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Décisions

Cass. 3e civ., 13 octobre 2016, n° 15-11.128

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Avocats :

SCP Boullez, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Versailles, du 11 déc. 2014

11 décembre 2014

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 décembre 2014), que le capital de la société civile immobilière du 29 A rue Deparcieux (la SCI), propriétaire d'un immeuble, était constitué de 102 000 parts détenues par la SCI Renaissance et de 18 000 parts détenues par M. X... ; que, par acte du 3 août 2011, la SCI Renaissance et M. X... ont vendu l'intégralité de leurs parts à Mme Y... et à M. Z... pour le prix de un euro ; que, le 12 septembre 2011, Mme Y... a cédé à la société Rifar 60 000 des 114 000 parts sociales dont elle était propriétaire dans la SCI Renaissance au prix de un euro ; que, par acte du 8 juin 2012, la société Rifar a acquis l'immeuble de la SCI au prix de 995 000 euros et, par acte du 25 janvier 2013, elle l'a revendu au prix de 1 660 000 euros ; que la SCI Renaissance a été placée en redressement judiciaire, la date de la cessation des paiements étant fixée au 14 août 2010 ; que M. X... et la société Ouizille-de Keating, ès qualités de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SCI Renaissance, ont assigné Mme Y..., M. Z... et la société Rifar en annulation de la cession des parts sociales en date du 3 août 2011, sur le fondement de l'article 1591 du code civil, pour le premier, et sur le fondement de l'article L. 632-1 du code de commerce, pour la seconde ; que, subsidiairement, M. X... a sollicité une expertise pour déterminer la valeur du bien immobilier de la SCI ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°) que la cession de droits sociaux pour un euro symbolique est valable à la condition que les prestations complémentaires de l'euro symbolique constituent une contrepartie réelle et sérieuse qui soit évaluable ; qu'en décidant, pour décider que la cession au prix de l'euro symbolique des parts de la SCI du 29 A rue Deparcieux était valable, qu'elle trouvait sa contrepartie, en l'absence de garanties de passif, dans le paiement des dettes sociales par les cessionnaires, sans qu'il y ait lieu de déterminer la valeur de l'immeuble qui constituait son seul actif au besoin en ordonnant une mesure d'instruction qui ne serait pas utile à la solution du litige dont elle était saisie, quand il lui appartenait de déterminer la valeur de l'immeuble dont dépendait celle des droits sociaux cédés au prix symbolique d'un euro, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, en violation des articles 4 et 1591 du code civil, ensemble les articles 143 et 144 du code de procédure civile ;

2°) qu'il n'y a carence dans l'administration de la preuve que lorsque la mesure sollicitée est destinée à recueillir des renseignements que la partie demanderesse aurait dû elle-même fournir ; qu'en relevant, pour refuser de déterminer la valeur de l'immeuble dont dépendait l'évaluation des actifs sociaux, qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, sans expliquer en quoi le prononcé d'une mesure d'expertise visait à pallier une insuffisance reprochable dans l'administration de la preuve de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 146, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé, d'abord, que les acquéreurs des parts sociales avaient repris l'intégralité du passif de la SCI et déclaré connaître le contentieux existant avec deux banques dont l'une avait sollicité la vente forcée de l'immeuble de la SCI qui n'avait pu vendre son bien à l'amiable, ni apurer ses dettes dans le délai accordé par le jugement, ensuite, qu'à l'époque de la cession, la SCI avait un passif de 964 000 euros, alors que son unique actif était l'immeuble dont le bail d'habitation rapportait un loyer mensuel de 5 500 euros et qui faisait l'objet d'une procédure de saisie immobilière sur une mise à prix fixée à 780 000 euros, enfin, que le bilan de la SCI, clos au 31 décembre 2011, dégageait une perte nette de 96 296 euros, la cour d'appel, qui en a déduit, d'une part, que la prise en charge du passif constituait une contrepartie sérieuse et non dérisoire au transfert de propriété des parts sociales alors au surplus que l'acte de cession excluait toute garantie de passif, d'autre part, que la nomination d'un expert pour procéder à l'évaluation de l'immeuble était dépourvue d'utilité, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la société de Keating, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Renaissance, fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation de la cession de parts sociales, alors, selon le moyen :

