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Décisions

Cass. soc., 8 février 2012, n° 10-12.906

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mazars

Rapporteur :

M. Béraud

Avocat général :

M. Aldigé

Avocats :

Me Foussard, Me Spinosi, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Piwnica et Molinié

Caen, du 18 déc. 2009

18 décembre 2009

Vu leur connexité, joint les pourvois C 10-13.405, D 10-13.521 et K 10-12.906 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 18 décembre 2009), que par jugement du 22 octobre 2001 le tribunal de commerce a arrêté un plan de redressement de la société Moulinex par voie de cession partielle d'actifs au profit de la société SEB et a autorisé le licenciement de salariés pour motif économique ; que des salariés ont saisi le conseil de prud'hommes afin que soient fixées au passif de la société Moulinex diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les deux moyens des pourvois 10-13.521 et 10-12.906 formés par M. X... et 8 autres salariés protégés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur les trois moyens du pourvoi principal 10-13. 405 de la société Moulinex :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur la recevabilité du pourvoi incident formé par Mme Y... et 396 autres salariés :

Vu l'article 609 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt ayant fait droit aux demandes des salariés concernés, ils sont sans intérêt à critiquer une décision qui, peu important sa motivation, ne leur fait pas grief ; que le pourvoi est irrecevable ;

Sur le pourvoi incident éventuel formé [par] le syndicat CFDT métaux Basse-Normandie, Mme Z... et 204 autres salariés :

Attendu que le rejet du pourvoi principal de la société rend ce pourvoi éventuel sans objet ;

Sur le pourvoi incident formé par Mmes A..., B..., C..., D... et M. E..., salariés protégés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le pourvoi incident formé par l'AGS :

Sur le premier moyen :

Attendu que l'AGS fait grief à l'arrêt de dire qu'elle devait garantir les indemnités allouées aux salariés protégés, y compris celles allouées à M. F..., alors, selon le moyen :

1°) que la manifestation de l'intention exprimée par l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur selon les cas, de rompre le contrat de travail d'un salarié protégé résulte de leur demande d'autorisation de procéder au licenciement ; qu'en retenant la date de la convocation des salariés protégés à un entretien préalable à leur licenciement comme étant celle pertinente pour déterminer le moment où s'était manifestée l'intention de procéder à la rupture de leur contrat, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-9 du code du travail ;

2°) qu'en toute hypothèse, les actes passés par le débiteur sans le concours de l'administrateur judiciaire, chargé de l'assister pour tous les actes de gestion, s'ils conservent leurs effets entre les parties, sont frappés d'inopposabilité à l'égard des tiers ; que la cour d'appel, qui a constaté que les lettres de convocation à l'entretien préalable au licenciement des salariés protégés avaient été signées par le directeur des ressources humaines de la société Moulinex, lorsqu'elles auraient dû l'être par les administrateurs judiciaires qu'avait désignés le tribunal de commerce dans son jugement du 22 octobre 2001, n'a pas, en faisant néanmoins produire leurs effets à ces actes à l'égard de l'AGS à laquelle ils étaient pourtant inopposables, tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses constatations, en violation des articles L. 621-22 et L. 621-64, alinéa 2, du code de commerce (dans leur rédaction applicable à la cause) et L. 3253-9 du code du travail ;

3°/ que les créances résultant du licenciement des salariés protégés sont couvertes par la garantie de l'AGS notamment si l'administrateur a manifesté l'intention de rompre le contrat de travail dans le mois suivant le jugement ayant arrêté le plan de redressement ou de cession ; que la cour d'appel, qui a constaté que l'autorisation de licenciement de M. F..., délégué du personnel titulaire, avait une première fois été refusée par l'autorité administrative et qu'il avait finalement été licencié par une lettre du 26 juin 2002, ne pouvait considérer que la garantie de l'AGS était acquise pour les indemnités de rupture allouées à ce salarié, sans rechercher à quel moment s'était à nouveau manifestée l'intention de l'administrateur de procéder à son licenciement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3253-9 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant retenu que le directeur des ressources humaines avait agi pour l'exécution du jugement du tribunal de commerce sous la direction et le contrôle des administrateurs judiciaires et que ceux-ci n'allèguent aucun excès de pouvoir sur ce point, la cour d'appel a caractérisé une délégation implicite de pouvoir par les mandataires de justice et une ratification implicite par eux des actes passés en exécution du jugement, les rendant ainsi opposables à l'AGS ;

