Livv
Décisions

Cass. com., 24 septembre 2003, n° 00-22.013

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Aix-en-Provence, 8e ch. civ. C, du 12 se…

12 septembre 2000

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Franck X..., mis en redressement judiciaire le 13 juin 1988, a bénéficié d'un plan de redressement arrêté par jugement du 19 décembre 1988 ; que, sur saisine du commissaire à l'exécution du plan, le tribunal a prononcé par jugement du 1er juillet 1992 la résolution du plan, ouvert une nouvelle procédure de redressement judiciaire ultérieurement convertie en liquidation judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au jour du jugement ; qu'à la demande du liquidateur, le tribunal, par jugement du 18 septembre 1996, a annulé, sur le fondement de l' article 107 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-107 du Code de commerce, deux donations consenties par le débiteur le 10 juin 1992, l'une au bénéfice de son épouse, Mme Y... épouse X..., et l'autre au bénéfice de son fils, M. Stéphane X... lequel a fait apport des droits immobiliers objets de la donation à la SCI La Lombarde ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que le débiteur, Mme Y..., M. Stéphane X... et la SCI La Lombarde ( les consorts X...) font grief à l' arrêt d'avoir, annulant le jugement et statuant par l'effet dévolutif, déclaré nulles les donations précitées et l'apport à la SCI, ordonné le partage de l'indivision relative au bien concerné par la donation faite à M. Stéphane X... et ordonné la vente de ce bien aux enchères publiques, alors, selon le moyen :

1°) que les consorts X... faisaient valoir que si par application de l' article 107 de la loi du 25 janvier 1985, le tribunal peut annuler les actes à titre gratuit faits dans les six mois précédant la date de cessation des paiements, le liquidateur ne rapportait nullement la preuve que le débiteur était dans une situation financière obérée lors de la donation consentie à son fils et à son épouse et qu' il ait agi dans le but de soustraire certains biens immobiliers à ses créanciers en fraude de leurs droits, M. X... ayant conservé 36/132e de nue-propriété dans le cadre de la donation faite à son fils ; qu' ayant constaté que la cessation des paiements avait été fixée au 1er juillet 1992 puis retenu que le débiteur a été mis en demeure par le commissaire à l' exécution du plan dès le 2 avril 1992 d'avoir à verser le reliquat de dividendes de 17 000 francs alors en souffrance correspondant à deux mensualités, que le rapport du mandataire en vue de la résolution du plan a été déposé le 1er juin 1992, soit antérieurement à la cessation des paiements pour en déduire que bien que la date à laquelle a été délivrée la convocation du greffe en vue de la résolution du plan ne soit pas susceptible de vérification, il est suffisamment démontré que le débiteur se trouvait à la date du 10 juin 1992 dans l'impossibilité d' exécuter le plan ultérieurement résolu et était averti de la vigilance du commissaire à l' exécution du plan, sans préciser les éléments de fait dont il ressortait qu' à la date du 10 juin 1992, le débiteur était dans une situation obérée et savait être dans l'impossibilité d' exécuter le plan, la cour d' appel n' a pas caractérisé à la date des actes litigieux la connaissance qu' avait le débiteur de la situation obérée et partant n' a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ;

2°) qu' ayant relevé que le débiteur avait été mis en demeure par le commissaire à l'exécution du plan dès le 2 avril 1992 d' avoir à verser le reliquat de dividendes de 17 000 francs alors en souffrance, que le rapport du mandataire en vue de la résolution du plan a été déposé le 1er juin 1992, antérieurement à la date de cessation des paiements, que la date à laquelle a été délivrée par le greffe la convocation en vue de la résolution du plan n'était pas susceptible de vérification, puis décidé que les donations n'ont été consenties que pour distraire une partie de l'actif de la future et inéluctable procédure collective au détriment des créanciers, que le débiteur était au 10 juin 1992 dans l'impossibilité d'exécuter le plan, sans préciser d'où il résultait que le débiteur avait connaissance lors de la conclusion de l'acte litigieux du caractère inéluctable de la nouvelle procédure collective et, partant que l'acte était fait en fraude des droits des créanciers, la cour d'appel par de tels motifs inopérants n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 621-107 du Code de commerce ;

Mais attendu qu' ayant relevé que la cessation des paiements était fixée au 1er juillet 1992, que le débiteur avait été mis en demeure par le commissaire à l' exécution du plan dès le 2 avril 1992 de payer deux mensualités du plan de continuation dont les échéances prévues pour l'apurement du passif n'étaient plus respectées, puis que le rapport du commissaire à l'exécution du plan en vue de la résolution du plan avait été déposé le 1er juin 1992, la cour d'appel, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, a pu retenir qu'à la date des donations litigieuses, le 10 juin 1992, le débiteur était dans l'impossibilité d'exécuter le plan ultérieurement résolu et que les donations n'avaient été consenties que pour distraire une partie de l'actif de la future et inéluctable procédure collective au détriment des créanciers ; que la décision de prononcer la nullité de la donation faite à M. Stéphane X... est ainsi légalement justifiée ; que le moyen, pris en ses première et deuxième branches, n'est pas fondé;

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l' article L. 621-107 II du Code de commerce ;

Attendu que pour prononcer la nullité de la donation faite par le débiteur à son épouse, l'arrêt retient qu'elle n'a été consentie que pour distraire une partie de l'actif de la future et inéluctable procédure collective au détriment des créanciers et que l'épouse gratifiée, à supposer qu'elle disposât effectivement d'une créance, a ainsi été réglée de manière préférentielle ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si la donation avait ou non un caractère rémunératoire excluant sa qualification d'acte gratuit, la cour d' appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré nulle la donation consentie par Franck X... à son épouse Marie-Louise Y... de la moitié indivise d'un bien cadastré commune de Saint-Victoret section AH n° 255 lieudit "Parière" d' une contenance de 7 a 14 ca, donation reçue le 10 juin 1992 par M. Z..., notaire à Marignane, l'arrêt rendu le 12 septembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.