1°) qu'est nul tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur, résultant de ce seul contrat et appréciées à la date de sa conclusion, excèdent notablement celles de l'autre partie ; qu'en décidant que la cession des droits sociaux au prix symbolique d'un euro trouvait sa contrepartie dans le paiement du passif social de la SCI du 29 A rue Deparicieux, après avoir posé en principe que l'appréciation du sérieux du prix impose d'apprécier l'économie générale de la convention afin de déterminer les engagements réciproques, quand l'existence d'un excès notable doit être appréciée au regard des seules obligations nées de la cession des droits sociaux, indépendamment de la reprise du passif social, à la date de sa conclusion, la cour d'appel a violé l'article L. 632-1-I-2° du code de commerce ;

2°) que si tel n'est pas le cas, est nul tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur, résultant de ce seul contrat et appréciées à la date de sa conclusion, excèdent notablement celles de l'autre partie ; qu'il s'ensuit qu'en l'état de la cession pour un euro symbolique des parts d'une société dont le seul actif constitue un immeuble, il appartient au juge du fond de rechercher si les obligations du cédant n'excèdent pas notablement celles du cessionnaire qui est tenu au paiement du passif social, et, donc de vérifier si la valeur des droits sociaux est proportionnée au montant du passif que le cessionnaire prend à sa charge, compte tenu de la valeur du seul immeuble qu'il lui appartient de déterminer, au besoin en recourant à l'expertise, sans que la juridiction du second degré puisse s'arrêter à la seule estimation retenue dans une vente consentie au sous-acquéreur, également partie à l'instance ; qu'en se déterminant sur la seule considération du prix de vente de l'immeuble de la SCI du 29 A rue Deparicieux à la SCI Rifar, après avoir écarté l'évaluation qu'en proposaient M. A... et M. B... dans deux rapports d'expertise, sans en déterminer la valeur vénale, en ordonnant au besoin une expertise, pour la comparer au passif social mis à la charge du cessionnaire des parts sociales, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à exclure l'existence d'un excès notable entre les prestations de chacune des parties ; qu'ainsi, elle a subsidiairement privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 632-I-2° du code de commerce ;

3°) qu'en affirmant que l'évaluation d'une société n'est pas réductible à celle de son seul actif immobilier, quand il appartenait à la cour d'appel de vérifier que la valeur des droits sociaux n'excédait pas le montant du passif que le cessionnaire prend à sa charge, compte tenu de la valeur du patrimoine social qu'il lui appartenait d'évaluer, sans s'arrêter à la seule estimation du prix retenu pour la vente de l'immeuble à la SCI Rifar, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 632-I-2° du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant d'abord souverainement retenu qu'eu égard à ses conditions de réalisation, l'expertise amiable relative à l'évaluation du bien de la SCI, ainsi que l'évaluation amiable de l'actif de cette société, fondée sur cette même expertise, étaient dépourvues de valeur probante, puis relevé que l'immeuble de la SCI avait été vendu le 8 juin 2012 au prix de 995 000 euros alors qu'il était encore occupé par un locataire, que l'acquéreur avait ensuite revendu ce bien le 25 janvier 2013 au prix de 1 660 000 euros après réalisation de travaux et libération des lieux par le locataire, que les prix des ventes effectivement conclues, en particulier celle réalisée peu après la cession litigieuse, devaient être pris en considération, qu'au regard de la situation de la SCI, dont les comptes clos au 31 décembre 2011 faisaient apparaître une perte nette de 96 296 euros et qui se trouvait sous la menace d'une saisie immobilière avec une mise à prix de 780 000 euros, le passif, au titre d'emprunts immobiliers d'au moins 964 000 euros avait été transmis aux cessionnaires des parts sociales, la cour d'appel, qui a estimé souverainement qu'il n'était pas établi que les obligations de la SCI Renaissance, dans la cession litigieuse des parts sociales qu'elle détenait, excédaient notablement celles des cessionnaires, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.