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Décisions

CA Agen, 1re ch. civ., 1 décembre 2014, n° 11/02126

AGEN

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Muller

Conseillers :

Mme Prache, Mme Salvan

TGI Bordeaux, du 25 août 1994

25 août 1994

FAITS ET PROCEDURE

M. Alain M. et son épouse née France M. étaient propriétaires du château de Tréhon à Begadan en Gironde.

Par jugement contradictoire en date du 25 août 1984, visant une déclaration de cessation des payements déposée le 25 juillet 1994 par les époux Alain M., le Tribunal de grande instance de Bordeaux a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice des époux Alain et France M., en désignant Me M. en qualité de représentant des créanciers.

Selon jugement en date du 4 juillet 1996, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a arrêté le plan de redressement par apurement du passif en 7 années et continuation d'activité proposé par les époux M., Me M. étant désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Selon jugement du 28 janvier 2000, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a prononcé la résolution du plan de redressement en raison de son inexécution et a ouvert une nouvelle procédure de redressement judiciaire à l'égard des époux M., en désignant la SCP M., prise en la personne de Me Laurent M. en qualité de représentant des créanciers.

Sur l'appel de ce jugement interjeté par M. et Mme M., la Cour d'appel de Bordeaux, par arrêt du 5 mars 2001, a confirmé le jugement prononçant la résolution du plan et ouvrant la procédure de redressement judiciaire.

Par jugement du 26 janvier 2001, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a converti la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard des époux M. en liquidation judiciaire et a désigné la Selarl Laurent M. en qualité de mandataire liquidateur.

Par arrêt du 23 mars 2005, la Cour d'appel de Bordeaux a déclaré irrecevable l'appel formé par Mme M. le 4 juin 2004 contre le jugement du 25 août 1994 prononçant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, au motif énoncé que cet appel avait été formé plus de deux ans après le jugement entrepris.

Sur le pourvoi formé par Mme M. seule contre cet arrêt du 23 mars 2005, la Cour de Cassation par arrêt du 21 février 2008 a cassé et annulé cet arrêt en toutes ses dispositions pour violation de l'article 528-1 du Code de procédure civile et a renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.

Par un second arrêt du 23 mars 2005, la Cour d'appel de Bordeaux, statuant cette fois sur l'appel formé le 9 février 2001 par M. et Mme M. contre le jugement du 26 janvier 2001 ouvrant la procédure de liquidation judiciaire, a confirmé ce jugement.

Le pourvoi formé par Mme M. contre cet arrêt a été déclaré non admis par arrêt de la Cour de Cassation du 5 février 2008.

Saisie sur renvoi de cassation par Mme M., la Cour d'appel de Bordeaux, par arrêt du 17 novembre 2009, a déclaré irrecevables les appels formés par Mme France M. épouse M. et par M. Alain M. contre le jugement du 25 août 1994 ouvrant la procédure collective.

Sur les pourvois formés contre ce nouvel arrêt par Mme France M. épouse M., d'une part, par M. Alain M., d'autre part, la Cour de Cassation, après les avoir joints et par arrêt du 7 octobre 2011 de son Assemblée Plénière, a cassé en toutes ces dispositions l'arrêt pour violation de l'article 528-1 du Code de procédure civile et a renvoyé la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le dit arrêt, devant la cour d'appel d'Agen.

Par déclaration de saisine après renvoi remise au greffe de la cour le 13 décembre 2011, Mme M. a saisi la Cour d'appel d'Agen.

Le 24 février 2012 M. Alain M. a déposé au greffe une requête en inscription de faux à l'encontre du jugement du 25 août 1994, en exposant que ce jugement mentionne en qualité de demandeur Monsieur et Madame M., alors que le reçu de la déclaration de dépôt de bilan délivré par le greffe mentionne qu'elle a été déposée par M. Alain M., qu'il mentionne que Mme M. a été convoquée à l'audience du 17 août 1994 alors que c'est faux, qu'il mentionne encore que Mme M. avait la qualité d'exploitant agricole alors que c'est faux, comme le prouvent les pièces produites.

Après dépôt des conclusions des parties, l'affaire a été appelée et plaidée à l'audience du 7 janvier 2013.

La Cour d'appel d'Agen, par arrêt avant-dire droit du 18 février 2013, a ordonné la réouverture des débats aux fins de communication de l'entier dossier au Ministère public.

