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Décisions

Cass. com., 10 novembre 2009, n° 08-13.346

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Richard

Versailles, du 21 sept. 2006

21 septembre 2006

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par deux actes du 8 décembre 1996, Mme Michèle X... a reconnu devoir la somme de 400 000 francs à Mme Chantal X... à titre d'emprunt contracté, selon les énonciations de ces actes, pour aider sa fille, Mme Y..., à acquérir une maison d'habitation ; qu'à la suite de ce prêt, Mme Michèle X... et Mme Y... ont constitué ensemble la SCI des Bruyères dont la majorité des parts étaient détenues par Mme Michèle X... et le reste appartenait à Mme Y... ; que par acte notarié du 19 juin 1997, Mme Michèle X... a fait donation à Mme Y... de la nue-propriété d'une partie des parts qu'elle détenait dans la SCI ; que par un jugement du 2 juin 1998, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de Mme Michèle X..., en tant que propriétaire exploitante d'un fonds de commerce ; qu'à la suite de la résolution du plan de redressement, la liquidation judiciaire de Mme Michèle X... a été prononcée le 7 décembre 2005 ; qu'estimant que la donation du 19 juin 1997 avait été faite en fraude de ses droits, Mme Chantal X... a, sur le fondement de l'article 1167 du code civil, exercé l'action paulienne contre Mme Michèle X... et Mme Y... afin de la faire déclarer inopposable à son égard ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Chantal X... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'intervention et les demandes de la SCP Courret-Guguen, agissant en sa qualité de liquidateur et de représentant des créanciers de Mme Michèle X..., alors selon le moyen, que l'action paulienne étant personnelle au créancier qui l'exerce, les tiers sont irrecevables à intervenir à titre principal pour en solliciter le bénéfice ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'intervention volontaire formée à titre principal par la SCP Courret-Guguen, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Mme Michèle X..., après avoir pourtant constaté que l'action paulienne exercée par Mme Chantal X... ne pouvait rendre inopposable la donation du 19 juin 1997 qu'à son égard, ce dont il résultait que cette action lui était personnelle, la cour d'appel a violé les articles 329 du code de procédure civile et 1167 du code civil ;

Mais attendu que c'est à bon droit, qu'après avoir relevé que la SCP Courret-Guguen avait en application de l'article L. 621-39 du code de commerce, alors applicable, et en qualité de liquidateur, représentant des créanciers, qualité et intérêt pour exercer en leur nom et dans leur intérêt collectif, l'action prévue par l'article 1167 du code civil, la cour d'appel a déclaré son intervention volontaire principale recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que Mme Chantal X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, tendant voir déclarer inopposable à son égard la donation des parts de la SCI des Bruyères en nue-propriété, faite par Mme Michèle X... à sa fille le 19 juin 1997, alors, selon le moyen :

1°) que le jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ayant l'autorité de chose jugée, la date de cessation des paiements qu'il fixe s'impose à tous ; qu'en affirmant néanmoins que la circonstance que la date de cessation des paiements ait été fixée au 10 avril 1997 lors de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de Mme Michèle X... ne suffisait pas, à elle seule, à démontrer l'insolvabilité de celle-ci au 19 juin 1997, bien que cette date s'imposât à elle, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;

2°) que le créancier dispose de l'action paulienne lorsqu'un acte, fait par le débiteur en fraude de ses droits, lui a causé un préjudice ; que le préjudice du créancier est constitué dès lors que l'acte du débiteur a rendu plus difficile le recouvrement de sa créance ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer qu'il n'était pas établi qu'au jour de la donation litigieuse, Mme Michèle X... ne disposait pas encore de biens d'une valeur suffisante pour désintéresser Mme Chantal X..., ni, par voie de conséquence, qu'elle ait eu nécessairement conscience de lui porter préjudice en procédant à cette donation, sans rechercher comme elle y était pourtant invitée, si Mme Chantal X..., assignée par l'URSSAF deux mois plus tôt aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, avait conscience de ce que la donation consentie à sa fille rendait plus difficile le recouvrement de la créance de Mme Chantal X..., ce qui suffisait à caractériser la fraude paulienne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le rapport de l'administrateur judiciaire de Mme Michèle X... confirmait que cette dernière possédait en 1997 un patrimoine immobilier et des fonds de commerce d'une valeur largement supérieure au montant de la créance de Mme Chantal X..., la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ce constat rendait vaine, a justement décidé que la circonstance que le tribunal de commerce ait, lors de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, provisoirement fixé la date de cessation des paiements au 10 avril 1997, date de l'assignation délivrée à la requête de l'URSSAF, ne saurait à elle seule suffire à démontrer l'insolvabilité de Mme Michèle X... au 19 juin 1997 ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.