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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 7 juin 2021, n° 19/02575

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Claas Reseau Agricole (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Belieres

Conseillers :

M. Rouger, M. Garrigues

TGI Bordeaux, du 29 janv. 2015

29 janvier 2015

EXPOSE DU LITIGE

En juillet 2009, la société civile d'exploitation agricole du Château d'Escot a acquis auprès de la société Claas Réseau Agricole une machine à vendanger et un pulvérisateur fabriqués par la société G., pour un prix total de 137 540 €.

Par lettre du 31 juillet 2009, la société Château d'Escot a signalé à la société Claas les problèmes rencontrés lors des tests effectués à la suite de la livraison de l'engin agricole.

Des échanges de courriers ont suivi entre la société Château d'Escot et la société Claas indiquant les difficultés subies par la première dans l'utilisation de la machine à vendanger et le pulvérisateur ; des interventions et réparations ont été faites en accord des deux sociétés. La somme de 6 480 € a notamment été versée par la société Claas à la société Château d'Escot dans ce cadre.

Par acte d'huissier en date du 19 juillet 2011, la Scea du Château d'Escot a fait assigner la Sas Claas Réseau Agricole devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Par jugement en date du 28 juin 2012, le tribunal de grande instance de Bordeaux a,

Notamment :

- ordonné une expertise du matériel et désigné pour y procéder M. Marc G.,

- sursis à statuer sur les autres demandes de la Scea Château D'Escot dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,

- réservé les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

Parallèlement à cette instance, par acte d'huissier en date du 20 avril 2012, Ia Sas Claas Réseau Agricole, vendeur, a appelé la Sas G., fabricant, en garantie de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, devant le tribunal de commerce de Bordeaux, sur le fondement de l'article 1134 du code civil.

Par jugement contradictoire en date du 26 novembre 2012, le tribunal de commerce de Bordeaux a étendu la mission de l'expert.

L'expert a déposé son rapport le 25 juin 2013.

Par conclusions du 4 septembre 2014 le fabricant est intervenu volontairement à l'instance devant le tribunal de grande instance et a conclu au rejet de la demande de l'acquéreur. Par conclusions des 3 et 4 novembre 2014 le vendeur a conclu au rejet de la demande de l'acquéreur et, subsidiairement, à sa garantie par le fabricant. Par conclusions du 7 novembre 2014, le vendeur a sollicité, en outre, subsidiairement, la résolution de la vente conclue avec le fabricant.

Le tribunal de grande instance de Bordeaux, par jugement contradictoire en date du 29 janvier 2015, a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la Sas G.,

- retenant que les conditions de l'action en garantie des vices cachés n'étaient pas réunies, débouté la Scea Château d'Escot de sa demande en résolution de la vente et en restitution du prix de vente,

- débouté la Scea Château d'Escot de ses demandes de dommages et intérêts,

- débouté la Scea Chateau d'Escot de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Scea Château d'Escot à payer à la Sas Claas Réseau Agricole et à la Sas G. une indemnité de 1 000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Scea Château d'Escot aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Me L..

La Sci Château d' Escot a relevé appel de cette décision le 9 mars 2015.

Par arrêt contradictoire en date du 1er février 2018, la cour d'appel de Bordeaux a :

- infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 29 janvier 2015 sauf en ce qu'il a débouté la Scea Château d'Escot de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau, dans la limite de l'infirmation,

- prononcé la résolution de la vente intervenue entre la Scea Château d'Escot et la société Claas Réseau Agricole,

- donné acte à la Scea Château d'Escot de ce qu'elle tient à la disposition de la société Class Réseau Agricole le matériel vendu,

- condamné la société Claas Réseau Agricole à restituer à la Scea Château d'Escot la somme de 137 540 € TTC représentant le prix du matériel affecté de vices cachés,

- rejeté la demande présentée par la Scea Château d'Escot au titre des intérêts,

- dit la Scea Château d'Escot recevable en ses demandes à l'encontre de la société G. mais l'a déboutée,

- dit l'action rédhibitoire directe en garantie des vices cachés exercée par la société Claas Réseau Agricole à l'encontre de la société G. prescrite et donc irrecevable,

- dit la société Claas Réseau Agricole recevable en son action en garantie à l'encontre de la société G. mais l'en a déboutée,

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de la société Claas Réseau Agricole.