Le dossier a été communiqué au Ministère public, qui l'a visé le 19 février 2013 sans formuler d'avis particulier.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon dernières écritures enregistrées au greffe le 27 juillet 2012 et régulièrement notifiées, prises au nom de Mme France M. et expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de Mme M., celle -ci conclut :

1°) à la recevabilité de l'appel qu'elle a formé contre le jugement du 25 août 1994 du tribunal de grande instance de BORDEAUX ouvrant à son égard une procédure de redressement judiciaire en soutenant que celui-ci ne lui a jamais été signifié régulièrement et que par suite le délai d'appel n'a jamais commencé à courir ;

2°) de dire et juger qu'elle ne pouvait se voir ouvrir une procédure de redressement judiciaire et d'infirmer le jugement à son égard en soutenant :

- qu'elle n'avait pas la qualité d'agricultrice exigée par l'article L 620-2 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 25 juillet 1985, qu'elle n'a jamais été ni agricultrice, ni commerçante, ni artisan, qu'elle était gérante d'une société commerciale, qualité ne figurant pas parmi celles éligibles, à l'époque, à l'ouverture d'une procédure collective ;

- qu'elle n'a jamais eu le statut de conjoint collaborateur et que la notion de 'conjoint collaborateur de fait' sur laquelle le liquidateur fonde l'essentiel de son argumentation n'existe pas ;

- que la déclaration de cessation des payements du 25 juillet 1994 émane de M. Alain M. seul, qui exploitant agricole et seul signataire de la déclaration, a demandé à bénéficier de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et qui a été seul convoqué le 1er août 1994 devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux à l'audience au cours de laquelle il devait être statué sur les suites de la déclaration de cessation des payements ;

3°) de dire et juger que toutes les décisions subséquentes prises sur la base ou à la suite du jugement infirmé, et en particulier les jugements de liquidation judiciaire du 8 janvier 2000 et du 26 janvier 2001 sont nuls et de nuls effets à son égard, en vertu d'une jurisprudence constante ;

4°) de condamner la Selarl Laurent M. et M. Alain M. aux dépens et au payement, chacun, d'une indemnité de procédure de 3 000 euros.

Elle ajoute, d'une part, qu'elle a un intérêt direct et personnel à remettre en cause le jugement du 25 août 1994, dans la mesure où elle détient des droits propres contre Alain M., dont elle est divorcée et qui lui doit une récompense en vertu d'une décision du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 5 juillet 2006, d'autre part, que les actifs de M. Alain M., et notamment ses droits dans la succession de ses parents sont suffisants pour couvrir le passif déclaré.

Selon dernières écritures enregistrées au greffe le 13 juin 2012 et régulièrement notifiées, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de M. Alain M., celui-ci conclut :

1°) à la recevabilité de son appel incident en exposant qu'il n'a jamais reçu notification régulière du jugement du 25 août 1994 et que les délais de recours n'ont jamais commencé à courir à son égard ;

2°) à l'annulation du jugement rendu le 25 août 1984 pour violation des dispositions de l'article 4 de la loi du 25 janvier 1985 dès lors que l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, qui concernait un exploitant agricole, n'a pas été précédée de la saisine du président du tribunal de grande instance aux fins de désignation d'un conciliateur ;

3°) au rejet de la demande de la Selarl M. de voir prononcer la liquidation judiciaire de M. M. en soutenant :

- que la déclaration de cessation de payement qu'il a formalisé le 25 juillet 1994 était fondée sur le fait que l'administration fiscale avait opéré de multiples saisies sur ses comptes bancaires et cherchait à le priver du matériel nécessaire à la poursuite normale de son activité ;

- que la seule issue qui lui était offerte pour poursuivre son activité de viticulteur était de déposer le bilan pour bénéficier des mesures de suspension des poursuites ;

- que les créances fiscales et douanières s'étant révélées non fondées, il peut soutenir qu'en réalité l'état de cessation des payements n'était pas constitué à l'époque où il a déposé le bilan et qu'il n'aurait pas dû formaliser une demande d'ouverture d'un redressement judiciaire ;

- que si la Cour entendait faire application des dispositions de l'article 11 du décret du 2 décembre 1985 dans sa version d'origine, elle ne pourrait que constater que la Selarl M. ne rapporte pas la preuve qu'il serait en situation de cessation de payement et rejeter la demande d'ouverture du redressement judiciaire ;

4°) à la condamnation de la Selarl M. au payement d'une indemnité de procédure de 5 000 euros.

