Cass. com., 26 octobre 1999, n° 97-13.212
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Grimaldi
Rapporteur :
M. Badi
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
Me Le Prado, SCP Coutard et Mayer
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Poitiers, 4 février 1997), que M. X... et la société Château de la Motte ont relevé appel du jugement leur ayant étendu la liquidation judiciaire de la société de la Motte (la société) ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... et la société Château de la Motte font grief à l'arrêt d'avoir ouvert une procédure de liquidation judiciaire à leur égard, alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans son rapport définitif du 13 septembre 1995, l'expert, dans ses conclusions, faisait apparaître que M. X... avait exclusivement utilisé les fonds perçus au moyen de l'escompte des traites destinées à la société en paiement de factures dues par cette dernière et même au-delà, le solde du compte courant de M. X... présentant un débit de 42 729,89 francs ; que la cour d'appel, qui a affirmé, néanmoins que "le reste des sommes remboursées est demeuré au compte associé de Bigot, ou même à concurrence de 42 792,89 francs acquis personnellement à Bigot", a dénaturé les termes du rapport précité et violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, que M. X... faisait valoir dans ses conclusions du 7 mars 1993 que "c'est pour permettre l'escompte d'un effet qui était refusé par la banque, puisqu'il s'agissait de la SARL de la Motte, qu'il avait accepté, sur l'insistance de son banquier, de l'encaisser pour en assurer immédiatement la redistribution sans en retirer un profit personnel quelconque" et que "les conclusions du rapport d'expertise démontrent, sans aucune équivoque, que M. X... n'a ainsi retiré aucun profit personnel", la cour d'appel, en prononçant néanmoins la liquidation judiciaire de M. X... et de la société Château de la Motte sans répondre à ces écritures, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en retenant que M. X... avait escompté sur son compte personnel des effets acceptés par un client au profit de la société pour une somme de 960 210,22 francs et n'avait effectué qu'un remboursement limité à 538 687,15 francs, la cour d'appel a, hors toute dénaturation, répondu en les écartant aux conclusions invoquées ; que le moyen est sans fondement ;
Sur le second moyen, pris en ses trois premières branches :
Attendu que M. X... et la société Château de la Motte reprochent encore à l'arrêt d'avoir prononcé l'extension à leur égard de la liquidation judiciaire de la société et d'avoir ouvert à leur encontre une procédure de liquidation judiciaire, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la confusion des patrimoines justifiant l'extension à une société ou à un dirigeant d'une procédure ouverte à l'égard d'une autre doit se déduire de faits précis tels que l'impossibilité de dissocier les patrimoines, ou un mélange d'actifs ; qu'en l'espèce, pour étendre la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société à M. X... et à la société Château de la Motte, la cour d'appel s'est bornée à se référer à la présence d'actionnaires ou d'associés et de dirigeants communs aux deux sociétés, ainsi qu'à l'existence de sièges sociaux identiques, éléments pourtant impropres à établir la confusion de patrimoines de ces entités ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1er et 7 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'autre part, que la confusion des patrimoines ne peut être retenue en l'absence d'imbrication des éléments d'actif et de passif ; que la cour d'appel qui a constaté, par motifs adoptés, que le paiement de factures d'une des trois entités a été effectué par l'une des deux autres entités a admis par là même que chaque entité avait un patrimoine distinct ; qu'elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, qu'il résulte des conclusions du rapport définitif d'expertise, que l'escompte par M. X... de deux effets, dont la société était bénéficiaire avait été une opération ponctuelle, donc isolée, quelle que soit l'importance des opérations comptables générées par l'utilisation des fonds, laquelle par ailleurs a pu être clairement déterminée ; qu'il résulte également dudit rapport que l'essentiel des mouvements s'analysait en opérations de compte courant à compte courant, lesquels de par leur existence témoignaient de comptabilités distinctes et parfaitement individualisables ; qu'il en résulte que les autres comptes des trois entités juridiques sont distincts ; que la cour d'appel en affirmant néanmoins par motifs adoptés qu' "il n'est plus possible de distinguer ce qui est propre à chacun" pour étendre à M. X... et la société Château de la Motte la liquidation judiciaire de la société, a dénaturé le rapport d'expertise sur lequel elle s'est fondée et a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, s'agissant de M. X..., que l'arrêt retient que le fait par celui-ci, gérant de la société, d'avoir escompté sur son propre compte des effets acceptés par un client au profit de la société, qui a été sanctionné par la juridiction pénale au titre de l'abus de biens sociaux, constitue un détournement d'actif ;
Attendu, en second lieu, s'agissant de la société Château de la Motte, que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que cette dernière ne disposait d'aucun personnel propre et utilisait celui de la société, que des flux financiers anormaux, importants et permanents, étaient entretenus entre les deux sociétés, que la société Château de la Motte a contribué au remboursement des lettres de change encaissées par M. X... et enfin, que le paiement des factures "d'une entité a été effectué par l'une des deux autres" ;
D'où il suit qu'abstraction faite de motifs surabondants, la cour d'appel a, hors toute dénaturation, légalement justifié sa décision ;
que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses trois branches ;
Et sur la quatrième branche du second moyen :
Attendu que M. X... et la société Château de la Motte demandent la cassation de l'arrêt en ce qu'il a ouvert à leur encontre une procédure de liquidation judiciaire en conséquence de la cassation de la disposition qui a prononcé l'extension à leur égard de la liquidation judiciaire de la société ;
Mais attendu que les deux précédents moyens ayant été rejetés, celui-ci doit l'être également ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.