Attendu, ensuite, que, selon les articles L. 3253-8 et L. 3253-9 du code du travail, sont couvertes par l'assurance contre le risque de non-paiement les créances résultant du licenciement de salariés bénéficiaires d'une protection particulière relative au licenciement dès lors que l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur, selon le cas, a manifesté son intention de rompre le contrat de travail dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu que ces salariés ayant été convoqués à un entretien préalable au licenciement dans le mois suivant le jugement arrêtant le plan de cession, l'AGS devait garantie, peu important, s'agissant de M. F..., qu'à la suite d'un refus de l'inspecteur du travail, la demande d'autorisation de licenciement dont il n'est pas allégué qu'elle portait sur des motifs différents ait été réitérée ;

Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'AGS fait grief à l'arrêt de dire qu'elle devait garantir les indemnités allouées aux salariés protégés au titre de l'inexécution du plan social, alors, selon le moyen :

1°) que sont couvertes par la garantie de l'AGS notamment les créances salariales résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession et que ne saurait être considérée comme résultant de la rupture du contrat de travail et de nature à engager la garantie de l'AGS, la créance née d'un plan social adopté postérieurement à l'expiration du délai de garantie ; que la cour d'appel a constaté que le délai de la garantie de l'AGS, au titre des indemnités de rupture, expirait le 22 novembre 2001, lorsqu'il était par ailleurs constant que le plan social avait été adopté le 13 décembre 2001, ce dont il résultait que les créances nées de l'inexécution du plan social n'entraient pas dans le champ d'application de la garantie de l'AGS ; qu'en considérant néanmoins que la date à laquelle le plan social avait été adopté était indifférente, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-8 du code du travail ;

2°) que la créance qui naît de l'inexécution d'une obligation de faire s'analyse en une dette de dommages et intérêts dont le fait générateur réside dans l'inexécution du débiteur, non pas en une modalité d'exécution de l'obligation par lui souscrite et moins encore en une somme d'argent qu'il se serait engagé à payer ; qu'en se fondant sur la règle d'après laquelle la garantie de l'AGS s'étend aux sommes prévues par les plans sociaux pour favoriser le reclassement des salariés pour en déduire qu'elle s'appliquait aux dommages et intérêts dus au titre de l'inexécution de l'obligation prise par l'employeur d'offrir des emplois aux salariés et en retenant qu'ils constituaient une modalité d'exécution de ladite obligation, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-8 du code du travail, ensemble l'article 1142 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que la garantie de l'AGS s'étend aux sommes prévues par les plans de sauvegarde de l'emploi pour favoriser le reclassement des salariés, y compris à l'extérieur de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient, ainsi qu'aux dommages et intérêts réparant l'inexécution d'un engagement tendant à ces reclassements ;

Attendu, ensuite, qu'ayant constaté que l'engagement de l'employeur de présenter un nombre minimal d'offres valables d'emploi en vue de faciliter le reclassement externe des salariés avait été pris à une date antérieure au jugement arrêtant le plan de cession, la cour d'appel en a déduit à bon droit, abstraction faite d'un motif surabondant critiqué par la seconde branche, et peu important qu'un tel engagement ne soit exécutable qu'après le licenciement des intéressés, que l'AGS devait garantir les sommes allouées à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice résultant de son inexécution ;

Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE non admis les pourvois 10-13. 521 et 10-12. 906 ;

DÉCLARE non admis le pourvoi principal de la société Moulinex ;

DÉCLARE non admis le pourvoi incident formé par Mme A... et 4 autres salariés protégés ;

DÉCLARE irrecevable le pourvoi incident formé par Mme Y... et 396 autres salariés ;

DÉCLARE sans objet le pourvoi incident éventuel formé par Mme Z... et 204 autres salariés ;

REJETTE le pourvoi incident de l'AGS.