TUE, 4e ch., 3 octobre 2014, n° T-39/13
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Annulation
PARTIES
Demandeur :
Cezar Przedsiębiorstwo Produkcyjne Dariusz Bogdan Niewiński
Défendeur :
Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), Poli-Eco Tworzywa Sztuczne sp. z o.o
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Prek
Juge :
M. Kreuschitz
Avocats :
Me Mattina, Me Rokicki, Me Rzazewska, Me Nentwig, Me Becker
Arrêt
1 Le 1er septembre 2003, la requérante, Cezar Przedsiębiorstwo Produkcyjne Dariusz Bogdan Niewiński, a présenté une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) nº 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).
2 Le dessin ou modèle dont l’enregistrement a été demandé est destiné à être appliqué aux « plinthes », relevant de la classe 25-02 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié, et est représenté comme suit :
3 Le dessin ou modèle a été enregistré le jour de la demande d’enregistrement sous le numéro 000070438-0002 et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires nº 2003/035, du 9 décembre 2003.
4 Le 11 septembre 2007, l’intervenante, Poli-Eco Tworzywa Sztuczne sp. z o.o., a présenté devant l’OHMI une demande en nullité du dessin ou modèle en question. Le motif invoqué au soutien de la demande était celui visé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 6/2002, lu en combinaison avec les articles 4 à 6 du même règlement.
5 L’intervenante a fait valoir que le dessin ou modèle contesté n’était pas nouveau, car des dessins ou modèles identiques avaient été mis sur le marché en 1999 par la société turque Nil Plastik et par les sociétés allemandes Bolta et Döllken. À l’appui de sa demande, l’intervenante a produit notamment des pages sélectionnées du catalogue « Programm 1999 » de Döllken (ci-après le « catalogue Döllken ») comportant les représentations suivantes :
6 Par décision du 31 mai 2010, la division d’annulation de l’OHMI a fait droit à la demande de nullité, au motif que le dessin ou modèle contesté n’était pas nouveau. Elle a fondé son appréciation sur l’une des représentations du catalogue Döllken de 1999, reproduite ci-après (ci‑après le « dessin ou modèle antérieur D1 ») :
7 La division d’annulation a considéré, en substance, que le dessin ou modèle contesté ne présentait aucune différence visible avec le dessin ou modèle antérieur D1 en raison du fait qu’il faisait partie d’un produit complexe et que sa seule caractéristique visible lors d’une utilisation normale était la surface avant.
8 Le 4 août 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 55 à 60 du règlement nº 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.
9 Par décision du 8 novembre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré, en substance, que le dessin ou modèle contesté devait être déclaré nul en raison de l’absence de nouveauté et de caractère individuel. Plus particulièrement, la chambre de recours a constaté que le dessin ou modèle contesté faisait partie d’un produit complexe au sens de l’article 3, sous c), du règlement nº 6/2002 et que la seule partie visible de celui-ci, lors d’une utilisation normale, était la surface plate de la partie de base. Dans la mesure où la surface plate du dessin ou modèle contesté coïncidait avec la surface plate du dessin ou modèle antérieur D1, la chambre de recours a considéré que ces deux dessins ou modèles étaient identiques et que, par conséquent, le dessin ou modèle contesté n’était pas nouveau. De même, les impressions globales produites par les dessins ou modèles en conflit sur un utilisateur averti du dessin ou modèle contesté, à savoir, en l’espèce, un artisan achetant habituellement des plinthes, seraient identiques. En conséquence, le dessin ou modèle contesté serait dépourvu de caractère individuel.
Conclusions des parties
10 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’OHMI aux dépens.
11 L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
12 À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 6/2002, le deuxième, de la violation de l’article 63, paragraphe 1, du même règlement et, le troisième, de la violation de l’article 62 du même règlement.
13 Dans le cadre de son premier moyen, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a considéré à tort que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de nouveauté et de caractère individuel.
14 L’OHMI et l’intervenante estiment que la chambre de recours était fondée à considérer que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de nouveauté et de caractère individuel.