Selon dernières écritures enregistrées au greffe le 21 août 2012, régulièrement notifiées et expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de la Selarl Laurent M., agissant en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de M. et Mme M., celle-ci conclut :

1°) à l'irrecevabilité de la demande en inscription de faux formée par M. Alain M. en faisant valoir qu'au moment de son dépôt au greffe, le 24 février 2012, M. M. n'était pas partie à la procédure puisqu'il n'avait pas encore constitué avocat devant la Cour d'appel d'Agen et qu'il ne justifie pas avoir signifié cette inscription de faux à la Selarl Laurent M. dans le délai fixé par l'article 306 du Code de procédure civile ;

2°) à l'absence de faux dans le jugement du 25 août 1994, la déclaration de cessation des payements ayant été conjointement faite par les deux époux, M. et Mme M., la signature de cette dernière apparaissant en page 3 et 6 de la pièce produite, le concluant ajoutant :

- qu'il est possible qu'une première déclaration ait été effectuée par M. M. seul le 24 juillet 1994, à la suite de laquelle il a reçu une convocation datée du 1er août 1994, mais qu'une déclaration rectificative a été déposée au nom des deux époux à la suite de laquelle Mme M. a été convoquée, raison pour laquelle elle a comparu à l'audience du 17 août 1994 ;

- que l'absence de convocation de Mme M. n'est pas de nature à entacher de faux le jugement, puisqu'elle s'est présentée à l'audience du 17 août 1994, au cours de laquelle elle ne s'est pas opposée à l'ouverture de la procédure collective ;

- que Mme M. a participé activement à la procédure, en assurant notamment personnellement la gestion avec les différents organes de la procédure collective et en comparaissant en personne aux audiences du tribunal de grande instance de Bordeaux.

3°) au rejet de l'appel de Mme M. en soutenant :

- que Mme M. présentait les qualités requises pour bénéficier de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire avec son époux, qu'elle a comparu et a fourni au tribunal des indications permettant à celui-ci de considérer qu'elle avait comme son mari la qualité d'exploitant agricole ;

- qu'au prétexte de l'exploitation d'une société indépendante de négoce de vin, Mme M. ne peut nier avoir participé tout au long de sa carrière et au delà de l'aide courante et normale d'un conjoint à l'exploitation de l'activité de son mari ;

- qu'elle a toujours comparu aux audiences du tribunal de grande instance de Bordeaux, sans contester, jusqu'au jugement du 26 janvier 2001, la validité de la procédure ouverte à son encontre ;

- que son changement d'attitude et l'appel qu'elle a interjeté en juin 2004 ne s'explique que par la séparation des époux M. ;

4°) à l'absence d'incidence d'une éventuelle réformation du jugement entrepris sur la situation patrimoniale de Mme M. dès lors :

- que la liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de grande instance à l'encontre des époux M. trouve sa source non pas dans le jugement entrepris, mais dans celui du 28 janvier 2000 prononçant la résolution du plan de redressement en raison de son inexécution et ouvrant une nouvelle procédure de redressement judiciaire à l'égard des époux M. ;

- que ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 5 mars 2001 ;

- que le jugement du 26 janvier 2001 convertissant le redressement judiciaire en liquidation judiciaire a été confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux du 23 mars 2005, le pourvoi formé contre cet arrêt ayant été déclaré non admis par arrêt de la Cour de Cassation du 5 février 2008 ;

- que l'autorité de la chose jugée est donc attachée au jugement du 26 janvier 2001

et que la liquidation judiciaire ouverte à l'égard de chacun des époux M. est acquise de façon irrévocable ;

- que l'appel de Mme M. est dépourvu d'intérêt et sans portée puisque la liquidation judiciaire prononcée ultérieurement et à la suite d'une seconde procédure de redressement judiciaire ne pourrait être remise en cause ;

5°) à la constatation qu'une éventuelle réformation du jugement sur l'appel de Mme M. ne pourrait avoir d'effet qu'à son égard, Mme M. étant dépourvue d'intérêt et irrecevable à agir au profit de son ex-époux, qui resterait en toute hypothèse soumis à la procédure collective ouverte à son égard ;

