Cass. com., 19 janvier 2016, n° 14-21.364
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Gadiou et Chevallier
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Coline diffusion (la société Coline), qui a pour activité la vente d'articles de textile auprès de détaillants, a, les 5 décembre 2007 et 15 avril 2008, déposé à l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) respectivement des modèles de chemisier et de tee-shirt et un modèle de robe portant les références 817 374, 817 389 et 826 481 ; que cette société, reprochant à la société Sekoya de commercialiser des vêtements reproduisant ses modèles, l'a assignée en contrefaçon après avoir fait procéder à une saisie-contrefaçon ; que, reconventionnellement, la société Sekoya a demandé l'annulation des modèles ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que la société Sekoya fait grief à l'arrêt de déclarer valable le modèle n° 817 374 alors, selon le moyen, qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'absence de nouveauté et de caractère propre du modèle n° 817 374, t-shirt avec une poche zippée en décalé sur le côté, ne résultait pas de la comparaison avec les catalogues internet Akoustik et Salsa Nova, qui commercialisaient des modèles de même style comportant une poche en décalé sur le côté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 511-2, L. 511-3 et L. 511-4 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que l'arrêt, par motifs propres et adoptés, relève qu'aucun document produit par la société Sekoya ne démontre l'existence et la divulgation du modèle n° 817 374, antérieurement au dépôt effectué auprès de l'INPI ; qu'il relève encore que cette société ne justifie pas, par les catalogues népalais qu'elle produit en noir et blanc, de l'antériorité des autres modèles qu'elle invoque comme plus anciens que celui de la société Coline ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, dont elle a déduit que ce modèle était valable, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen ni sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu les articles L. 513-4, L. 513-5 et L. 521-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que, selon le deuxième de ces textes, la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente ;
Attendu que pour condamner la société Sekoya pour contrefaçon du modèle n° 817 374, l'arrêt relève que la comparaison de ce modèle avec le modèle saisi fait apparaître son caractère propre, en ce qu'il présente une originalité intrinsèque et diffère du modèle saisi par la forme de la découpe de la couture reliant les étoffes différentes, de la poche zippée et des trois bandes de l'épaule gauche ;
Qu'en statuant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses propres constatations, dont il ressortait que chacun des modèles suscitait chez l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 511-2 et L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu qu'un modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun modèle identique n'a été divulgué ;
Attendu que pour déclarer valable le modèle n° 826 481, l'arrêt relève que la société Sekoya ne caractérise pas l'antériorité de son modèle par rapport à celui objet du dépôt ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le modèle n° 826 481 déposé le 15 avril 2008 n'était pas privé de nouveauté au regard du catalogue Himali Hosiery Industri 2006, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le cinquième moyen :
Attendu que la cassation du chef de défaut de nouveauté du modèle n° 826 481 emporte cassation de celui retenant sa contrefaçon ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare valable le modèle n° 826 481, condamne la société Sekoya pour contrefaçon des modèles n° 817 374 et n° 826 481 et lui fait interdiction de présenter ou commercialiser sous quelque forme que ce soit ces modèles, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 2 juin 2014, rectifié par un arrêt du 2 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.