15 L’article 25 du règlement nº 6/2002 dispose :
«1. Un dessin ou modèle communautaire ne peut être déclaré nul que:
[...]
b) s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9;
[...] »
16 Aux termes de l’article 4 du règlement nº 6/2002 :
« [...]
1. La protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.
2. Un dessin ou modèle appliqué à un produit ou incorporé dans un produit qui constitue une pièce d’un produit complexe n’est considéré comme nouveau et présentant un caractère individuel que dans la mesure où :
a) la pièce, une fois incorporée dans le produit complexe, reste visible lors d’une utilisation normale de ce produit, et
b) les caractéristiques visibles de la pièce remplissent en tant que telles les conditions de nouveauté et de caractère individuel.
3. Par ‘utilisation normale’ au sens du paragraphe 2, [sous] a), on entend l’utilisation par l’utilisateur final, à l’exception de l’entretien, du service ou de la réparation. »
17 Conformément à l’article 3, sous c), du règlement nº 6/2002, un « produit complexe » est défini comme étant un produit se composant de pièces multiples qui peuvent être remplacées de manière à permettre le démontage et le remontage du produit.
18 Il ressort de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 6/2002, qu’un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée. Il est précisé au paragraphe 2 du même article que les dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.
19 Selon l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 6/2002, un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.
20 C’est à la lumière des dispositions susmentionnées qu’il convient d’examiner le présent recours.
21 À titre liminaire, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours, que le dessin ou modèle contesté se compose d’une partie plate et de deux parties latérales qui s’ouvrent en un angle légèrement supérieur à 90 degrés et comportent des saillies tournées vers l’extérieur au niveau de leurs « extrémités libres » et que la demande d’enregistrement le décrit comme étant destiné à être appliqué aux plinthes.
22 Avant de procéder à la comparaison des dessins ou modèles en conflit aux fins de l’appréciation de la nouveauté et du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, il y a lieu de déterminer si ce dernier constitue une pièce d’un produit complexe et, en cas de réponse affirmative, quelles sont ses parties visibles lors d’une utilisation normale. Il convient également d’examiner le dessin ou modèle antérieur D1 sur lequel la chambre de recours s’est appuyée, étant donné que la requérante conteste l’appréciation de ce dessin ou modèle par la chambre de recours et, par voie de conséquence, l’identité des dessins ou modèles en cause.
Sur la qualification du dessin ou modèle contesté de pièce d’un produit complexe
23 La chambre de recours a considéré que le dessin ou modèle contesté constituait la pièce d’un produit complexe se composant d’une plinthe comportant une cavité destinée à loger des câbles électriques ou des fils téléphoniques et du dessin ou modèle contesté, à savoir un insert destiné à couvrir la cavité, adapté à la plinthe et pouvant être démonté et remonté. De même, ce dessin ou modèle serait une pièce d’un produit complexe lorsqu’il serait incorporé dans d’autres types de plinthes, puisque sa partie plate serait montée sur le mur et que la plinthe serait fixée aux éléments latéraux saillants au moyen d’un autre ensemble d’éléments saillants situés sur la face arrière de celle-ci. Il s’ensuit que, en tout état de cause, le dessin ou modèle contesté constituerait une pièce d’un produit complexe.
24 La requérante soutient que le dessin ou modèle contesté est un produit multifonctionnel pouvant être utilisé de plusieurs manières et que son utilisation ne peut être restreinte à celle d’une pièce d’un produit complexe. Elle mentionne, en substance, deux modes d’utilisation du dessin ou modèle contesté, à savoir celui destiné à couvrir une cavité dans une plinthe et celui destiné à être intégré dans un sol ou dans un mur. Or, le mur ou le sol ne saurait être considéré comme étant un produit. La requérante soutient également que l’article 3, sous c), du règlement nº 6/2002 doit être interprété de manière restrictive et que, partant, un dessin ou modèle ne doit être considéré comme constituant une pièce d’un produit complexe que si cette utilisation est son seul mode d’utilisation raisonnable.
