Cass. com., 17 octobre 2018, n° 17-16.346
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer
Sur le moyen unique, pris en ses première, quatrième et cinquième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2017), que les sociétés Fermoba Centre Industries, Fermoba Nord industries et Fermoba Est Industries (les sociétés Fermoba) ont été mises en redressement judiciaire le 24 novembre 2009, la société Y... étant désignée administrateur dans chaque procédure, en la personne de M. Y... ; que les sociétés A... B... et A... C... (les sociétés A...) ont revendiqué à la procédure des vitrages qu'elles avaient vendus avec clause de réserve de propriété et qui n'avaient pas été réglés, ainsi que des agrès laissés en dépôt ; que le 28 janvier 2010, le tribunal a arrêté les plans de cession des sociétés Fermoba et prononcé leur liquidation judiciaire ; que les sociétés A... n'ayant pas reçu le règlement de leur créance ont assigné M. Y... en responsabilité personnelle pour manquement à son obligation de diligence dans le suivi de la procédure de revendication ;
Attendu que les sociétés A... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande alors, selon le moyen :
1°) que la motivation inintelligible équivaut à un défaut de motifs ; qu'en se prononçant par les motifs ci-dessus rappelés, qui ne comportent pas d'articulation logique les uns avec les autres et qui présentent, pour certains d'entre eux, une formulation telle qu'il n'est pas permis d'en déceler le sens, la cour d'appel a statué par des motifs inintelligibles et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) que l'administrateur judiciaire doit prendre les dispositions appropriées pour assurer la protection et la conservation des biens du débiteur afin de permettre l'exercice effectif des droits des revendiquants et leur éventuelle indemnisation ; qu'il doit s'assurer que ses interventions en ce sens auprès du débiteur sont suivies d'effet et, à défaut, se substituer au débiteur défaillant et agir personnellement ; que la cour d'appel, pour rejeter l'action en responsabilité engagée contre Me Y..., s'est bornée à relever que l'administrateur, ayant eu connaissance de la présence entre les mains des sociétés Fermoba de biens vendus sous réserve de propriété et revendiqués par les sociétés A..., avait attiré l'attention de ses administrées sur le fait que les marchandises conservées devaient être réglées sans délai, et qu'il avait aussi veillé à ce que les biens revendiqués ne figurent pas dans le périmètre des offres de reprise ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants et sans rechercher, comme les conclusions d'appel des sociétés A... l'y invitaient, si l'administrateur judiciaire avait effectivement consigné le produit de la revente des biens revendiqués afin qu'il puisse être restitué aux sociétés A... à l'issue de la revendication, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L.624-16 du code de commerce, ensemble l'article 1382 du code civil en sa rédaction applicable à la cause ;
3°) que l'administrateur judiciaire doit prendre les dispositions appropriées pour assurer la protection et la conservation des biens du débiteur afin de permettre l'exercice effectif des droits des revendiquants et leur éventuelle indemnisation ; qu'il peut éventuellement revendre les marchandises grevées d'une réserve de propriété et revendiquées par le vendeur, mais doit alors affecter les fonds au règlement de la créance de la société revendiquante dès l'issue de la revendication ; que la cour d'appel, tout en ne retenant aucune faute à l'encontre de Me Y..., a relevé que les biens revendiqués avaient été consommés pendant la période d'observation et que l'administrateur n'a pourtant pas pris de mesures tendant à la consignation de leur valeur en cas de revente ; qu'en statuant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses constatations, la cour d'appel a violé l'article L.624-16 du code de commerce, ensemble l'article 1382 du code civil en sa rédaction applicable à la cause ;
Mais attendu que l'arrêt, par une motivation dont il n'est pas impossible de déceler le sens, tel que dégagé par les quatrième et cinquième griefs qui lui sont adressés, retient que l'obligation de protection des biens sous réserve de propriété s'apprécie au regard de la mission confiée par le tribunal à l'administrateur qui, lorsqu'il est investi d'une mission d'assistance, ne se substitue pas au débiteur dans la gestion courante de l'entreprise pendant la période d'observation ; qu'il relève ensuite que l'administrateur a fait participer les revendiquants à l'établissement de l'inventaire, a exclu les biens revendiqués du périmètre de la cession de l'entreprise et attiré l'attention des sociétés débitrices, lesquelles avaient conservé la disposition des stocks et la maîtrise du prix de leur revente pendant la période d'observation, sur la nécessité de verser aux sociétés revendiquantes le montant du prix perçu ; que par ces constatations et appréciations, faisant ressortir que l'administrateur, au regard de sa mission d'assistance, n'avait commis aucune faute, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.