Cass. com., 11 octobre 2005, n° 03-19.161
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
M. Petit
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, SCP Boré et Salve de Bruneton
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 juillet 2003), qu'en 1984, M. X..., licencié par la société Nitris exploitation (la société), a demandé devant le conseil de prud'hommes le paiement d'une indemnité contractuelle et de dommages-intérêts ; qu'en 1987, les actionnaires de la société ont décidé sa dissolution et désigné M. Y... en qualité de liquidateur ; que la liquidation ayant été clôturée le 19 décembre 1989, l'avis de clôture a été publié le 2 février 1990 et la société radiée du registre du commerce et des sociétés le 13 février 1990 ; que par jugement du 25 octobre 1991, confirmé par arrêt du 31 janvier 1995, le conseil de prud'hommes a accueilli les demandes de M. X... ; qu'après le décès de celui-ci, sa veuve et unique héritière, Mme Z..., ne pouvant obtenir paiement des sommes dues, a, par acte du 3 septembre 1996, assigné le liquidateur en responsabilité ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception de prescription de l'action alors, selon le moyen :
1°) que la prescription triennale de l'action en responsabilité du liquidateur court à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé de sa révélation ; qu'en décidant que le point de départ du délai de prescription était "le jour où les droits de la victime du fait dommageable imputé à ce liquidateur ont été définitivement reconnus par une décision de justice", la cour d'appel a violé les articles 247 et 400 de la loi du 24 juillet 1966, devenus L. 225-254 et L. 237-12 du Code de commerce ;
2°) que la cour d'appel a imputé au liquidateur une absence fautive de provision "alors que la SA Nitris faisait l'objet d'une action en paiement de sommes engagée par un de ses salariés M. Roger X..." ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences légales de ses propres constatations d'où il résultait que le fait dommageable, et par suite le point de départ du délai de prescription, était antérieur au 31 janvier 1995, date de la décision ayant statué sur le montant de la créance non provisionnée, la cour d'appel a encore violé les articles 247 et 400 de la loi du 24 juillet 1966, devenus L. 225-254 et L. 237-12 du Code de commerce ;
3°) qu'à supposer même que l'on retienne comme point de départ de la prescription triennale le jour où les droits de la victime du fait dommageable imputé à un liquidateur ont été reconnus par une décision exécutoire, la cour d'appel a constaté que les droits de Mme Z..., venant aux droits de son époux décédé, avaient été reconnus par jugement du conseil de prud'hommes de Cannes en date du 25 octobre 1991, lequel était exécutoire à titre provisoire ; qu'en faisant courir la prescription triennale à compter du 31 janvier 1995, date de l'arrêt confirmatif du jugement susvisé, la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé les articles 247 et 400 de la loi du 24 juillet 1966, devenus L. 225-254 et L. 237-12 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité engagée à l'encontre du liquidateur n'a pu commencer à courir que du jour où les droits de la victime du fait dommageable imputé à ce liquidateur ont été définitivement reconnus par une décision de justice et relevé qu'en l'espèce, c'est par arrêt du 31 janvier 1995 que le montant de la créance de Mme Z... a été définitivement fixé, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'action, introduite par acte d'huissier du 3 septembre 1996, n'était pas éteinte par la prescription ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. Y... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à Mme Z... une certaine somme à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°) que la cour d'appel a constaté que l'actif existant lors de la liquidation de la société n'aurait pas permis le paiement de la créance détenue par Mme Z... et que l'absence de provision imputée à M. Y... n'a dès lors pas eu pour effet d'empêcher le recouvrement par Mme Z... des sommes dues ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que cette dernière ne justifiait d'aucun préjudice en relation de causalité avec le fait dommageable imputé à M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 400 de la loi du 24 juillet 1966, devenu L. 237-12 du Code de commerce ;
2°) qu'en ne caractérisant pas le lien de causalité entre le défaut de provision imputé à M. Y... et la "privation depuis plusieurs années d'une somme importante", dont elle constate par ailleurs qu'elle ne pouvait être recouvrée en l'état de l'actif existant, ainsi que "l'obligation dans laquelle celle-ci (Mme Z...) s'est trouvée d'introduire une nouvelle procédure", la cour d'appel a violé l'article 400 de la loi du 24 juillet 1966, devenu L. 237-12 du Code de commerce ;
Mais attendu que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision ; qu'en l'absence d'actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de la société, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société ;
Attendu qu'après avoir relevé que M. Y... s'était fautivement abstenu de garantir par une provision la créance de Mme Z... et exactement retenu qu'il ne pouvait opposer à celle-ci une insuffisance d'actif de la société lors de la liquidation, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que cette faute avait causé à Mme Z... un préjudice dont elle a souverainement apprécié l'étendue ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.