25 L’OHMI estime que les différents modes d’utilisation du dessin ou modèle contesté présentés par la requérante confirment que ce dernier fait partie d’un produit complexe.
26 Il convient de rappeler, au préalable, qu’il est essentiel de déterminer si le dessin ou modèle contesté constitue une pièce d’un produit complexe, dans la mesure où, conformément à l’article 4, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement nº 6/2002, pour les pièces des produits complexes, seules les caractéristiques visibles lors d’une utilisation normale doivent être prises en compte lors d’une comparaison des dessins ou modèles en cause.
27 S’agissant du cas d’espèce, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du dossier et notamment des documents annexés à la requête, le dessin ou modèle contesté constitue la pièce d’un produit complexe dès lors qu’il est destiné à couvrir la cavité d’une plinthe et, de manière accessoire, une cavité présente dans un mur ou dans un sol.
28 À cet égard, il convient de noter que la requérante, tout en soutenant que le dessin ou modèle contesté est un produit multifonctionnel, ne mentionne essentiellement que les modes d’utilisation de ce dessin ou modèle en tant qu’insert dans une plinthe, dans un mur ou dans un sol. Certes, elle mentionne également la possibilité d’utiliser le dessin ou modèle contesté en tant que produit indépendant, à savoir en tant que gouttière, et renvoie à cet effet à l’annexe A7 de la requête. Interrogée lors de l’audience, la requérante a cependant reconnu que cette dernière utilisation n’était qu’une possibilité. Bien que les utilisations potentielles d’un dessin ou modèle ne soient pas à exclure, il y a toutefois lieu de relever qu’un usage purement hypothétique du dessin ou modèle contesté tel que présenté à l’annexe A7 de la requête ne saurait être pris en compte dès lors qu’il ressort clairement du dossier que, en l’espèce, le dessin ou modèle contesté sera appliqué essentiellement à une pièce utilisée en tant qu’insert pour couvrir une cavité.
29 Le dessin ou modèle contesté constitue donc une pièce d’un produit complexe.
Sur les caractéristiques visibles de la pièce lors d’une utilisation normale
30 Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 6/2002, les caractéristiques visibles d’un dessin ou modèle constituant une pièce d’un produit complexe doivent remplir en tant que telles les conditions de nouveauté et de caractère individuel. Conformément au paragraphe 3 dudit article, l’utilisation normale est l’utilisation par l’utilisateur final, à l’exception de l’entretien, du service ou de la réparation.
31 Il convient dès lors d’identifier les caractéristiques visibles lors d’une utilisation normale du produit.
32 La chambre de recours a considéré, au point 25 de la décision attaquée, que pour l’utilisateur final du dessin ou modèle contesté, à savoir l’utilisateur des salles dans lesquelles des plinthes étaient montées, seule la surface plate avant de celui-ci restait visible lorsqu’il servait d’insert pour couvrir la cavité d’une plinthe. En revanche, lors de l’utilisation telle qu’illustrée dans le catalogue Döllken, aucune partie du dessin ou modèle ne resterait visible dans la mesure où il serait caché derrière une plinthe.
33 La requérante conteste les affirmations de la chambre de recours et soutient que toutes les parties du dessin ou modèle contesté restent visibles lors d’une utilisation normale de celui-ci, c’est-à-dire lorsque le dessin ou modèle contesté est fabriqué en matière transparente, en cas de retrait de l’insert lors de l’installation des câbles dans la plinthe ainsi que lorsque les extrémités d’une plinthe ne sont pas couvertes.
34 L’OHMI estime que la considération de la chambre de recours selon laquelle, lors d’une utilisation normale, la seule partie visible du dessin ou modèle contesté serait sa surface plate est fondée. Concernant les arguments de la requérante, il fait valoir que le retrait de l’insert de la plinthe lors de la réparation des câbles ou de leur placement dans la cavité ne relève pas d’une utilisation normale. Par ailleurs, il serait illogique d’imaginer que les extrémités de la plinthe puissent être laissées découvertes.
