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Décisions

Cass. com., 10 décembre 2002, n° 99-18.502

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Cahart

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, Me Bertrand

Paris, du 2 juill. 1999

2 juillet 1999

Attendu, selon les arrêts déférés, que les sociétés civiles immobilières Résidence de la Vallée et La Croix de la Vallée (les SCI) ont donné des terrains à bail à la société SMGT ; qu'un avenant au bail a prévu que les constructions édifiées et les aménagements effectués sur ces terrains reviendraient sans indemnité aux sociétés bailleresses ; que, la société SMGT ayant été mise en redressement judiciaire le 6 avril 1998, M. Y..., représentant des créanciers de celle-ci, a demandé que la procédure soit étendue aux SCI ; que le tribunal a rejeté cette demande ; que le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire le 30 juillet 1998 ; que la cour d'appel, par arrêt du 5 mars 1999, a déclaré l'appel recevable, et par arrêt du 2 juillet 1999, a accueilli la demande ;

Sur le premier moyen, dirigé contre le premier arrêt, pris en ses deux branches :

Attendu que les SCI font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'appel de M. Y..., alors, selon le moyen :

1°) que le tribunal qui prononce la liquidation judiciaire nomme le représentant des créanciers en qualité de liquidateur ; que le représentant des créanciers cesse ses fonctions et le liquidateur a seul qualité pour poursuivre les actions introduites avant le jugement de liquidation soit par l'administrateur, soit par le représentant des créanciers ; qu'en considérant que l'appel interjeté par M. Y..., ès qualité de représentant des créanciers des sociétés SMGT et du Château Saint-Corneille, le 27 août 1998 après le prononcé de la liquidation judiciaire desdites sociétés par le tribunal de commerce d'Evry le 30 juillet 1998, n'était pas intrinsèquement nul puisque ce mandataire de justice était partie en première instance en cette qualité, la cour d'appel a violé l'article 148-4 de la loi du 25 janvier 1985 et les articles 122 et suivants du nouveau Code de procédure civile ;

2°) que l'irrecevabilité pour défaut de qualité de l'appelant ne peut être écartée lorsque la personne ayant qualité ne devient partie à l'instance d'appel qu'après l'expiration du délai prévu à peine de forclusion pour former appel ; qu'en considérant que M. Y..., ès qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire des sociétés SMGT et du Château Saint-Corneille, avait pu régulariser, après l'expiration du délai d'appel, l'appel qu'il avait interjeté en simple qualité de représentant des créanciers des mêmes sociétés, alors que lesdites sociétés étaient en liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 126 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que le sort de l'intervention n'est pas lié à celui de l'action principale, lorsque l'intervenant principal, liquidateur judiciaire, se prévaut d'un droit propre qu'il est seul habilité à exercer après le jugement ayant converti le redressement judiciaire en liquidation ; que la cour d'appel ayant constaté que M. Y... était intervenu en qualité de liquidateur, le moyen est inopérant et donc irrecevable ;

Mais sur le second moyen, dirigé contre le second arrêt :

Vu l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-5 du Code de commerce ;

Attendu que pour étendre aux SCI la procédure de redressement judiciaire de la société SMGT, la cour d'appel a retenu que le loyer réclamé par les deux SCI à SMGT a été réévalué à l'issue de la première période avril 1966 mars 1975 comme à celle de la deuxième période avril 1975 mars 1984 ; mais que le loyer de départ était spécialement modéré, les SCI relevant devant le tribunal que le loyer de 1,34 MF (ou 1,314 MF, montant paraissant se rapporter à la période avril 1984/mars 1993) ne pouvait être regardé comme excessif puisque la valeur locative était estimée par des professionnels à 3,16 MF ; que, de l'aveu encore des SCI, le loyer n'a connu d'autres augmentations que celles résultant de l'application de l'indice du coût de la construction en dépit de la circonstance que la surface louée, à l'origine 21 000 m2 sur une superficie totale, semble-t-il, de 36 550 m2, a été augmentée de près de 12 000 m2, soit au total 32 920 m2 précisément, sans, donc, que le loyer soit corrigé à la hausse pour tenir compte de l'accroissement de plus de 55 % de la consistance de la chose louée ; que les SCI ont consenti, par trois fois, des abandons de loyers à hauteur de 50 % au titre de l'année 1995, de 75 % au titre de l'année 1996 et encore de 75 % au titre de l'année 1997 ; que ces abandons de créances, par nature exorbitants de relations normales entre un bailleur et son locataire, atteignant en l'espèce de fortes proportions et ne pouvant être justifiés par le seul droit d'accession invoqué par ailleurs, sur les motifs desquels les SCI sont discrètes et se bornent essentiellement à invoquer une clause de retour à meilleure fortune, suffisent déjà, avec les éléments relevés ci-dessus, à établir que les patrimoines des SCI ont été exploités par SMGT dans le seul intérêt de ses dirigeants ; que la caractérisation des relations exorbitantes décrites ci-dessus est encore renforcée, d'une part, par l'introduction, en avril 1988, des SCI dans le capital de SMGT, qui s'est réalisée par souscription à une augmentation de capital, à laquelle elles ont été seules à participer et qui a eu pour résultat de leur attribuer 33,33 % des actions représentatives du capital de la SMGT, alors qu'une telle prise de participation n'entrait nullement dans leur objet social compte tenu surtout de l'activité de la SMGT elle-même, d'autre part, par la souscription, en juin 1996, d'engagements de cautions, avec constitution d'hypothèque sur leur actif immobilier, pour garantir le remboursement d'un emprunt de 2,9 MF souscrit par SMGT auprès de deux banques, opération qui, au-delà de sa régularité formelle, n'a constitué qu'un moyen, pour les dirigeants de la société anonyme, d'obtenir de nouveaux concours, sous forme de restructuration de crédits mais avec des garanties nouvelles, à une époque où les difficultés financières de SMGT paraissaient déjà sérieuses ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que les patrimoines étaient confondus, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 5 mars 1999 par la cour d'appel de Paris ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.