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Décisions

Cass. com., 5 février 2002, n° 98-20.369

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Douai, 2e ch., du 15 juill. 1998

15 juillet 1998

Attendu, selon l'arrêt déféré (Douai, 15 juillet 1998), que M. X... a donné à bail un fonds de commerce qu'il exploitait personnellement à la société nouvelle des Etablissement Francis X... et à la société G.G. Brick (les sociétés), créées à cet effet, dont il détenait la quasi-totalité du capital et qu'il dirigeait, moyennant une redevance perçue de chacune d'elles et leur a donné à bail divers locaux lui appartenant ; que les sociétés ont été mises en redressement puis liquidation judiciaires ; que le liquidateur a assigné M. X... pour que lui soit étendue, sur le fondement de la confusion des patrimoines, la liquidation judiciaire des sociétés ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir accueilli la demande, la cour d'appel étant composée notamment de Mme Fontaine, conseiller, alors, selon le moyen, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'un magistrat ayant siégé en première instance dans un litige entre deux parties ne saurait siéger en appel dans un litige concernant les deux mêmes parties ; qu'il en était ainsi en l'espèce, le magistrat précité ayant siégé en première instance dans un litige opposant M. X... au liquidateur ayant donné lieu à un jugement du tribunal de grande instance de Valenciennes du 26 septembre 1997 ; qu'ainsi, l'arrêt a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'il résulte de la procédure que les débats ont eu lieu devant une formation collégiale dont la composition, conforme à l'ordonnance du premier président fixant la répartition des juges dans les différents services de la juridiction, était nécessairement connue à l'avance de M. X..., représenté par son avoué ; que celui-ci n'est pas recevable à invoquer devant la Cour de Cassation la violation de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il n'a pas fait usage de la possibilité d'en obtenir le respect en récusant Mme Fontaine par application de l'article 341.5 du nouveau Code de procédure civile et qu'en s'abstenant de le faire avant la clôture des débats, il a ainsi renoncé sans équivoque à s'en prévaloir ; que le moyen n'est pas fondé ; Et sur le second moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le moyen,

1°) que l'article 6 de la loi du 20 mars 1956 dispense le loueur du fonds de commerce des conditions prévues à l'article 4 "lorsque la location-gérance a pour objet principal d'assurer sous contrat d'exclusivité l'écoulement au détail des produits fabriqués ou distribués par lui-même" ce qu'était, en l'espèce, le contrat de location-gérance attribuant au locataire gérant, ainsi que le constate lui-même l'arrêt attaqué, l'exclusivité des produits distribués par le loueur ; qu'en faisant état du contrat de concession conclu entre le loueur et le fabricant, l'arrêt attaqué a violé l'article 6 précité ;

2°) qu'il appartient à celui qui prétend à la nullité du contrat de location-gérance d'établir que les conditions prévues par la loi ne sont pas remplies ; qu'en se bornant, pour déclarer nuls les contrats de location-gérance, à relever que le loueur n'établissait pas avoir lui-même distribué les produits concernés, l'arrêt attaqué a violé l'article 1315 du Code civil et l'article 11 de la loi du 20 mars 1956 ;

3°) que la nullité de contrats de location-gérance conclus entre des personnes morales et une personne physique, dont les patrimoines sont distincts ne caractérise pas la confusion des patrimoines ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a encore violé l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985 ;

4°) que la confusion des patrimoines suppose des flux financiers anormaux et une imbrication entre les patrimoines concernés ; qu'en se bornant à faire état d'actes accomplis par le dirigeant et seulement sanctionnables dans le cadre d'une action en extension de procédure collective prescrite en l'espèce, l'arrêt attaqué a violé l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985 ;

5°) que les opérations s'étant écoulées entre les deux sociétés, n'étaient pas de nature à établir l'existence d'une confusion entre leurs patrimoines et celui de leur dirigeant ; qu'ainsi l'arrêt a encore violé l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que l'arrêt retient que, sous couvert de la création de la société nouvelle d'exploitation des Ets Francis X... et de la société G.G. Brick, M. X... a donné en location-gérance le fonds de commerce lui appartenant afin d'échapper aux risques d'une exploitation personnelle ce qui lui a permis, sans intervention de tiers, de prendre des mesures contraires à l'intérêt de celles-ci en disposant de ce fonds comme du sien propre et dans son seul intérêt ; que l'arrêt retient encore un détournement de ressources de la société GG. Brick vers le patrimoine de M. X... ; qu'il retient enfin que, malgré un fonctionnement apparemment distinct, des opérations anormales entre les deux sociétés ont été révélées, M. X... percevant des revenus importants de chacune des sociétés sans réelle contrepartie ; que par ces constatations et appréciations, abstraction faite des motifs surabondants dont fait état le moyen en ses trois premières branches, la cour d'appel, en retenant l'existence d'une confusion des patrimoines de M. X... et des sociétés, a légalement justifié sa décision d'étendre la liquidation judiciaire des secondes au premier ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses trois premières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.