6°) au rejet de l'appel incident formé par M. M. en faisant valoir :

- que l'appel interjeté par Mme M. ne portait que sur le jugement du 25 août 1994 et que la procédure, fut-ce sur l'appel de M. M., ne peut aboutir qu'à la réformation ou à la confirmation de ce jugement, sans pouvoir influer sur les autres décisions rendues dans le cours de la procédure collective ;

- que les prétentions de M. M. de voir réformer les différentes décisions prononcées postérieurement au jugement d'ouverture du 25 août 1994 sont irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée ;

- que la violation de l'article 4 de la loi du 25 janvier 1985 n'a été invoquée pour la première fois que devant la cour de renvoi, dans les conclusions déposées le 4 juin 2012, que la demande est irrecevable au regard de l'article 564 du Code de procédure civile et que cet article n'était pas applicable en l'espèce, puisque la procédure a été ouverte à l'initiative du débiteur et non sur assignation d'un créancier ;

- que la demande de réformation du jugement en raison de l'absence d'état de cessation des paiements est irrecevable au regard de l'article 546 du code de procédure civile, M. M. ne pouvant reprocher au tribunal d'avoir constaté l'état de cessation des payements et ouvert la procédure de redressement judiciaire conformément à la demande qu'il avait lui-même formulé ;

- que le moyen tiré de l'absence d'état de cessation des payements est au surplus mal fondé, puisque cet état a été déclaré par M. M. lui-même pour bénéficier de la suspension des poursuites et qu'il a été vérifié à différentes reprises au cours de la procédure ;

- que l'évolution de la situation financière de M. M. postérieurement au jugement entrepris n'est pas de nature à remettre en cause le jugement du 25 août 1994 ;

7°) à la suppression des propos calomnieux et diffamatoires tenus par M. M. à l'encontre de Me Laurent M. en page 12 de ses conclusions n° 2 où il évoque 'Contrairement aux affirmations du mandataire Laurent M., par courrier du 20 février 1998, justifiant de son incompétence, notoire et surtout malveillante' ;

8°) au cas où la cour annulerait le jugement entrepris et l'ensemble des jugements successifs, à l'exercice du droit d'évocation en application des dispositions de l'article 11 du décret du 27 décembre 1985, et au prononcé d'une procédure de liquidation judiciaire en exposant qu'une telle annulation serait particulièrement préjudiciable, que la remise des parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient en 1994 est illusoire, que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire permettrait de conserver l'efficacité des actes accomplis en vertu de la procédure initiale, qui ne sont pas réellement contestés par M. et Mme M., et l'apurement du passif, et ainsi de mettre enfin un terme à cette succession de procédure ;

9°) à la condamnation de M. et Mme M. aux dépens et au payement par chacun d'une indemnité de procédure de 2 000 euros.

MOTIFS DE L'ARRÊT

I . SUR L'INSCRIPTION DE FAUX

A titre liminaire, il convient de rappeler, en droit, que la dénonciation de l'inscription de faux doit être faite par notification entre avocats ou signification à la partie adverse et que lorsque cette dénonciation n'a pas été faite dans le délai fixé par la loi, le tribunal peut passer outre à l'incident et statuer au vu de la pièce arguée de faux.

En l'espèce, il est constant que l'inscription de faux n'a pas été dénoncée par M. Alain M. aux autres parties à l'instance et notamment à la Selarl M..

C'est vainement que M. M. soutient qu'il s'est trouvé privé de la possibilité de dénoncer cette inscription de faux en raison du fait qu'après obtention de l'aide juridictionnelle le 27 mars 2012, aucun huissier de justice n'a été désigné par le Président de la chambre départementale des Huissiers de Gironde aux fins de régulariser les procédures.

En effet, si le délai de l'article 306 s'est trouvé interrompu par la demande d'aide juridictionnelle présentée le 24 février 2012 par M. M. et ce jusqu'à la décision du 27 mars 2012 lui accordant l'aide juridictionnelle, force est de constater qu'il n'avait, au jour de la clôture des débats, toujours pas dénoncé l'inscription de faux et qu'il ne justifie pas qu'aucun huissier de justice n'avait été désigné, ni d'aucune démarche auprès du Président de la Chambre départementale des Huissiers de Justice de Gironde pour connaître l'identité et l'adresse de l'huissier désigné, respectivement de difficultés particulières ou d'opposition de l'huissier désigné à une demande de sa part de procéder à la signification de cette inscription de faux.

