Livv
Décisions

Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-45.346

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Waquet

Rapporteur :

M. Chagny

Avocat général :

M. Duplat

Avocat :

SCP Gatineau

Chambéry, du 7 sept. 1999

7 septembre 1999

Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 99-45.346 et 99-45.421 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Alves X... a été engagé, en 1991, en qualité de chauffeur par la société SNB ; que la société a été mise en redressement judiciaire le 11 octobre 1994 et que son plan de redressement par cession prévoyant des licenciements pour motif économique a été arrêté le 14 mars 1995 ; que le salarié, dont le contrat de travail a été suspendu du 5 novembre 1994 au 25 juin 1995 en raison d'une rechute d'accident du travail et qui a été déclaré par le médecin du Travail, à la suite de la visite de reprise, " apte poste de conduite, inapte travaux de chargements et déchargements et tous travaux de chantiers ", a été licencié le 25 juin 1995 ;

Sur le premier moyen du pourvoi de l'employeur :

Attendu que la société SNB, en redressement judiciaire, reproche à l'arrêt d'avoir jugé que le licenciement de M. Alves X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de l'avoir condamnée à lui verser des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°) que l'employeur peut prononcer le licenciement lorsqu'il justifie de l'impossibilité où il se trouve de proposer un emploi adapté aux facultés du salarié ; qu'en l'espèce, il résulte des termes mêmes de l'arrêt qu'il était constant que la rupture du contrat de travail de M. Alves X... avait un motif purement économique, qu'il n'existait qu'un seul emploi de chauffeur au sein de la société SNB et que ce dernier ne se limitait pas à la seule conduite, mais aussi au chargement et déchargement des matériaux transportés ; que la fiche médicale de M. Alves X... mentionnait une aptitude limitée exclusivement à un poste de conduite de véhicule et l'inaptitude à toute tâche de chargement et de déchargement ainsi qu'à tous travaux de chantier ; qu'il résultait ainsi des termes mêmes de l'arrêt que le reclassement de M. Alves X... était impossible au sein de l'entreprise cessionnaire ; qu'en affirmant néanmoins que l'administrateur judiciaire et les autres parties n'apportaient pas la preuve de l'impossibilité pratique de reclasser M. Alves X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et partant violé l'article L. 122-32-5 du Code du travail ;

2°) que les juges sont tenus d'analyser les pièces produites par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, M. Y..., ès qualités d'administrateur, produisait, afin de prouver l'impossibilité absolue de reclasser M. Alves X..., différents courriers ; qu'en se contentant d'affirmer que l'administrateur judiciaire n'apportait pas la preuve de l'impossibilité pratique de reclasser le salarié, sans nullement analyser, ne serait-ce que sommairement, les pièces produites, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3°) que le licenciement d'un salarié en application d'un plan de cession adopté par la juridiction commerciale doit faire l'objet d'une consultation du comité d'entreprise ; qu'en l'espèce, le licenciement de M. Alves X... en application du plan de cession adopté par le jugement du 14 mars 1995 a été soumis au comité d'entreprise lors de sa réunion du 25 mars 1995 ; que, pour considérer néanmoins que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que le licenciement de M. Alves X... n'avait pas été soumis à l'avis des délégués du personnel ; qu'en s'abstenant de rechercher si la consultation du comité d'entreprise ne dispensait pas l'administrateur judiciaire de soumettre à nouveau le licenciement du salarié à l'avis des délégués du personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-32-5 du Code du travail ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 122-32-5, alinéa 1, du Code du travail que l'avis des délégués du personnel doit être recueilli avant que la procédure de licenciement d'un salarié déclaré par le médecin du Travail inapte à son emploi ou tout emploi dans l'entreprise en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle soit engagée ; qu'il s'ensuit que l'administrateur judiciaire ne saurait se soustraire à cette obligation dont l'inobservation est sanctionnée par l'indemnité prévue à l'article L. 122-32-7 du Code du travail au motif de la consultation du comité d'entreprise en application d'un plan de cession judiciairement prononcé ; que la cour d'appel, qui a constaté que la preuve de la consultation des délégués du personnel n'était pas rapportée, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en ses deux premières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi du salarié et la première branche du second moyen du pourvoi de l'employeur :

Vu les articles L. 143-11-2, L. 122-32-2 et L. 122-32-5 du Code du travail ;

Attendu que, pour décider que l'AGS ne garantit pas l'indemnité allouée au salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et violation des dispositions de l'article L. 122-32-5 du Code du travail, l'arrêt retient qu'un délai de plus d'un mois s'est écoulé entre la date du jugement arrêtant le plan de cession de l'entreprise et la rupture effective, le 25 juin 1995, du contrat de travail de l'intéressé ;

Attendu, cependant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 143-11-2 du Code du travail, les créances résultant du licenciement des salariés bénéficiaires d'une protection particulière relative au licenciement sont couvertes par l'assurance des sommes dues en exécution du contrat de travail en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire de l'employeur, dès lors que l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur, selon le cas, a manifesté, au cours des périodes mentionnées au 2° de l'article L. 143-11-1, son intention de rompre le contrat de travail ; que, d'autre part, le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dont le contrat de travail est suspendu par application de l'article L. 122-32-1 du Code du travail, bénéficie en vertu des articles L. 122-32-2 et L. 122-32-5 du même Code d'une protection particulière en matière de licenciement pendant la durée de la suspension du contrat de travail ;

D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait relevé que l'administrateur avait indiqué par écrit, le 27 mars 1995, au salarié qu'une procédure de licenciement allait être engagée à son égard, d'où il résultait qu'il avait ainsi manifesté son intention de rompre le contrat de travail de l'intéressé dans le mois suivant le jugement arrêtant le plan de redressement, conformément à l'article L. 143-11-1, alinéa 2.2°, du Code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen du pourvoi de l'employeur :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que la créance de M. Alves X... n'entre pas dans le champ de la garantie de l'AGS, l'arrêt rendu le 7 septembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.