La société Claas réseau agricole a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.

Rejetant le premier moyen de cassation par lequel le vendeur faisait grief à l'arrêt attaqué de prononcer la résolution de la vente et de le condamner à la restitution du prix, sur le deuxième moyen pris en sa deuxième branche, par arrêt rendu le 9 mai 2019, au visa de l'article 2241 du code civil, la première chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé l'arrêt rendu le 1er février 2018, mais seulement en ce qu'il dit l'action rédhibitoire en garantie des vices cachés exercée par la société Class réseau agricole à l'encontre de la société G. irrecevable comme prescrite et en ce qu'il rejette son action en garantie dirigée contre celle-ci,

- remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Toulouse,

- mis hors de cause la société Château d'Escot,

- condamné la société G. aux dépens,

- vu l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.

La Cour de cassation a cassé partiellement aux motifs que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins ; que pour déclarer irrecevable, comme prescrite, l'action en garantie des vices cachés exercée par le vendeur contre le fabricant, après avoir retenu que la prescription biennale avait commencé à courir le 19 juillet 2011, date de l'assignation délivrée par l'acquéreur, l'arrêt énonce que l'assignation en garantie, signifiée le 20 avril 2012 et fondée sur l'article 1134 du code civil, n'avait pas le même objet que l'action en résolution de la vente pour vices cachés formée par conclusions du 7 novembre 2014, en déduisant qu'elle n'avait pas eu d'effet interruptif sur cette action, alors que l'action engagée par le vendeur contre le fabricant le 20 avril 2012, bien que fondée sur l'article 1134 du code civil tendait, comme celle formée le 7 novembre 2014, à la garantie du fabricant en conséquence de la résolution de la vente intentée par l'acquéreur contre le vendeur sur le fondement des vices cachés et au paiement par le fabricant du prix de la vente résolue, la cour a violé l'article 2241 susvisé.

Au visa de l'article 624 du code de procédure civile, la Cour de cassation a précisé que la cassation prononcée entraînait la cassation par voie de conséquence du chef de l'arrêt rejetant l'action en garantie du vendeur contre le fabricant et qu'il y avait lieu de mettre hors de cause, sur sa demande, l'acquéreur dont la présence devant la cour d'appel de renvoi n'était pas nécessaire à la solution du litige.

La société Claas réseau agricole a saisi la cour d'appel de Toulouse par déclaration de saisine en date du 28 mai 2019.

DEMANDES DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 1er décembre 2020, la Sas Claas Réseau Agricole, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1603 et suivants, 1641 et suivants, 1147 ancien (article 1231-1 nouveau) et 1134 ancien (articles 1103, 1104 et 1193 nouveaux) du Code civil, de :

- dire non prescrite et donc recevable l'action rédhibitoire en garantie des vices cachés qu'elle a exercée à l'encontre de la société G.,

- dire recevable et bien fondée l'action en garantie qu'elle a exercée à l'encontre de la société G.,

Par conséquent,

- lui donner acte de ce que la machine à vendanger et la cellule pulvérisateur sont tenues à la disposition de la société G.,

- prononcer la résolution de la vente conclue entre elle et le fabriquant, la société G.,

- condamner la société G. à restituer le prix de cession soit la somme de 125 631,93 € TTC (ou à tout le moins la somme de 105 043,42 € HT),

- condamner la société G. au paiement de la somme de 11 908,07 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manque à gagner et du préjudice d'image de marque subi,

Subsidiairement,

- condamner la société G. à la garantir et relever indemne de l'intégralité des condamnations prononcées par l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 1er février 2018,

En toutes hypothèses,

- condamner la société G. au paiement de la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise taxés par le tribunal de grande instance de Bordeaux à la somme de 3 232 € TTC et par le tribunal de commerce de Bordeaux à la somme de 3 607 €.