35 De surcroît, la requérante fait valoir que, contrairement à la constatation de la chambre de recours, le dessin ou modèle contesté ne peut pas être utilisé en combinaison avec une plinthe telle que représentée dans le catalogue Döllken, c’est-à-dire être fixé contre un mur et couvert par une plinthe fixée aux éléments saillants du dessin ou modèle à l’aide d’un autre ensemble d’éléments saillants présents sur la plinthe même. Cette opération serait impossible notamment en raison du fait que les saillies du dessin ou modèle contesté seraient trop longues pour rentrer dans la partie arrière d’une plinthe.
36 À cet égard, force est de constater que, conformément à l’article 4, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 6/2002, un dessin ou modèle constituant une pièce d’un produit complexe n’est considéré comme nouveau et présentant un caractère individuel que dans la mesure où cette pièce, une fois incorporée dans le produit complexe, reste visible lors d’une utilisation normale de ce produit. Il s’ensuit que l’utilisation du dessin ou modèle en le fixant à la partie arrière d’une plinthe rendrait sa protection impossible et, dès lors, ne doit pas être prise en compte en l’espèce. La seule utilisation du dessin ou modèle contesté devant être prise en compte aux fins du présent examen est celle de son application à l’insert utilisé pour couvrir une cavité. La conclusion de la chambre de recours selon laquelle aucune partie de la pièce à laquelle le dessin ou modèle est appliqué ne demeurerait visible lorsque celui-ci serait fixé à l’arrière d’une plinthe n’est, dès lors, pas pertinente en l’espèce, sans qu’une telle circonstance ait une incidence sur la légalité de la décision attaquée. La requérante ne peut dès lors utilement faire valoir que les saillies du dessin ou modèle contesté seraient trop longues.
37 Il y a donc lieu d’examiner uniquement la visibilité des caractéristiques du dessin ou modèle contesté lorsque celui-ci sert d’insert pour couvrir une cavité dans une plinthe ou dans un mur.
38 Or, ainsi que l’a constaté la chambre de recours, seule la surface plate du dessin ou modèle contesté reste visible lorsque celui-ci est utilisé pour couvrir une cavité dans une plinthe ou dans un mur. Ce fait est d’ailleurs illustré par les documents produits en annexes A8 à A13 de la requête.
39 Il y a également lieu d’examiner, à ce stade, l’argument de la requérante selon lequel le mur ou le sol dans lesquels serait inséré le produit auquel le dessin ou modèle contesté est appliqué n’étant pas un produit au sens de l’article 3 du règlement nº 6/2002, le critère de la visibilité ne devrait pas être appliqué au dessin ou modèle contesté.
40 À cet égard, il convient de souligner que la visibilité est un critère essentiel de la protection des dessins ou modèles communautaires. En effet, il ressort du considérant 12 du règlement nº 6/2002 que la protection ne devrait pas être étendue aux pièces qui ne sont pas visibles lors d’une utilisation normale d’un produit, ni aux caractéristiques d’une pièce qui ne sont pas visibles lorsque celle-ci est montée. Il s’ensuit qu’il n’est pas nécessaire, aux fins du présent examen, d’apprécier si les cavités que le dessin ou modèle contesté est censé couvrir sont situées dans un produit au sens strict de l’article 3 du règlement nº 6/2002, mais, au contraire, d’apprécier les caractéristiques visibles lors d’une utilisation normale, ainsi que l’a fait la chambre de recours en l’espèce.
41 Les autres arguments invoqués par la requérante ne sauraient remettre en cause cette conclusion de la chambre de recours.