Par ailleurs, il apparaît d'une part, que les faux allégués portent sur des mentions qui ne concernent nullement M. Alain M., dont on ne voit pas dès lors l'intérêt personnel de les contester, sauf à ce que la contestation procède d'une stratégie destinée à tenter de mettre hors de cause son ex-épouse pour lui permettre d'éviter tout recouvrement sur ses biens propres, d'autre part et surtout que l'inscription de faux n'est absolument pas justifiée.

Si le jugement entrepris vise une déclaration de cessation des payements déposée le 25 juillet 1994 par les époux Alain M., il ne s'agit pas d'un faux, mais d'une simple erreur matérielle. En effet, si effectivement la déclaration de dépôt de bilan du 25 juillet 1994 n'a été établie qu'au seul nom de M. Alain M. et n'a été signée que par lui, il figure aux pièces du dossier (pièce 11b produite par la Selarl M.) une seconde 'déclaration de cessation de payement en vue de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire' établie au nom des époux M., datée du 1er août 1994 et revêtue de la signature de M. M., mais également de celle de Mme M. ; la simple comparaison de la signature portée sur cette déclaration avec celle portée sur la lettre adressée le 7 novembre 1994 par Mme M. à Me M. révèle une totale similitude entre les deux et ne laisse planer aucun doute sur le fait que c'est bien Mme M. qui a apposé sa signature sur la déclaration du 1er août 1994.

Il apparaît donc que les premiers juges étaient bien saisis à la suite d'un dépôt de bilan effectué par les deux époux et que c'est par une simple erreur matérielle qu'ils ont visé la première, effectuée par M. M. seul.

Ne constitue pas davantage un faux dans le jugement, la mention que Mme M. avait été convoquée, comme son époux, pour l'audience du 17 août 1994.

Il sera rappelé qu'elle a comparu en personne à l'audience du 17 août 1994 et a été entendue par le tribunal en ses observations. Il ne peut être sérieusement soutenu, comme l'affirme en substance M. M., que Mme M., sans avoir déposé le bilan, sans avoir été convoqué, sans avoir jamais participé à l'exploitation du domaine viticole, se serait volontairement présenté à la barre du tribunal et aurait formulé des observations, sans élever aucune protestation sur le fait qu'elle n'était pas concerné par la procédure.

Il suffira d'ajouter que c'est à celui qui s'inscrit en faux contre une mention d'un jugement de rapporter la preuve de la fausseté, qu'il ne suffit pas de l'affirmer et de chercher à renverser la charge de la preuve en indiquant que la convocation ne figure pas aux pièces du dossier, mais d'établir la fausseté alléguée ce que M. M. ne fait absolument pas, ses affirmations étant contredites par les éléments objectifs précédemment rappelés.

Au surplus, la contestation relative à la convocation est sans emport sur la régularité de la procédure, Mme M. ayant comparu et ayant été entendue avant que le tribunal de commerce n'ouvre une procédure collective à son égard.

Enfin, ne constitue pas non plus un faux dans le jugement, la mention que Mme M. aurait eu la qualité d'exploitant agricole, une telle appréciation ressortant très précisément de l'office du juge, à qui il appartient de rechercher, lorsqu'il est saisi d'une demande d'ouverture d'une procédure collective à l'égard d'un exploitant agricole, si la personne concernée a bien cette qualité.

Au regard de l'ensemble des motifs énoncés ci-dessus, la requête en inscription de faux contre le jugement du 25 août 1994 ne peut qu'être rejetée.

II . SUR L'APPEL INTERJETÉ PAR MME M.

A. Sur la recevabilité de l'appel

1 . Sur l'application de l'article 528-1 du Code de procédure civile

L'article 528-1 du Code de procédure civile dispose que si le jugement n'a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n'est plus recevable à exercer un recours à titre principal passé ce délai.

La lettre recommandée adressée par le greffe aux parties pour leur notifier le jugement constitue la notification prévue par ce texte, peu important que celle-ci soit entachée d'une irrégularité.