Elle expose que l'action rédhibitoire de la Scea du Château d'Escot à son encontre ayant été définitivement validée, elle est bien fondée à solliciter la résolution de la vente conclue entre elle et le fabricant de la machine viciée, ainsi que des dommages et intérêts sur le fondement des vices cachés, la recevabilité de son action ayant été tranchée par la Cour de cassation et n'étant pas discutée.

Elle rappelle que le vendeur intermédiaire dispose à l'encontre de son propre vendeur, le fabricant de la chose dont le défaut est allégué, d'une action rédhibitoire qu'il conserve la faculté d'exercer quant elle présente pour lui un intérêt direct et certain, ce qui est le cas en l'espèce dès lors que la vente conclue entre l'acheteur final et le vendeur intermédiaire a été résolue et que ce dernier se voit restituer la chose en contrepartie de la restitution du prix, justifiant la résolution consécutive de la vente conclue avec le fabricant, responsable du défaut de fabrication, la restitution du prix versé au fabricant et le versement de dommages et intérêts d'un montant équivalent au manque à gagner. Elle relève que l'action en garantie du vendeur à l'encontre de son fournisseur n'est subordonnée ni à l'imputabilité du vice à l'intervention de celui-ci sur la chose vendue, ni à sa connaissance du vice, le fabricant vendeur professionnel étant en toute hypothèse présumée connaître les vices de la chose qu'il a vendue au vendeur intermédiaire, ce dernier n'étant pas, en droit, tenu de connaître les vices de la chose au jour de son acquisition.

Elle retient que les défauts affectant la machine à vendanger et ses accessoires, parfaitement établis par les éléments du dossier et notamment l'expertise judiciaire, étaient antérieurs à la vente intervenue entre elle et le fabricant intervenue le 21 juillet 2009 pour une revente réalisée le 22 juillet 2009, s'agissant de vices de conception, rendant la machine impropre à l'usage auquel elle était destinée et qu'aucune transformation de la machine ni de ses accessoires n'a été effectuée par elle entre son achat et la revente à la Scea du Château d'Escot ; qu'ils se sont manifestés peu de temps après que l'acquéreur final ait été mis en possession et que s'agissant de défauts de conception ils étaient par nature indécelables même pour un acheteur professionnel.

Elle expose que face aux défaillances liées à la mise sur le marché du matériel litigieux elle a été contrainte de mobiliser ses techniciens pour de très nombreuses interventions et d'effectuer des déplacements sur site, situation ayant généré un coût conséquent excédant le cadre du contrat de maintenance conclu avec l'acquéreur final et que si elle avait eu connaissance des vices et de l'ampleur des dysfonctionnements affectant la machine, elle ne l'aurait ni acquise ni revendue au risque de ternir sa réputation de vendeur spécialisé en matière d'engins agricoles, ni encore moins proposé à l'acquéreur final un contrat de maintenance.

Elle estime que le remboursement effectué par la société G. de la somme de 6 480 € HT réglée à la Scea du Château d'Escot en février 2010 en compensation de la perte des heures de personnel et de vendanges caractérise une reconnaissance de sa responsabilité à son endroit tout comme à l'égard de l'acquéreur final.

Elle indique que la machine litigieuse n'était pas un prototype contrairement à ce qui est soutenu, mais un modèle de pré-série, acquis d'occasion pour être revendu par elle à un exploitant agricole dans le cadre de son activité de négoce, le prix d'acquisition plus bas s'expliquant par le fait que cette machine avait été utilisée en démonstration pendant trois saisons mais non par le fait qu'elle présentait des défauts de conception.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 17 décembre 2019, la Sas G., intimée, demande à la cour de :

- débouter la société Claas Réseau Agricole de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions tant en ce qui concerne sa demande de résolution de la vente et les conséquences qui sont attachées qu'en ce qui concerne sa demande de garantie,

