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Décisions

Cass. com., 27 juin 1989, n° 87-15.847

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Baudoin

Rapporteur :

M. Defontaine

Avocat général :

M. Jeol

Avocats :

Me Choucroy, Me Guinard, Me Copper-Royer

Versailles, du 13 mai 1987

13 mai 1987

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 13 mai 1987), que la société des Parfums Yves Saint-Laurent (Saint-Laurent) a passé commande de fournitures à la société PDG Conseils, laquelle en a confié la fabrication à la société Méthacryl ; qu'à défaut d'obtenir paiement de ces fournitures, celle-ci, invoquant une clause de réserve de propriété, a pratiqué une saisie-arrêt sur le montant des sommes dues par la société Saint-Laurent à la société PDG Conseils ; que, dans le même temps, la société Factofrance Heller (la société Heller), se prévalant de sa qualité de subrogé dans les droits de la société PDG Conseils, en exécution d'un contrat d'affacturage, a réclamé à la société Saint-Laurent le paiement de sa créance ; qu'après la mise en liquidation des biens de la société PDG Conseils, la société Saint-Laurent, autorisée à cette fin, a consigné la somme dont elle était redevable entre les mains d'un séquestre ; que la société Heller a réclamé le versement de cette somme, tandis que la société Méthacryl en a fait de même à hauteur de sa propre créance ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société Heller reproche à l'arrêt d'avoir décidé que la clause de réserve de propriété invoquée par la société Méthacryl était opposable à la société PDG Conseils alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'une clause de propriété ne peut produire effet que si elle est clairement stipulée par le vendeur, dans ses rapports avec l'acquéreur ; qu'en l'espèce, ainsi que l'avait fait valoir la société Heller, la livraison avait été effectuée par le vendeur, pour le compte du premier acquéreur, directement au sous-acquéreur, de sorte que la clause de réserve de propriété insérée dans les bons de livraison délivrés au sous-acquéreur ne pouvait avoir effet à l'égard de l'acquéreur ; qu'en s'abstenant totalement de vérifier si, compte tenu des circonstances de la livraison, la clause de réserve de propriété avait été clairement stipulée à l'égard de l'acquéreur, l'arrêt attaqué a violé l'article 1134 du Code civil et omis de répondre aux conclusions de la société Heller, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'il résulte des motifs de l'arrêt attaqué que la clause de réserve de propriété avait été mentionnée sur les bons de livraison, délivrés directement à la société Saint-Laurent, et portés postérieurement à la connaissance de la société PDG Conseils, de sorte que n'est aucunement établie la connaissance qu'aurait eue celle-ci de la clause avant la livraison ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article 1134 du Code civil et l'article 65 de la loi du 13 juillet 1967 ; et alors, enfin, qu'aucune acceptation de la clause ne pouvait être déduite d'une absence de protestation au reçu de documents délivrés à la société PDG Conseils postérieurement à l'exécution du contrat ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a encore violé l'article 1134 du Code civil et l'article 65 de la loi du 13 juillet 1967 ;

Mais attendu qu'après avoir retenu, par motifs adoptés, que la société PDG Conseils avait chargé la société Méthacryl de livrer les fournitures directement à la société Saint-Laurent avec un bon de livraison dont le " double " lui serait remis, l'arrêt constate, toujours par motifs adoptés, que chaque bon de livraison, sur lequel la société Saint-Laurent avait apposé son visa, stipulait une clause de réserve de propriété et, par motifs propres, que la société PDG Conseils, destinataire des factures émises par la société Méthacryl ainsi que du second exemplaire du bon de livraison stipulant la clause de réserve de propriété, avait, le jour même de la livraison, facturé à son tour les marchandises à la société Saint-Laurent sans émettre aucune protestation ; qu'il résulte de ces constatations que la société Saint-Laurent, agissant pour le compte de la société PDG Conseils, avait accepté la clause litigieuse au moment de la livraison par l'exécution du contrat en connaissance de cause et que, le même jour, la société PDG Conseils avait ratifié cette acceptation en facturant les marchandises ainsi grevées en toute connaissance de cause ; qu'il s'ensuit, dès lors que le syndic, représentant la masse des créanciers de la société PDG Conseils, n'avait soutenu aucune prétention à l'égard de la somme consignée, que la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen en décidant que la clause stipulée par la société Méthacryl était opposable à la société PDG Conseils ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que la société Heller reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon, le pourvoi, d'une part, que la stipulation entre vendeur et acquéreur d'une clause de réserve de propriété, devenue caduque par la revente du bien livré directement au sous-acquéreur par le vendeur initial, est étrangère à la société d'affacturage subrogée dans les droits de son adhérent à l'égard du sous-acquéreur ; qu'en déduisant d'une clause du contrat d'affacturage, prévoyant que le factor peut demander un justificatif de la livraison faite par son adhérent au débiteur cédé, que la clause de réserve de propriété convenue entre le vendeur initial et son adhérent était opposable à la société d'affacturage, l'arrêt attaqué a violé l'article 1165 du Code civil ; alors, d'autre part, que la société Heller avait longuement démontré, dans ses conclusions devant la cour d'appel, que les avis de livraison qu'elle avait reçus de son adhérent (distincts des bons de livraison établis par le vendeur initial) ne comportaient aucune stipulation relative à une quelconque réserve de propriété ; que l'arrêt attaqué, qui omet de se prononcer sur ces conclusions, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que l'inscription en compte courant équivaut à un paiement, qu'en se refusant à prendre en considération la date des quittances subrogatives établies concomitamment à l'inscription en compte courant des sommes correspondantes, au crédit de l'adhérent, l'arrêt attaqué a violé l'article 1250, 1° du Code civil ; alors, encore, que le droit de revendication du vendeur, avec réserve de propriété sur le prix des marchandises revendues non payées par le sous-acquéreur, n'est ouvert qu'en cas de liquidation ou de règlement judiciaire de son acquéreur ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué, qui prend en considération une saisie pratiquée antérieurement par ce vendeur, a violé l'article 66 de la loi du 13 juillet 1967 ; et alors, enfin, que le contrat d'affacturage, par lequel le factor acquiert une créance de son adhérent sur un débiteur de celui-ci, et lui garantit en contrepartie le paiement de sa créance, n'impose au factor aucune obligation d'information sur l'état financier de son client et ses relations avec ses fournisseurs, étrangers au contrat d'affacturage ; que ne peuvent être opposés au factor que les exceptions que le débiteur cédé aurait pu opposer à l'adhérent subrogeant ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a encore violé l'article 1165 du Code civil ;

Mais attendu que si la subrogation investit le subrogé de la créance primitive avec tous ses avantages et accessoires, le subrogé n'a pas plus de droits que son subrogeant au lieu et place duquel il agit ; qu'ayant décidé que la réserve de propriété stipulée par la société Méthacryl était opposable à la société PDG Conseils, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen en retenant que la société Heller ne pouvait se prévaloir de la subrogation dans les droits de son adhérent pour faire échec à la réserve de propriété invoquée par la société Méthacryl ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.