En l'espèce, il ressort du jugement entrepris que Mme M. a comparu à l'audience du 17 août 1994 et a été entendue en ses explications avant que l'affaire ne soit mise en délibéré pour jugement être rendu le 25 août 1994.

Il résulte de la copie de l'enveloppe de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoyée par le greffe du tribunal de grande instance de Bordeaux à M. et Mme M. pour leur notifier le jugement du 25 août 1994 ouvrant à leur égard une procédure de redressement judiciaire, que ce pli a été retourné au greffe avec la mention suivante, apposée par un préposé de la Poste : 'Homonymie Précisez Prénom'.

Cette lettre recommandée constitue le notification prévue par l'article 528-1 précité de sorte que l'irrecevabilité de l'appel ne peut être prononcée en application de cet article, les conditions prévues n'étant pas réunies.

Elle ne peut pas davantage être prononcée en application des dispositions combinées des articles 528 et 538 du dit code, dès lors que lorsque l'acte de notification a été retourné au greffe, le délai d'appel ne peut courir qu'à compter de la signification du jugement par acte d'huissier à la diligence de la partie intéressée et qu'en l'espèce après le retour au greffe de la lettre recommandée non distribuée, aucune signification du jugement entrepris n'a été diligentée.

En outre, la Cour ne peut que constater qu'en l'état de la procédure qui lui est soumise, la recevabilité de l'appel de Mme M. n'est plus contestée par la Selarl M..

B. Au fond

Pour solliciter l'infirmation du jugement du 25 août 1994 ouvrant à son égard une procédure de redressement judiciaire, Mme M. soutient qu'elle n'avait pas la qualité d'agricultrice exigée par l'article L 620-2 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 25 juillet 1985.

Pour écarter cette argumentation et confirmer le jugement entrepris, il suffira de relever :

- que l'article 620-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 25 juillet 1985, applicable en la cause au regard de la date de la déclaration de dépôt de bilan disposait que 'le redressement judiciaire est applicable à tout commerçant, artisan, agriculteur et à toute personne morale de droit privé' ;

- que la qualité d'agriculteur, au sens de l'article précité, appartient à toute personne qui exerce à titre de profession habituelle une activité agricole, qu'elle n'implique pas une participation à l'activité agricole exclusive de toute autre occupation, dès lors qu'elle n'est pas occasionnelle et que, s'agissant de l'intervention d'un conjoint, elle excède l'aide normale et courante entre époux ;

- que l'absence d'affiliation de Mme M. à la MSA est sans emport sur la qualité d'agriculteur, qui s'apprécie in concreto, en fonction des tâches effectivement exercées ;

- qu'en l'espèce Mme M., qui n'était ni commerçant, ni artisan, a revendiqué elle-même la qualité d'agricultrice en co-signant avec son époux -dont la qualité d'agriculteur n'est pas discutée-, la déclaration de cessation des payements du 1er août 1994 ;

- qu'elle était installée sur l'exploitation et y a vécu en même temps que son mari, qu'elle ne justifie par ailleurs avoir exercé que la gérance de la société chargée du négoce des vins produits sur la propriété, dont le siège social était situé à la même adresse que l'exploitation agricole, gérance qui ne l'occupait que très partiellement, que par suite l'exploitation était nécessairement commune, chacun étant chargé de tâches distinctes, celles de Mme M. portant plus spécifiquement sur les tâches administratives et la gestion patrimoniale de l'exploitation agricole ;

- que Mme M. a proposé avec son mari un plan de redressement par voie de continuation de l'exploitation agricole, qu'elle a durant de nombreuses années comparu en personne ou par avocat aux audiences du tribunal de commerce dans le cadre de la procédure collective, sans jamais remettre en question sa qualité d'agricultrice ;

- que ce n'est que près de 10 ans après le jugement entrepris, après résolution du plan et ouverture de la liquidation judiciaire, mais surtout après la séparation des époux qu'elle est venue subitement prétendre qu'elle ne participait pas à l'exploitation du domaine agricole et qu'elle n'avait donc pas la qualité d'agricultrice ;

- qu'au regard de son activité réelle et effective dans l'exploitation agricole, de la qualité qu'elle a prise elle-même en déposant le bilan, de son attitude jusqu'au placement en liquidation judiciaire, la preuve de la qualité d'agricultrice au sens de l'article L 620-2 du code de commerce est suffisamment rapportée ;

- que le dépôt de bilan était motivé selon les époux M. par l'absence de trésorerie, mettant les débiteurs dans l'impossibilité de faire face à leurs échéances, situation caractérisant pleinement l'état de cessation de payement ;

II . SUR L'APPEL INCIDENT INTERJETÉ PAR M. M.

