Cass. com., 7 janvier 2003, n° 00-13.192
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
M. Delmotte
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Bachellier et Potier de la Varde, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Delaporte et Briard, SCP Piwnica et Molinié
Donne acte à M. Langlais, commissaire à l'exécution du plan de la société Le Moulage technique, de ce qu'il reprend l'instance au lieu et place de M. Aguera, ès qualités ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 janvier 2000), qu'après la mise en redressement judiciaire de la société Le Moulage technique (la société LMT), le tribunal a étendu cette procédure collective à la SCI de La Source (la SCI) par jugement du 19 mars 1998, en retenant la confusion des patrimoines des deux sociétés et la fictivité de la SCI ; que, par jugement du 15 octobre 1998, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société LMT et l'extension de cette procédure à la SCI ; que, par arrêt du 25 novembre 1998, la cour d'appel de Rouen, statuant sur l'appel formé contre ce second jugement par la société LMT, a réformé la décision, dit n'y avoir lieu à liquidation judiciaire et adopté l'offre de plan de continuation présentée par la société LMT ; que, de son côté, la SCI a relevé appel des deux jugements ; que la cour d'appel a confirmé "le jugement" ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement du 19 mars 1998 lui ayant étendu le redressement judiciaire de la société LMT, alors, selon le moyen :
1°) qu'une entreprise ne peut se voir étendre la procédure collective ouverte à l'encontre d'une autre entreprise si cette procédure collective a déjà abouti à l'adoption d'un plan de redressement ; qu'en lui étendant le redressement judiciaire dont faisait l'objet la société LMT tout en constatant que le redressement judiciaire de la société LMT avait été converti par arrêt du 25 novembre 1998 en plan de continuation, ce qui rendait impossible l'extension prononcée, la cour d'appel a violé l'article 5 de la loi du 25 janvier 1985 ;
2°) qu'une société ne peut être déclarée fictive qu'autant qu'il apparaît que les associés n'auraient pas effectué les apports prévus dans les statuts, qu'ils n'auraient pas eu l'intention de partager les bénéfices et les pertes et qu'ils n'auraient pas été animés de l'affectio societatis ; qu'en retenant, pour lui étendre le redressement judiciaire de la société LMT, qu'elle n'avait été constituée qu'à seule fin d'acquérir les immeubles nécessaires à l'exploitation de la société LMT dans la dépendance de laquelle elle se trouvait placée et que de surcroît aucune assemblée générale n'avait été tenue, tous éléments impropres à révéler son caractère fictif et sans rechercher si ses associés n'avaient pas effectué les apports statutairement prévus, s'ils n'avaient pas entendu partager les bénéfices et les pertes et s'ils n'étaient pas animés de l'affectio societatis nécessaire à l'existence de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985 ;
3°) que par ailleurs, seule l'existence prolongée de flux financiers anormaux, caractérisés par des transferts de fonds sans aucune contrepartie d'une société vers une autre, est de nature à révéler la confusion des patrimoines de ces deux sociétés ; qu'en retenant, pour admettre l'existence d'une confusion du patrimoine de la société LMT avec son patrimoine, d'une part, que les loyers qui lui étaient dus par la société LMT représentaient le double de la valeur locative de l'immeuble et, d'autre part, que le preneur avait effectué d'importants travaux qui devaient rester la propriété de la bailleresse à l'expiration du bail, sans rechercher si ces avantages financiers n'étaient pas compensés par le fait, expressément constaté par l'arrêt, qu'elle ait provisoirement accepté de ne pas poursuivre le paiement des loyers dus et ne trouvaient pas une contrepartie dans cette faveur de la bailleresse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985 ;
4°) qu'en tout état de cause, c'est au jour où il statue que le juge doit se placer pour apprécier l'état de cessation des paiements d'une entreprise ; qu'en se fondant, pour dire qu'elle était en état de cessation des paiements, sur ses comptes d'exploitation et son bilan relatif à l'exercice clos au 31 décembre 1996, et donc en se plaçant près de quatre ans avant qu'elle en statue, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu, en premier lieu, que le jugement du 19 mars 1998 étant confirmé, ce dont il résulte que les effets de l'extension de la procédure collective à la SCI sont reportés à la date de cette décision, antérieure à l'adoption du plan de redressement de la société LMT, le grief de la première branche est inopérant ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé le caractère excessif des loyers perçus par la SCI et le fait que celle-ci restait propriétaire, en fin de bail, des travaux d'embellissement effectués par le preneur, l'arrêt retient que depuis décembre 1995, date à laquelle la société LMT a cessé de régler les loyers, la SCI n'en a pas réclamé le paiement, se mettant ainsi dans l'impossibilité de faire face au remboursement de ses emprunts et s'est abstenue de délivrer à la société LMT le moindre commandement de payer visant la clause résolutoire, la faisant ainsi bénéficier, sans contrepartie, de la mise à disposition de son seul actif ; qu'en l'état de ces constatations caractérisant des relations financières anormales constitutives de la confusion des patrimoines et rendant inopérante la recherche visée à la troisième branche, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si la SCI était personnellement en état de cessation des paiements, a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la deuxième branche, légalement justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.