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Décisions

Cass. com., 24 mai 2017, n° 15-21.286

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boutet et Hourdeaux

Paris, du 27 mars 2015

27 mars 2015

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Suza fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation du modèle n° 06 2128-002 alors, selon le moyen :

1°/ qu'un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué s'il a été rendu accessible au public par une publication, un usage ou tout autre moyen ; qu'en affirmant dès lors que la société Suza ne pouvait prétendre qu'il résultait de la commande, établie par une facture proforma émise le 30 mars 2006, passée par la société espagnole Zaapa, que le modèle « 3,5" HDD Media Player » était réputé avoir été divulgué, quand ladite commande était susceptible d'établir la divulgation dudit modèle sur le territoire de la communauté, indépendamment de toute livraison, la cour d'appel a violé l'article L. 511-6 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre et qu'un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée ; d'où il suit qu'en ne recherchant pas si le modèle déposé le 24 avril 2006 par la société PCA n° 06 2128-002 n'était pas dépourvu de caractère propre au regard du produit « 3,5" HDD Media Player », la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 511-2 et L. 511-4 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ que seules les prétentions des parties doivent être énoncées dans le dispositif, d'où il suit qu'en se déterminant sur la base de la considération que le moyen de nullité tiré de la fraude de la société PCA n'était pas repris dans le dispositif des dernières conclusions de la société Suza, la cour d'appel a violé l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient, d'abord, que, même s'il devait être admis que la facture proforma, difficilement lisible, avait été émise le 30 mars 2006 par une société installée à Hong Kong, la société Suza n'a, en dépit d'une ordonnance du conseiller de la mise en état l'y ayant invitée, fourni aucun élément sur les conditions dans lesquelles la société espagnole Zaapa était entrée en relation avec le fournisseur du produit « 3,5" HDD Media Player » ; qu'il retient, ensuite, que la commande n'a porté que sur mille exemplaires de ce produit et que la livraison n'a eu lieu que le 26 avril 2006 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que, dans la mesure où il n'était pas établi qu'à la date du dépôt, les professionnels du secteur concerné avaient eu connaissance ou pouvaient raisonnablement être réputés avoir eu connaissance de ce modèle, son accessibilité dans la communauté n'était pas certaine avant cette date, la cour d'appel a pu retenir que n'était pas rapportée la preuve d'une antériorité destructrice de la nouveauté du modèle invoqué ; 

Attendu, d'autre part, qu'ayant écarté l'antériorité de la divulgation du produit « 3,5" HDD Media Player », la cour d'appel n'avait pas à effectuer la recherche, inopérante, invoquée par la deuxième branche ;

Et attendu, enfin, que la cour d'appel ayant, par des motifs vainement critiqués, écarté la demande d'annulation pour dépôt frauduleux du modèle invoqué, le moyen, pris en sa troisième branche, discute un motif surabondant ;

D'où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 513-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que, selon ce texte, la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente ;

Attendu que pour condamner la société Suza pour contrefaçon du modèle n° 06 2128-002, l'arrêt retient que l'examen des modèles en présence conduit à considérer que le boîtier litigieux reproduit les caractéristiques essentielles du modèle déposé, les différences avec ces dernières devant être considérées comme insignifiantes ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait, pour écarter les actes de concurrence déloyale fondés sur les mêmes faits, estimé qu'il existait entre les boîtiers en présence des différences telles que la reprise des caractéristiques essentielles du modèle déposé n'était pas de nature à susciter un risque de confusion dans l'esprit du public, ce dont il résultait que le modèle incriminé était susceptible de produire sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente du modèle déposé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Suza international France pour contrefaçon du modèle déposé n° 06 2128-002 au paiement de dommages-intérêts et lui fait injonction sous astreinte de cesser la commercialisation du boîtier multimédia référencé « Bx-nmp3036 Deluxe 3,5'' Ata », et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 27 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris.