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Décisions

Cass. soc., 31 janvier 2018, n° 16-19.861

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Goasguen

Avocats :

SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Paris, du 4 mai 2016

4 mai 2016

Vu la connexité, joint les pourvois n° U 16-19.861 et Q 16-19.903 ;

Met hors de cause la société La Romainville et les organes de la procédure dans le pourvoi n° Q 16-19.903 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z... a été engagée le 1er septembre 2001 en qualité d'opératrice spécialisée par la société La Romainville ; que par jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 26 juillet 2006, la société a été placée en redressement judiciaire ; que par jugement du 5 juin 2007, un plan de continuation a été adopté ; que M. Y... a été désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de prime de production ; que l'AGS-CGEA Ile-de-France Est a été appelée à l'instance ;

Sur les première, quatrième et cinquième branches du moyen unique de l'employeur (pourvoi n° U 16-19.861) :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur les deuxième et troisième branches du moyen unique de l'employeur (pourvoi n° U 16-19.861) :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser certaines sommes à titre de rappel de prime de production outre congés payés afférents pour une période comprise entre le mois de juillet 2011 et le mois de janvier 2016, alors, selon le moyen :

1°) qu'en matière prud'homale, la preuve est libre ; qu'il appartient au secrétaire du comité d'entreprise et au secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de rédiger le procès-verbal des délibérations de ces instances et l'employeur, qui ne peut se substituer au secrétaire, ne dispose d'aucun pouvoir contraignant pour exiger la rédaction d'un procès-verbal ; qu'en l'espèce, la société La Romainville soutenait qu'aucun procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 22 février 2011, au cours de laquelle le comité d'entreprise avait été informé de la dénonciation de la prime de production, n'avait été établi par le secrétaire de cette instance et que le secrétaire du CHSCT avait omis de relater, sur le procès-verbal de la réunion du 1er mars 2011, l'ensemble des échanges relatifs à la dénonciation de la prime de production ; que, dans une attestation régulièrement versée aux débats, Mme X..., secrétaire du comité d'entreprise, expliquait qu'elle n'avait pas été en mesure d'établir le procès-verbal de la réunion du 22 février 2011, mais que la dénonciation de la prime de production avait bien été évoquée lors de cette réunion ; que M. B..., secrétaire du CHSCT, attestait quant à lui qu'il avait omis de retranscrire sur le procès-verbal l'information sur la dénonciation de la prime de production ; que bien qu'elle ait constaté que la société La Romainville avait versé aux débats le document de décharge signé par les membres du comité d'entreprise et des membres du CHSCT lors de la remise de la convocation à deux réunions de ces instances organisées respectivement les 22 février 2011 et 1er mars 2011, l'ordre du jour de ces réunions ayant pour objet l'information de ces instances sur « la dénonciation de l'engagement unilatéral relatif à la prime de production » et un compte-rendu manuscrit de la réunion du comité d'entreprise du 22 février 2011 évoquant cette dénonciation, la cour d'appel a néanmoins estimé que la preuve n'était pas apportée de l'information de ces instances, en l'absence de production du procès-verbal des réunions ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

2°) que ne méconnaît pas le principe « à travail égal, salaire égal » une différence de traitement en matière de rémunération qui trouve son origine et sa justification dans l'effet relatif de la chose jugée ; qu'en l'espèce, la société La Romainville soutenait que si des décisions de justice avaient reconnu à certains salariés, présents dans l'entreprise lors de la création de l'engagement unilatéral relatif à la prime de production, que cette prime avait été alors intégrée dans leur contrat et devait être maintenue nonobstant la dénonciation de l'engagement unilatéral, l'effet relatif de l'autorité de chose jugée attachée à ces décisions de justice justifie la différence de traitement qui en résultait par rapport à Mme Z... ; qu'en retenant néanmoins que Mme Z... était fondée à réclamer le paiement d'une prime de production postérieurement à la dénonciation, en mars 2015, de l'engagement unilatéral correspondant, dès lors que la seule circonstance que des salariés aient été engagés avant ou après l'entrée en vigueur d'une prime contractuelle ou d'un engagement unilatéral ne suffit pas à justifier des différences de traitement entre eux, la cour d'appel a méconnu le principe « à travail égal, salaire égal » ;

Mais attendu que, sous le couvert du grief non fondé de violation de la loi, le moyen, pris en sa deuxième branche, ne tend qu'à contester le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond de la valeur et de la portée des éléments de preuve dont ils ont déduit que l'employeur ne rapportait pas la preuve d'avoir, en 2011, informé les institutions représentatives du personnel de la dénonciation de l'engagement unilatéral ;

Et attendu qu'il ne ressort pas de l'arrêt que l'inégalité de traitement trouve son origine dans l'effet relatif attaché à l'autorité de la chose jugée en sorte que le moyen, pris en sa troisième branche, manque par le fait qui lui sert de base ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi de l'AGS (n° Q 16-19.903) :

Vu l'article L. 3253-8, 1°, du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que la garantie qu'il prévoit ne s'applique pas aux créances nées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et résultant de la poursuite du contrat de travail, en l'absence de prononcé d'une liquidation judiciaire ;

Attendu que pour dire que l'AGS devra, en tant que de besoin, sa garantie à la salariée dans les conditions et limites du plafond légalement prévu, l'arrêt retient que, nonobstant le jugement rendu le 5 juin 2007 par le tribunal de commerce de Bobigny ayant arrêté un plan de continuation à l'égard de la société La Romainville, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause l'AGS-CGEA Ile-de-France Est ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le tribunal de commerce n'avait pas décidé la liquidation judiciaire de l'employeur mais avait arrêté un plan de continuation, de sorte qu'elle ne pouvait mettre à la charge de l'AGS les créances postérieures au redressement judiciaire du 26 juillet 2006, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi n° U 16-19.861 de la société La Romainville et des organes de la procédure ;

Sur le pourvoi n° Q 16-19.903 :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'AGS devra, en tant que de besoin, sa garantie à Mme Z... dans les conditions et limites du plafond légalement prévu, l'arrêt rendu le 4 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.