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Décisions

Cass. com., 24 juin 2014, n° 13-12.067

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Cass. com. n° 13-12.067

24 juin 2014

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 janvier 2013) rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 26 octobre 2010, pourvoi n° 09-67.107), que la société J.M. Weston (la société Weston), se prévalant de droits d'auteur et de modèle sur une chaussure mocassin qu'elle commercialise sous l'appellation "Mohican", également référencée sous la dénomination de mocassin "180", a assigné en contrefaçon la société Capuce, exploitant de chaussures sous la marque "Paraboot", à raison de la commercialisation d'un mocassin sous la dénomination "Manet" ;

Attendu que la société Weston fait grief à l'arrêt d'avoir annulé le modèle de chaussure "mocassin" déposé à l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi) sous le n° 910560 le 29 janvier 1991, et d'avoir rejeté sa demande en contrefaçon, alors, selon le moyen :
1°/ que toute antériorité doit avoir une date certaine ; que pour retenir que le mocassin BASS serait antérieur à la divulgation du modèle Mohican en 1949, la cour d'appel s'est contentée d'affirmée qu'il serait établi qu'une photographie présentant l'acteur Paul Henreid portant des mocassins Bass date de 1947 et de se fonder, d'une part, sur les énonciations d'un article paru en 2009 dans le magazine « L'express Styles », illustré de la photographie précitée, indiquant que ces chaussures « séduisent les acteurs de Hollywood » tel Paul Henreid en 1947, et d'autre part, sur des publications largement postérieures à 1949 affirmant que ce modèle aurait été créé en 1936 ; qu'en se déterminant au vu de telles publications, qui ne donnent pas date certaine à l'antériorité retenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable en l'espèce, antérieure à l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 ;
2°/ que seule une antériorité de toutes pièces, divulguant, telle quelle, dans leur combinaison, l'ensemble des caractéristiques du modèle, est de nature à détruire la nouveauté d'un modèle ; que, tout en constatant des différences entre les modèles en cause « quant à la forme de l'empiècement, sa découpe ou la surpiqûre (rectangulaire) de ses côtés » et du fait de « la non reprise d'un léger froncé de la couture sur l'empeigne du modèle Bass ou l'ajout sur le modèle déposé d'une couture sur le bout du soulier », la cour d'appel a retenu, pour écarter la nouveauté du modèle Mohican, que les deux modèles donneraient à voir la « même apparence » de chaussure et auraient « la même forme d'ensemble » ; qu'en statuant ainsi, quand il lui appartenait non pas de rechercher si les modèles en cause produisaient une impression visuelle d'ensemble différente, mais de déterminer si le modèle Bass divulguait l'ensemble des caractéristiques du modèle Mohican, la cour d'appel, qui a apprécié la nouveauté sur des bases erronées, a violé l'article L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable en l'espèce, antérieure à l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 ;
3°/ qu'en retenant que le modèle Bass constituerait une antériorité destructrice de la nouveauté du modèle Mohican de la société Weston, cependant qu'elle constatait l'existence de différences entre les deux modèles, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable en l'espèce, antérieure à l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 ;

4°/ qu'en toute hypothèse, en se bornant à affirmer, de manière vague, que les différences relevées sur le modèle Mohican de la société Weston ne modifieraient pas « l'impression globale de reprise de toutes pièces d'une combinaison antérieure certaine », sans ni définir précisément les caractéristiques de la « combinaison antérieure certaine » que constituerait le modèle Bass, ni indiquer en quoi cette combinaison serait reprise « de toutes pièces », tout en constatant, au contraire, l'existence de différences entre les modèles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable en l'espèce, antérieure à l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 ;
5°/ que la nouveauté s'apprécie au regard du modèle tel que déposé ; qu'en relevant que certaines différences n'apparaissaient pas visibles sur la reproduction de 1949 invoquée comme première divulgation du modèle déposé, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable en l'espèce, antérieure à l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 ;
6°/ qu'en tout état de cause, est original tout modèle qui résulte d'un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de son auteur ; qu'en se bornant à affirmer que le modèle Mohican de la société Weston ne présenterait pas des « différences suffisantes pour être significatives ou témoigner d'une création », sans donner aucun motif justifiant que les différences relevées sur le modèle Mohican ne porteraient pas l'empreinte de la personnalité de son auteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable en l'espèce, antérieure à l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient qu'il est établi que la photographie produite par la société Capuce, qui l'a acquise en original en 2012, date de 1947, même si elle illustre un article récent, et constate que cette photographie montre un comédien portant le soulier Bass ; qu'il relève encore que d'autres articles ou extraits d'ouvrages, même s'ils n'ont été publiés qu'après 1949, comportent la représentation d'un mocassin identique à celui photographié en 1947 et précisent que c'est l'américain Bass qui a créé ce modèle en 1936 ; qu'il en déduit qu'il est suffisamment démontré que le mocassin Bass est connu pour avoir été créé en 1936 et que ce modèle, porté dès 1947, était déjà divulgué lors de la première divulgation du modèle de la société Weston en 1949 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir que l'antériorité retenue avait date certaine, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, qu'après avoir énoncé que la société Capuce doit prouver l'existence d'une antériorité de toutes pièces certaine, l'arrêt relève que les deux modèles donnent à voir la même apparence de chaussure alliant le genre mocassin à une allure citadine et racée, une arête au lieu du bourrelet rustique, une empeigne légèrement arrondie et bombée sur les bords, une languette avec une découpe et de fines piqûres ; qu'il relève encore que les deux chaussures montrent globalement un soulier sans lacets lisse avec des parties légèrement bombées, une semelle débordante, leur conférant la même forme d'ensemble ; qu'il retient enfin que les différences quant à la forme de l'empiècement, sa découpe ou la surpiqûre de ses côtés et du fait de la non reprise d'un léger froncé de la couture sur l'empeigne du modèle Bass ou de l'ajout sur le modèle déposé d'une couture sur le bout du soulier, ne sont pas suffisantes pour être significatives ou témoigner d'une création ou interprétation esthétique novatrice de mocassin habillé et relèvent d'éléments de détail ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur l'impression d'ensemble produite par les deux modèles en cause, mais a fait ressortir par une analyse de chacune de leurs caractéristiques, la reprise de toutes pièces de la combinaison que constitue le modèle Bass, exclusive d'un effort de création, nonobstant quelques différences de détail qu'elle a relevées, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la cinquième branche, pu statuer comme elle a fait ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.