42 Premièrement, l’installation des câbles électriques ou téléphoniques dans la cavité d’une plinthe couverte par l’insert, auquel le dessin ou modèle contesté est appliqué, relève des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 6/2002, en ce sens que l’entretien, le service ou la réparation ne peuvent pas être considérés comme relevant d’une utilisation normale. Dans la mesure où ces opérations sont de nature temporaire, l’installation ou le changement des câbles dans une cavité correspond précisément à l’entretien ou au service au sens de la disposition susmentionnée. En outre, la chambre de recours a estimé à juste titre, au point 26 de la décision attaquée, que, lors d’une utilisation normale, les plinthes n’étaient retirées qu’en cas de rénovation de la salle, de réparation ou de remplacement de câbles ou de fils téléphoniques. Par conséquent, elle a considéré, à juste titre, que l’utilisation normale ne comprenait pas le démontage et l’inspection réguliers de l’insert.
43 Deuxièmement, en ce qui concerne la possibilité de ne pas couvrir les extrémités d’une plinthe, laissant ainsi apercevoir la partie transversale de celle-ci et la vue transversale de l’insert, il convient de considérer que, comme le relève l’OHMI, il serait illogique de laisser découvertes les extrémités d’un produit, celui-ci étant conçu essentiellement pour cacher les câbles. D’ailleurs, il ressort clairement de l’annexe A13 de la requête (p. 61 à 64) que les plinthes dans lesquelles est insérée la pièce à laquelle le dessin ou modèle contesté est appliqué comportent des éléments pour cacher leurs extrémités. De surcroît, il est également précisé, à l’annexe 14 de la requête (p. 66), que l’utilisation d’embouts et d’adaptateurs permet de procéder soi-même à une installation facile et rapide, ce qui atteste, en l’espèce, qu’il est prévu de couvrir les parties latérales des plinthes.
44 Troisièmement, en ce qui concerne la situation dans laquelle le dessin ou modèle serait fabriqué en matière transparente, il y a lieu de relever que les illustrations de l’utilisation de l’insert, jointes en annexes A8, A9 et A12 de la requête, ne permettent pas de constater qu’une face transparente laisserait apercevoir les saillies de l’insert lorsque celui-ci est fixé à une plinthe, à un mur ou à un sol. De même, la chambre de recours a considéré à bon droit, au point 29 de la décision attaquée, que les deux dessins ou modèles en cause, tels que présentés, pouvaient s’appliquer à des produits réalisés dans divers matériaux, et non uniquement dans des matériaux transparents. En outre, l’OHMI fait valoir, à juste titre, que cette caractéristique n’apparaît pas sur la représentation graphique du dessin ou modèle contesté.
45 Partant, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la seule caractéristique visible du dessin ou modèle contesté lors d’une utilisation normale serait sa surface avant n’est entachée d’aucune erreur.
Sur l’appréciation du dessin ou modèle antérieur
46 La requérante fait valoir que le dessin ou modèle antérieur D1 est caractérisé par une simple ligne avec deux crochets simples et courts à ses extrémités. Dans la mesure où aucun produit tridimensionnel ne serait représenté sur ce dessin, toute idée de surface plate demeurerait vague et incertaine. La conclusion de la chambre de recours, figurant au point 30 de la décision attaquée, selon laquelle le dessin ou modèle antérieur D1 représenterait un produit à la surface plate, serait donc erronée. Il ressortirait, par ailleurs, du document « Examination of Applications for Registered Community Designs » de l’OHMI que les caractéristiques d’un dessin ou modèle antérieur qui ne sont pas suffisamment représentées dans une image susceptible d’avoir été divulguée antérieurement ne sauraient être prises en considération aux fins de l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.
47 L’OHMI soutient que la représentation du dessin ou modèle antérieur telle qu’elle apparaît notamment dans le catalogue Döllken permet de « comprendre le produit lui-même » et, ainsi, de le comparer utilement au dessin ou modèle contesté. Le fait que cette représentation se limite à une vue de profil n’exclut pas la comparaison avec le dessin ou modèle contesté, car la forme et les caractéristiques du dessin ou modèle antérieur seraient parfaitement identifiables en l’espèce, et ce même si sa représentation était en deux dimensions et ne comprenait pas de vue en perspective.