A . Sur la recevabilité de l'appel

L'article 546, expressément opposé par la Selarl M. à M. M. dispose que 'le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé'.

Il s'en déduit que celui qui a obtenu satisfaction en première instance est irrecevable, faute d'intérêt, à faire appel.

Si M. Alain M. a déposé une déclaration de cessation des payements 'en vue de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire' et a vu le tribunal de commerce faire droit à cette demande, son appel demeure néanmoins recevable dès lors que le tribunal a pris dans le jugement, dans le cadre de la procédure ouverte, d'autres mesures certes habituelles ou prévues par la loi, mais que M. M. n'avait pas expressément sollicité.

B . Au fond

A titre liminaire, il convient de rappeler que la cour est saisie de l'appel incident interjeté par M. M. contre le jugement du 25 août 1994 ouvrant la procédure de redressement à son égard, et non des multiples questions soulevées dans les écritures de M. M., qui concernent des faits ou des procédures ultérieurs sans incidence sur le litige dont la cour est saisie.

Pour rejeter l'appel incident de M. M. et confirmer les dispositions du jugement entrepris le concernant, il suffira de relever :

- que l'état de cessation des payements était parfaitement caractérisé et résultait des indications fournies par M. M. lui-même, précédemment rappelées, selon lesquelles les saisies pratiquées avaient provoqué une absence de trésorerie, mettant les débiteurs dans l'impossibilité de faire face à leurs échéances ;

- que si dans l'intervalle (la procédure collective initiale a été ouverte il y a plus de 20 ans) la situation s'est améliorée au point que l'actif permettrait de désintéresser tous les créanciers -ce qui est soutenu, mais non démontré - une clôture pour extinction du passif serait envisageable, mais que cet aspect du litige est du ressort du juge commissaire, chargé du contrôle du déroulement de la procédure, et non de la Cour, exclusivement saisie de l'appel du jugement du 25 août 1994.

III . SUR LA SUPPRESSION de PROPOS CALOMNIEUX et DIFFAMATOIRES

Me Laurent M. sollicite la suppression d'une mention portée dans les écritures de M. M. en page 12 de ses conclusions n° 2 où il évoque 'Contrairement aux affirmations du mandataire Laurent M., par courrier du 20 février 1998, justifiant de son incompétence, notoire et surtout malveillante'.

Si Me Laurent M. considère ces écrits comme calomnieux et diffamatoires, il convient de relever d'une part, qu'il ne peuvent être considérés comme tels dès lors qu'ils ne comportent l'imputation d'aucun fait précis, susceptible de faire l'objet d'une preuve, d'autre part, qu'ils ont été émis dans le cadre d'une procédure judiciaire, qu'ils traduisent l'opinion d'une partie sur la compétence professionnelle de son adversaire, qu'ils ne peuvent être qualifiés d'injurieux dès lors qu'ils n'excèdent pas ce qui est autorisé à une partie pour la défense de ses droits.

IV . SUR LES FRAIS NON RÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS

Les appelants, qui succombent, ne peuvent bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et seront condamnés aux dépens, qui seront liquidés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Du fait de l'appel interjeté, l'intimée a été contrainte de se faire représenter en justice pour assurer la défense de ses droits. Il serait inéquitable que l'intégralité des frais ainsi exposés demeure à sa charge.

Par application de l'article 700 du Code de procédure civile, les appelants seront condamnés in solidum à lui verser une indemnité de procédure de 1500 euros à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par arrêt prononcé par sa mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

REJETTE la demande en inscription de faux ;

DÉCLARE recevable l'appel principal de Mme M. et l'appel incident de M. M. ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

CONDAMNE M. Alain M. et Mme France M. née M., in solidum, à payer à la Selarl M. une indemnité de procédure de 1 500 euros ;

CONDAMNE M. Alain M. et Mme France M. née M. aux entiers dépens d'appel, qui seront liquidés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.