- la condamner à lui payer une somme de 20 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Contestant toute reconnaissance de responsabilité, elle soutient que la machine était un prototype sur lequel un prix particulièrement bas à hauteur de 83 000 € HT avait été consenti, vendue à un professionnel averti lequel ne pouvait ignorer que comme tout prototype elle nécessiterait des mises au point au fur et à mesure de son fonctionnement, seul l'usage des prototypes permettant aux fabricants de pouvoir finaliser la conception et le bon fonctionnement de leurs équipements, le prix fixé en étant la contrepartie. Elle en déduit que les réglages et mises au point intervenus au fur et à mesure de l'utilisation de la machine ne sauraient constituer pour la société Claas des vices cachés qui l'auraient dissuadée d'acquérir et justifieraient la résolution de la vente ; qu'elle s'est d'ailleurs attachée pour sa part à intervenir aux côtés de la société Claas conformément à l'usage à chaque demande du client final. Elle soutient en outre que les défauts ne présentaient pas dans ses rapports avec la société Claas un caractère suffisant pour justifier la résolution de la vente nonobstant le fait que celle-ci ait été prononcée dans les rapports entre l'acquéreur final et l'acquéreur intermédiaire et que la société Claas en acquérant ce modèle de pré-série constituant un prototype a nécessairement accepté les aléas consécutifs. Elle relève que le contrat de maintenance, proposé par la société Claas à son propre acquéreur pour des interventions relatives à un fonctionnement de 2500 h pendant trois ans, est très loin d'avoir été utilisé de sorte qu'elle ne peut être responsable des conséquences des dysfonctionnements que la société Claas était tenue de gérer et dont elle n'a pas supporté le poids réel. Elle indique qu'au jour de l'expertise judiciaire seuls 8 dysfonctionnements subsistaient dont trois allaient être traités par la société G. de sorte que la résolution de la vente ne peut se justifier.

Sur l'action subsidiaire en garantie, qu'elle estime non fondée, elle relève qu'aucune faute contractuelle n'est établie à son encontre, ayant rempli son obligation de délivrance.

SUR CE, LA COUR :

Des suites de l'arrêt de cassation partielle susvisé, l'existence de vices cachés justifiant la résolution de la vente est définitivement jugée dans les rapports entre l'acquéreur final et le vendeur intermédiaire.

La recevabilité de l'action rédhibitoire exercée par la société Claas à l'encontre du fabricant n'est pas contestée devant la cour de renvoi.

Selon les dispositions de l'article 1642 du code civil, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

En l'espèce, selon factures du 21 juillet et 29 septembre 2009 la société G. a vendu à la Sas Claas Réseau Agricole la machine à vendanger G175V n° de série VF9G175VS05509001, finalement revendue à la Scea Château d'Escot, ainsi qu'une cellule G175V pneumatique n° de série 2850 et une potence porte outils G175 pour un coût total HT, après remise commerciale de 28 à 30 %, de 105 043,42 € (78 553,22 + 23 084,60 + 3 405,60) soit 125 631,93 € TTC.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que la société Claas Réseau Agricole est une société spécialisée dans la fabrication et le commerce de gros matériel agricole. Elle commercialise environ 15 000 matériels par an (neuf et occasion), employant en 2011 un effectif moyen de 887 personnes pour un chiffre d'affaires de 515 700 000 €. La société G. est quant à elle une société de fabrication de machines agricoles et forestières du groupe Same Deutz-Farh, spécialisée dans la viticulture et oléiculture, disposant en 2011 d'un effectif moyen de 178 personnes pour un chiffre d'affaires de 35 223 000 €.

