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Décisions

Cass. com., 5 janvier 1999, n° 96-18.156

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Banque Marze

Défendeur :

Muller Gustave (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bezard

Rapporteur :

Mme Geerssen

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, SCP Defrénois et Levis

Colmar, 1re ch. A, du 28 mai 1996

28 mai 1996

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 28 mai 1996), que la société Céréales Rimet (société Rimet), mise en redressement puis en liquidation judiciaires, respectivement les 21 juin et 21 août 1991, a vendu le 26 février précédent du maïs à la société Gustave Muller (société Muller),facturé le 26 mars 1 352 889,29 francs et a tiré une lettre de change, non acceptée par son acquéreur, du même montant le 20 mars à échéance le 15 avril et escomptée par la banque Marze (la banque) ; qu'une partie de ce maïs avait été antérieurement vendue par une société coopérative titulaire d'une clause de réserve de propriété et qui n'avait pas été entièrement réglée de sa livraison ; que le 15 juillet 1991, celle-ci revendiquant sa marchandise, a obtenu du juge-commissaire le 7 octobre une ordonnance condamnant la société Rimet, à défaut de restituer le maïs, de lui restituer le montant restant à payer sur cette marchandise ; que le 4 mai 1992, la société Muller, qui n'avait pas encore payé son vendeur, a payé 655 412 francs à la société coopérative ; que la banque a réclamé à la société Muller le montant de la lettre de change ;

Sur le pourvoi principal :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir fixé sa créance sur la société Muller à 697 477,89 francs et de l'avoir condamnée à lui restituer 796 790,63 francs, alors, selon le pourvoi, que le vendeur qui a livré des marchandises avec réserve de propriété ne peut revendiquer entre les mains de l'acheteur, mis en redressement judiciaire, le prix de revente à un sous-acquéreur que si ce prix a été payé après l'ouverture de la procédure collective, n'étant subrogé dans le prix qu'à compter de cette date ; qu'en l'espèce où la lettre de change tirée sur la société Muller, sous-acquéreur, par l'acheteur, la société Rimet, et escomptée au profit de la banque, était venue à échéance antérieurement au redressement judiciaire de la société Rimet et où la marchandise avait été ainsi réglée en valeur avant le jugement d'ouverture, la cour d'appel, en décidant que la société Muller était tenue de régler au vendeur avec réserve de propriété le solde du prix dans lequel celle-ci était subrogée dès la revente, nonobstant l'émission de la lettre de change, a violé les articles 116 du Code de commerce et 122 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que le vendeur d'une marchandise avec réserve de propriété, revendue par l'acquéreur à un tiers, peut revendiquer la partie du prix encore due par ce dernier, partie qui se trouve, dès la revente, subrogée au bien dont le vendeur initial est demeuré propriétaire, et ce tant que le sous-acquéreur n'en a pas réglé le prix à son vendeur ; que le sous-acquéreur, qui n'avait pas accepté la lettre de change à échéance du 15 avril 1991, restait débiteur du prix vis-à-vis du vendeur initial toujours propriétaire du bien ; qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le pourvoi incident, pris en ses deux branches :

Attendu que, de son côté, la société Muller fait grief à l'arrêt d'avoir fixé la créance de la banque à son encontre à 697 477,89 francs, de n'avoir ordonné, compte tenu de l'exécution provisoire du jugement entrepris que la restitution de 796 760,63 francs et rejeté sa demande de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge doit tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus opposé par une partie d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité dès lors que l'exercice de ce pouvoir rend possible la preuve du fait allégué ; qu'en l'espèce, en ne tirant pas, alors qu'elle y était invitée, les conséquences du refus de la banque de produire les pièces que le juge de la mise en état lui avait enjoint de produire, c'est-à-dire l'historique du compte retraçant l'escompte de la lettre de change du 1er janvier au 21 juin 1991 et les bordereaux d'effets remis à l'escompte y afférents, lesquelles pièces permettaient de rapporter la preuve de la contre-passation alléguée , la cour d'appel a violé les articles 10 et 1315 du Code civil et 10 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'il appartenait à la cour d'appel de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les pièces produites par la banque correspondaient à celles que le juge de la mise en état lui avait enjoint de produire afin de tirer le cas échéant, toutes les conséquences du refus de produire les pièces demandées ; qu'en ne procédant pas à cette recherche, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des mêmes articles ;

Mais attendu que l'arrêt, effectuant la recherche prétendument omise, constate que la banque a produit l'historique du compte courant de la société Rimet et que la contre-passation alléguée par la société Muller n'y figure pas ; que le moyen manque en fait ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident.