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Décisions

Cass. com., 20 janvier 2009, n° 07-17.026

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me Le Prado, SCP Baraduc et Duhamel

Lyon, du 5 juill. 2007

5 juillet 2007

Donne acte à la SCI Antoine Primat et à la société PBI de leur désistement envers le procureur général près la cour d'appel de Lyon ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 5 juillet 2007), que la société Picot Bouvier a été mise en liquidation judiciaire le 6 mai 2004, M. X... étant désigné liquidateur ; que ce dernier a demandé l'extension de cette procédure à la société PBI et à la SCI Antoine Primat (la SCI), respectivement propriétaire du matériel et des locaux d'exploitation loués à la société Picot Bouvier ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société PBI et la SCI font grief à l'arrêt d'avoir déclaré M. X... recevable en ses demandes, alors, selon le moyen, que les personnes morales à l'encontre desquelles une action en extension de la procédure collective ouverte à l'égard d'une autre personne morale est engagée, doivent être convoquées en chambre du conseil, en vue de leur audition, par acte d'huissier de justice, l'omission de cette formalité substantielle entachant la saisine du tribunal de nullité ; qu'en l'espèce la société PBI et la SCI ont été assignées le 27 octobre 2004 à comparaître devant le tribunal de commerce de Lyon, sans que les assignations mentionnent la nécessité pour les sociétés de se présenter en personne à l'audience et d'être entendues en chambre du conseil, ni que le jugement du 14 avril 2004 fasse état de leur audition dans ces conditions ; qu'en déclarant néanmoins recevables les demandes formées par M. X... à l'encontre de la société PBI et de la SCI, la cour d'appel a violé les articles 853 et 855 du code de procédure civile, ainsi que l‘'article 164, alinéa 2, du décret du 27 décembre 1985 ;

Mais attendu que les dispositions de l'article 164 du décret du 27 décembre 1985 ne s'appliquent pas aux personnes assignées en vue de l'extension à leur encontre d'une procédure collective ouverte à l'encontre d'une autre personne ; que le moyen est inopérant ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société PBI et la SCI font grief à l'arrêt d'avoir constaté la confusion de leurs patrimoines avec celui de la société Picot Bouvier et de leur avoir étendu la liquidation judiciaire de cette société, alors, selon le moyen :

1°/ que la prise en compte par un bailleur des difficultés économiques rencontrées par son locataire ne témoigne pas de relations financières anormales entre les parties, constitutives d'une confusion des patrimoines ; que dans ses conclusions récapitulatives signifiées le 11 mai 2007, la société PBI avait précisé qu'à compter de mars 2001, la société Picot Bouvier avait connu des difficultés économiques importantes ensuite de la panne du groupe électrogène alimentant son site, laquelle avait généré une absence totale de production en novembre 2001 et conduit M. X..., ès qualités, à assigner en 2004 la société Energie et traction en paiement d'une somme de 1 498 754 euros correspondant au préjudice subi par son administrée du fait des dysfonctionnements persistants du matériel ; qu'en conséquence l'abandon partiel des loyers consentis à sa locataire et l'avenant du 1er juillet 2002 par lequel elle avait réduit le montant du loyer en contrepartie d'une diminution du nombre des machines louées ne faisaient que témoigner de la prise en compte par la société PBI des difficultés conjoncturelles rencontrées par sa locataire ; qu'en estimant néanmoins que la société PBI avait consenti des remises de loyer quasi totales puis négligé d'en poursuivre le recouvrement sans référence à quelque élément objectif que ce soit sans répondre aux conclusions attestant de la réalité des difficultés d'exploitation rencontrées par la société Picot Bouvier et de leur prise en compte par la société PBI, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-5, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