48 À cet égard, il convient tout d’abord de noter que le règlement nº 6/2002 n’exige pas que, en ce qui concerne l’appréciation de la nouveauté et du caractère individuel au sens des articles 5 et 6 du même règlement, la représentation graphique d’un dessin ou modèle dont l’enregistrement a été demandé, ni celle d’un dessin ou modèle déjà divulgué au public, contienne une vue en perspective, pour autant que cette représentation graphique permette d’identifier la forme et les caractéristiques du dessin ou modèle. En l’espèce, la chambre de recours a pu considérer à bon droit que la représentation du dessin ou modèle telle que divulguée dans le catalogue Döllken permettait une identification de la forme et des caractéristiques de ce dessin ou modèle antérieur ainsi que de son mode d’utilisation.
49 Ensuite, il convient d’examiner la question de la visibilité du dessin ou modèle antérieur lors d’une utilisation normale. En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 30 de la décision attaquée, que la seule caractéristique visible, comme pour le dessin ou modèle contesté, serait le côté avant plat. Or, conformément au catalogue Döllken, comportant notamment le dessin ou modèle antérieur D1, celui-ci est fixé à la partie arrière d’une plinthe. Il s’ensuit que ce dernier n’est pas visible lors d’une utilisation normale du produit complexe dont il fait partie.
50 À cet égard, il convient de noter que la chambre de recours, au point 21 de la décision attaquée, en appréciant l’utilisation du dessin ou modèle contesté, a relevé que les plinthes telles que présentées à l’appui de la demande de nullité, se composaient d’une partie de base plate avec des éléments saillants montés sur le mur et d’une plinthe fixée à ces éléments au moyen d’un autre ensemble d’éléments saillants situés sur sa face arrière et étroitement emboités. Elle en a déduit, au point 25 de la décision attaquée, que, utilisé de cette manière, l’élément représenté aussi bien par le dessin ou modèle contesté que par le dessin ou modèle antérieur n’était pas visible.
51 Dans la mesure où un dessin ou modèle constituant une pièce d’un produit complexe qui n’est pas visible lors d’une utilisation normale de ce produit complexe ne peut pas être protégé en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 6/2002, il convient de considérer, par analogie, que la nouveauté et le caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire ne peuvent pas être appréciés en comparant ce dernier à un dessin ou modèle antérieur qui, en tant que pièce d’un produit complexe, n’est pas visible lors de l’utilisation normale de celui-ci.
52 Le critère de visibilité, tel qu’énoncé au considérant 12 du règlement nº 6/2002 et rappelé au point 40 ci-dessus, s’applique donc au dessin ou modèle antérieur. L’OHMI a également reconnu, lors de l’audience, que les mêmes critères devaient être appliqués aux deux dessins ou modèles en conflit.
53 Il s’ensuit que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation lors de la comparaison des dessins ou modèles en cause dès lors qu’elle a considéré que, lors d’une utilisation normale, la partie avant du produit auquel serait appliqué le dessin ou modèle antérieur et qui ferait partie d’un produit complexe resterait visible. En ce sens, elle n’a pas correctement identifié les éléments visibles du dessin ou modèle antérieur. Or, ainsi qu’il est indiqué au point 51 ci-dessus, une demande en nullité ne peut pas être fondée sur un dessin ou modèle antérieur qui en tant que pièce d’un produit complexe, n’est pas visible lors de l’utilisation normale de ce dernier. En conséquence, l’examen de la nouveauté et du caractère individuel du dessin ou modèle contesté auquel a procédé la chambre de recours est erroné. Cette circonstance suffit pour accueillir le présent moyen.
54 Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir le présent moyen sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres arguments et moyens invoqués par la requérante.
Sur les dépens
55 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
56 L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.
57 En application de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, l’intervenante supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 8 novembre 2012 (affaire R 1512/2010‑3) est annulée.
2) L’OHMI supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Cezar Przedsiębiorstwo Produkcyjne Dariusz Bogdan Niewiński.
3) Poli-Eco Tworzywa Sztuczne sp. z o.o. supportera ses propres dépens.