La commande passée le 24 juin 2009 par la Scea Château d'Escot à la Sas Claas pour un montant de 115 000 € HT, livrée à la Scea le 22 juillet 2009 et résolue depuis pour vices cachés, portait sur une machine à vendanger G175VH construite en 2005, machine de démonstration d'occasion, un module CPE 175 9 rangs équipé en pendillard avec un diffuseur dyna diff, une potence porte outil montage avant, une formation de deux jours pour deux personnes. La société G. a confirmé à l'expert judiciaire que la machine vendue à la Société Claas puis à la Scea Château l'Escot était la première G175V commercialisée ; qu'il s'agissait d'un modèle qualifié de présérie destiné à la vente et que la deuxième G175V réalisée également en 2005 était en fonctionnement depuis septembre 2006 en Bourgogne.

L'expert judiciaire précise que G. développe des machines à vendanger polyvalentes depuis les années 1990, son cycle de développement et de qualification incluant la réalisation d'un prototype ayant subi une batterie d'essais dans la région de Cognac où la G175V a été homologuée.

Il s'agissait donc en l'espèce non d'un prototype comme le soutient la société G., mais du premier exemplaire de la série des machines à vendanger polyvalentes G175V sortie des usines G., homologué avant sa commercialisation et destiné à la vente, exemplaire de présérie utilisé en démonstrateur par G. pendant 3 saisons avant d'être vendu à la société Class le 21/07/2009 puis à la société Château Escot le lendemain, dans un état proche du neuf, avec garantie constructeur.

Ce type de machine polyvalente est amené à être utilisé pour pré-tailler, récolter et pulvériser, donc très sollicité en exploitation viticole. Le modèle G. G175V est un porteur enjambant un ou deux rangs selon les largeurs des plantations et bénéficie de la technologie voie variable pour pouvoir s'adapter aux différentes contraintes des vignobles dans les conditions de pentes et de dévers les plus extrêmes. Les différents équipements de la machine permettent d'utiliser le châssis hors période de récolte.

L'expert indique que le taux de défaillance d'un système complexe tel que cette machine à géométrie variable est plus important au début de la vie, phase appelée période de défaillance précoce ou de « jeunesse » ou encore de « déverminage » ayant pour but de stabiliser le taux de défaillance dans le temps, mais qu'en l'espèce, l'utilisation faite par G. en démonstrateur n'a pas sollicité suffisamment la machine pour passer cette période de défaillance précoce qui touche plus particulièrement les premiers exemplaires et la présérie, de sorte que c'est la Scea Château d'Escot acquéreur final, qui a subi les écueils inhérents à cette période. Consécutivement, la société Claas, laquelle était engagée à l'égard de l'acquéreur final par un contrat de maintenance, a dû réaliser sur les quatre années d'exploitation de la machine une trentaine d'interventions curatives ; les défaillances ayant néanmoins diminué avec le temps, traduisant une fiabilisation de la machine au fur et à mesure de ces interventions curatives.

Divers vices de conception d'origine ont été relevés par l'expert judiciaire représentant 33% des interventions de maintenance de la société Claas, dont certains subsistaient encore au jour de l'expertise, insuffisance de protection des câbles et des flexibles préjudiciable à la fiabilité de la machine dont les transformations géographiques inhérentes à sa polyvalence génèrent des pincements répétés suivis d'écrasement, axe de bras du pulvérisateur et commande des bras de pulvérisation défaillants, graisseurs impossibles à atteindre, rupture du graisseur dans l'axe poulie faute de protection, défaut de fonction de l'extension mât avec l'extension porteur, interférence de l'indicateur de largeur avec la cabine, humidité dans les connecteurs de filtres, défaillance récurrente de la jauge de la cuve du pulvérisateur, blocages de motricité récurrents.

Tous ces vices, préexistants à la vente intervenue entre la société G. et la société Claas, étaient de nature à rendre la machine à vendanger, dont l'intérêt essentiel est la polyvalence en situation d'exploitation, impropre à cette destination lors de son utilisation effective en exploitation. Ils sont certes en lien direct avec la nature de présérie de l'engin en cause qui ne pouvait être ignorée de la société Claas en sa qualité de professionnel spécialisé, le constructeur améliorant la conception au fur et à mesure de l'utilisation des modèles de présérie pour proposer à la vente, année après année, des modèles plus performants, ce qui était le cas des modèles vendus neufs en 2009 par rapport au 1er modèle 2005, mais ils sont surtout en lien avec l'insuffisance de sollicitation de la machine par la société G. pendant la période de démonstration de trois saisons ayant précédé la vente à la société Claas, laquelle aurait dû normalement permettre de dépasser la période de défaillance précoce de la machine et d'atteindre son niveau de maturation.

Cette machine construite en 2005, ayant été utilisée en démonstration par la société G., pendant 3 saisons avant la vente du 21 juillet 2009, rien n'établit que la société Claas, certes professionnel de la même spécialité que la société G. et donc présumée connaître les vices décelables selon une diligence raisonnable, était à même de déceler, au jour où elle a elle-même acquis cette machine de présérie dans le seul objectif de la revendre immédiatement à un exploitant viticole, que les problèmes de défaillance précoce inhérents à la conception de l'engin qui ne pouvaient se révéler qu'à l'usage de la machine en situation d'exploitation, n'avaient pas été réglés par le constructeur pendant la période conséquente de démonstration ayant précédé la vente du 21 juillet 2009. Sur ce point, il convient de relever qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que l'essentiel des problèmes de défaillance précoce ont finalement été réglés après l'acquisition de la Scea Château d'Escot et quatre saisons d'exploitation. La société Claas était donc en situation de penser le 21 juillet 2009 acquérir aux fins de revente à un exploitant une machine de présérie arrivée à maturation après trois saisons d'utilisation en démonstration.

S'agissant d'un matériel d'occasion utilisé en démonstration et destiné à la revente, le prix fixé entre les deux professionnels à hauteur de 105 043,42 € HT est indifférent. Et le fait qu'un contrat de maintenance sur trois ans ait été souscrit par la Scea Château d'Escot avec la société Claas pour des interventions relatives au fonctionnement de 2500 heures qui n'auraient pas toutes été utilisées n'est de nature ni à exonérer le fabricant, vendeur initial, de la garantie due à son propre acquéreur, vendeur intermédiaire, ni à caractériser de la part de la société Claas une acquisition en toute connaissance des vices de conception non apparents lors de cette acquisition et non réglés par le fabricant pendant la période de démonstration.

Il ne peut enfin être allégué une contradiction de l'argumentation soutenue par la société Claas au détriment de la société G.. Dans ses rapports avec la Scea Château d'Escot, la société Claas a effectivement contesté l'impropriété à destination de la machine à vendanger et mis en exergue les défauts d'entretien qu'elle imputait à ladite Scea pour s'opposer à l'action en résolution pour vices cachés ou subsidiairement pour défaut de délivrance conforme diligentée à son encontre et solliciter la confirmation du jugement de première instance. Néanmoins, à titre subsidiaire, dans la l'hypothèse où la cour prononcerait la résolution de la vente intervenue entre elle et la Scea, elle avait d'ores et déjà sollicité devant la cour de Bordeaux que soit prononcée la résolution de la vente intervenue entre elle et la société G. avec restitution du prix outre dommages et intérêts et qu'elle soit condamnée à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre. Dès lors que la résolution de la vente intervenue entre la Scea Château d'Escot et la société Claas a définitivement été résolue pour vice caché, la société Claas ne fait preuve d'aucune contradiction en sollicitant devant la cour de renvoi après cassation partielle la résolution de la vente intervenue entre elle et la société G..

La machine à vendanger vendue le 21 juillet 2009 par la société G. à la société Claas étant affectée au jour de cette vente de vices cachés la rendant impropre à sa destination ainsi que démontré ci-dessus, et cette machine étant en sa possession pour avoir remboursé le prix d'acquisition à la Scea Château d'Escot en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux par chèque Carpa du 27 avril 2018 ainsi qu'elle en justifie, la société Claas se trouve fondée en sa demande de résolution de cette vente sur le fondement de l'article 1641 du code civil, résolution qu'il convient de prononcer ainsi qu'à solliciter de la part de la société G. le remboursement de son propre prix d'acquisition, à savoir la somme de 105 043,42 € HT dans la mesure où elle ne conteste pas être assujettie à la Tva, à charge pour elle de restituer à la société G. la machine à vendanger litigieuse avec sa cellule pulvérisateur et sa potence porte outil.