2°/ qu'à l'égard des commerçants, la date d'un acte de commerce peut être prouvée par tous moyens, à moins qu'il n'en soit disposé autrement par la loi ; qu'en énonçant que l'avenant communiqué par la société PBI ramenant le loyer du contrat de location de matériel à 30 000 euros par an aurait été rédigé le 1er juillet 2002, mais reste dépourvu de date certaine, la cour d'appel a violé les articles 1328 du code civil et L. 110-3 du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la société PBI avait conclu le 11 mars 1999 avec la société Picot Bouvier un bail portant sur un ensemble de matériels et de mobilier de bureau et de machines d'atelier de fabrication pour un loyer mensuel hors taxes de 43 500 francs, l'arrêt retient que la société PBI a consenti à sa locataire, pour la période antérieure au 1er juillet 2002, cinq abandons de loyer s'élevant à 284 884,39 euros tandis que les loyers exigibles pour la même période s'établissaient à environ 290 000 euros TTC, puis, le 1er janvier 2003, un nouvel abandon de loyers d'environ 10 000 euros et qu'il n'est justifié d'aucune mise en demeure adressée à la locataire bien que la société PBI présentait un résultat déficitaire ; que, par ces constatations et appréciations, desquelles il résulte qu'avant même les difficultés économiques rencontrées par la société Picot Bouvier, la quasi-totalité des loyers dûs et non payés avaient été abandonnés par la société PBI, sans contrepartie et sans aucune tentative de recouvrement, la cour d'appel, caractérisant ainsi des relations financières anormales entre la société Picot Bouvier et la société PBI, constitutives de la confusion des patrimoines, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche, ne peut être accueilli ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société PBI et la SCI font encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que la confusion des patrimoines suppose que les sociétés concernées, tout en étant des personnes morales autonomes possédant des patrimoines distincts ont imbriqué ces derniers de telle sorte qu'il n'est plus possible de distinguer les éléments d'actif et de passif propres à chacune d'elles et qu'il existe entre elles des flux financiers anormaux ; que pour étendre la procédure de liquidation judiciaire de la société Picot Bouvier à la SCI, l'arrêt retient que la société locataire n'a pas procédé au règlement de l'intégralité des loyers sans que la SCI mette en oeuvre une procédure d'exécution et sans justifier que postérieurement à l'avenant daté du 1er juillet 2002 ayant précisé les limites de la nouvelle occupation, elle en ait profité pour rechercher un nouveau locataire et tirer ainsi bénéfice des locaux libérés ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser une confusion des patrimoines entre les deux sociétés, dont les mouvements financiers ont été établis en comptabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-5, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

2°/ que l'enregistrement en comptabilité d'opérations – même effectuées en infraction aux clauses du bail – à des dates différentes de celles où les prestations ont été facturées n'établit pas l'existence de relations financières anormales entre deux sociétés ; qu'en relevant que le remboursement des factures de réparation de tuyauterie, établies à l'ordre de la société Picot Bouvier, émises entre le 4 juillet 2001 et le 31 mai 2003, avaient été prises en charge par la SCI, contrairement aux stipulations du bail et passées en comptabilité au sein de cette société entre juillet et novembre 2003 pour en déduire que les conditions du règlement de ces factures sont elles-mêmes caractéristiques de l'existence de relations anormales entre bailleur et locataire, la cour d'appel a violé l'article L. 621-5, alinéa 1, du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

3°/ que c'est au demandeur à l'action en extension de rapporter la preuve de l'existence d'une confusion des patrimoines ; qu'en énonçant que ni l'existence d'autres locataires, ni le règlement des taxes foncières par la propriétaire de l'immeuble n'étaient de nature à conférer à son comportement à l'égard de la société Picot Bouvier un caractère normal et conforme à une gestion patrimoniale habituelle, dès lors que la société locataire louait la majeure partie de l'immeuble et que son loyer correspondait à plus des deux tiers du revenu locatif total, sans établir en quoi ces proratas attestaient de relations financières anormales constitutives d'une confusion des patrimoines de la société Picot Bouvier et de la SCI, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ainsi que l'article L. 621-5, alinéa 1, du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

4°/ que ni la présence d'un actionnariat familial commun, ni l'identité d'activités exercées par plusieurs sociétés ne caractérisent une quelconque confusion des patrimoines permettant d'étendre à d'autres entités la procédure collective ouverte à l'encontre de l'une d'elles ; qu'en relevant que les sociétés bailleresses avaient le même objet social, que leur capital respectif était détenu en majorité par les membres de la même famille dont l'un occupait un emploi de directeur commercial au sein de la société locataire pour affirmer l‘existence d'une confusion des patrimoines entre cette dernière et chacune des sociétés bailleresses, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 621-5, alinéa 1, du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la SCI reconnaissait avoir consenti des abandons de loyers pour un montant de 230 771 euros jusqu'au 30 juin 2002 tandis que, de la conclusion du bail à cette date, le total des loyers hors charges et sans indexation s'établissait à 247 828 euros, puis constaté que les versements de loyers jusqu'à la date de cessation des paiements ne s'étaient élevés qu'à 22 900 euros, l'arrêt retient que la SCI n'a fait délivrer ni mise en demeure, ni commandement de payer à sa locataire bien que ce loyer ait représenté plus des deux tiers de son revenu locatif ; que l'arrêt retient encore que des factures de réparation de tuyauterie établies à l'ordre de la société Picot Bouvier pour un montant total de 13 701,59 euros, portant pour la quasi-totalité sur des travaux d'entretien ou de menues réparations de nature locative, lui ont été remboursées par la SCI entre juillet et novembre 2003 bien que leur prise en charge ne corresponde pas à l'application du bail et surtout sans que la SCI n'opère de compensation ; que, par ces constatations et appréciations caractérisant des relations financières anormales entre la société Picot Bouvier et la SCI, constitutives, à elles seules, de la confusion des patrimoines, la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués aux deuxième et quatrième branches, a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.