage commercial, industriel ou artisanal.

Subsidiairement, le GAN et la SCI 47 VILLIERS soulignent que l’activité de sous location est purement civile et il n’importe que l’exploitation soit effectuée par une société commerciale. Elle ne saurait dès lors constituer l’exploitation d’un fonds de commerce. Du reste, les prétendus clients de la société S.T.C. étaient attachés non à cette société, mais aux courts de tennis.

Sur la prétendue activité d’enseignement -qui n’a jamais figuré au K bis (et t’extrait L bis verse par l’appelante montre une immatriculation au 24 mars 1999) - le GAN et la SCI estiment que la preuve de son existence n’est pas rapportée. Au surplus, il faut entendre par enseignement une activité visant à la présentation a des examens. Enfin, il n’est pas justifié de l’existence administrative d’un établissement d’enseignement.

Le GAN et la SCI contestant l’état d’abandon des lieux allégué par la société S.T.C. et soulignent que Ton ne saurait reprocher au GAN de n’avoir pas assuré un gardiennage des lieux le samedi.

Sur le montant de l’indemnité d’occupation le GAN et la SCI demandent & la voir fixer à 15.000 francs par mois charges, taxes et prestations en sus et sollicitent confirmation du jugement en ce qu’il a ordonné l’expulsion de la société S.T.C. sous astreinte de 500 francs par jour de retard a compter du 1“r juillet 1997

Elles demandent en outre 30.000 francs de dommages intérêts et 20.000 francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

SUR CE LA COUR

Attendu que le contrat de louage de chose est la convention par laquelle une partie s’engage à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps et moyennant paiement d’un prix déterminé ; qu’il n’est pas substantiel au louage que le bien loué soit mis, pendant la durée du bail, en permanence à la disposition du preneur ; qu’aucune exception à ce principe n’existe en matière de bail commercial ;

Attendu qu’il en résulte que le moyen soulevé par le GAN et la SCI et pris de ce que la mise de locaux à disposition de la société S.T.C. n’était pas permanente est inopérant ;

Attendu qu’il n’est pas contesté que les courts de tennis entrent dans l’assiette de la location ;

Attendu qu’il résulte des courriers adressés par le GAN a la société S.T.C. en dates des 20 novembre 1987, 9 mars 1989 et 7 juillet 1994 ainsi que des divers avis d’échéance relatifs à des provisions pour charges "locatives" que les vestiaires et le bureau ont été inclus dans l’assiette du bail ;

Attendu que les courts de tennis -qui, d’ailleurs, surabondamment, loin d’être des terrains nus, sont des constructions au sens de l’article 1er 2° du décret du 30 septembre 1953- et les vestiaires forment un tout indissociable a une exploitation ;

Attendu que la société S.T.C. est une société commerciale ; qu’en consentant des locations à I ’heure à sa clientèle elle exerce, sur les lieux loues, une activité commerciale et y exploite un fonds de commerce ;

Attendu en outre qu’il résulte notamment des statuts de la société S.T.C. et de l’extrait L bis la concernant (qui, s’il a été délivré le 24 mars 1999 mentionne, comme date de début d’exploitation, le 25 janvier 1988) ainsi que du prospectus publicitaire (pièce n°23), de l’attestation de l’expert-comptable Monsieur QUENEY, de la lettre d’embauche de Monsieur MICHEL (professeur de tennis) et de l’état nominatif des salaires de l’année 1994 que la société S.T.C. dispensait, sur les lieux, un enseignement de tennis ; qu’il n’importe que ledit enseignement ait ou n’ait pas été effectué en vue de la présentation à un examen, I’enseignement étant une activité plus large que la simple préparation d’élèves au passage de diplômés ; qu’a cet égard, à titre d’exemple, I’enseignement continu n’est pas dispense en vue du passage de diplômes; qu’il peut en être de même des enseignements de loisirs sans pour autant qu’ils perdent leur caractère ;

Attendu enfin qu’il est justifié par la société S.T.C. qu’elle a déposé une déclaration d’existence auprès de la direction départementale de la jeunesse et des sports de la préfecture des HAUTS DE SEINE et que Monsieur MICHEL, professeur de tennis, est titulaire du diplôme requis pour assurer I’enseignement de cette discipline sportive ;

Attendu dans ces conditions qu’il y a lieu d’infirmer la décision déférée et de dire nul le congé délivré par le GAN ; qu’en ce qui concerne les charges, la société S.T.C. les remboursera, en conséquence, sur présentation des justificatifs correspondants ;

Attendu, sur la demande de dommages intérêts, que la société S.T.C. ne justifie pas de ce que la convention entre les parties aurait mis à la charge du GAN les obligations prétendument méconnues par lui ;

Attendu que l’équité conduit à condamnation du GAN à payer à la société S.T.C. la somme de 30.000 francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

-      INFIRME le jugement déféré et statuant à nouveau ;

-      DIT nul le congé délivré par le GAN a la société THIERRY COTTARD ;

-       DIT qu’en ce qui concerne les charges, cette dernière society les remboursera sur présentation des justificatifs y afférents ;

-       Déboute la société THIERRY COTTARD de sa demande de dommages intérêts ;

-       CONDAMNE le GAN d lui payer la somme de 30.000 francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

-       LA CONDAMNE aux dépens ;

-       ADMET Maitre BINOCHE au bdn6fice des dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.