Pour le surplus la société Claas justifie avoir perdu sur le prix de revente de la machine affectée de vices cachés imputables à la conception de son propre vendeur, restitué à son acquéreur, la somme HT de 9 956,57 €, somme qu'il convient de lui allouer à titre de dommages et intérêts à la charge de son vendeur professionnel présumé avoir eu connaissance des vices affectant l'engin qu'il a lui-même construit. Si elle récupère effectivement une machine améliorée sur un certain nombre de dysfonctionnements, elle a participé par ses multiples interventions de maintenance à ces améliorations, toutes les difficultés n'étant pas au demeurant réglées à la date de l'expertise judiciaire. Le prix d'une machine d'occasion de 5 ans avec 1500h de fonctionnement sans garantie a été retenu par l'expert au moment de l'expertise à environ 100 000 € auquel doit être ajouté le mât porte outils. La société Claas ne s'enrichit donc pas comme le soutient la société G., ne récupérant pas une machine d'une valeur bien supérieure à ce qu'elle a payé.

Aucune atteinte à l'image préjudiciable n'est en revanche caractérisée. Le surplus des demandes d'indemnisation doit en conséquence être rejeté.

Partie succombante, la société G. supportera les dépens inhérents à la procédure devant la cour de renvoi. Les dépens de la procédure suivie devant le tribunal de grande instance de Bordeaux et la cour d'appel de Bordeaux ayant été mis intégralement à la charge de la Sas Claas Réseau Agricole par l'arrêt du 1er février 2018, dans ses rapports avec la Scea Château de l'Escot, elle doit en être relevée et garantie par la Sas G., en ceux compris les frais de l'expertise judiciaire de M. G. tels que taxés par le magistrat taxateur du tribunal de grande instance de Bordeaux et par le président du tribunal de commerce de Bordeaux. Succombant, la société G. ne peut prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas que soit allouée à la société Claas Réseau Agricole une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Vu l'arrêt de cassation partielle de la 1ère chambre civile de la cour de cassation du 9 mai 2019,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 1er février 2018 en ses dispositions non atteintes par la cassation,

Prend acte de ce que la prescription de l'action en garantie des vices cachés diligentée par la Sas Claas Réseau Agricole à l'encontre de la Sas G. n'est plus contestée

Prononce la résolution de la vente intervenue le 21 juillet 2009 entre la Sas Claas Réseau Agricole et la Sas G. portant sur la machine à vendanger G175V n° de série VF9G175VS05509001 ainsi qu'une cellule G175V pneumatique n° de série 2850 et une potence porte outils pour vices cachés

Condamne la Sas G. à restituer à la Sas Claas Réseau Agricole la somme de 105 043,42 € HT € au titre du prix de vente

Dit que la Sas Claas Réseau Agricole doit restituer à la Sas G. la machine à vendanger sus identifiée ainsi que sa cellule pneumatique et la potence porte outils

Condamne la Sas G. à payer à la Sas Claas Réseau Agricole la somme de 9 956,57 € à titre de dommages et intérêts au titre de son manque à gagner sur la revente

Rejette le surplus des demandes de la Sas Claas Réseau Agricole

Déboute les parties de leurs demandes respectives d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la Sas G. aux dépens de la procédure suivie devant la cour de renvoi

Dit que la Sas G. devra relever et garantir la Sas Claas de la condamnation aux dépens mise à sa charge par l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 1er février 2018, en ceux compris les frais de l'expertise judiciaire de M. G. tels que taxés par le magistrat taxateur du tribunal de grande instance de Bordeaux et par le président du tribunal de commerce de Bordeaux.